Le privé en santé doit ouvrir ses livres, exige la vérificatrice générale du Québec

La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, participe aux audiences publiques sur le projet de loi 15.
Photo : Assemblée nationale
La vérificatrice générale du Québec (VG) demande au ministre Dubé de clarifier le projet de loi 15 afin que ses équipes n’aient plus à recourir aux tribunaux pour suivre l’argent versé au privé.
Lors de ses remarques préliminaires à l’étude de son projet de loi mammouth sur l’efficacité en santé, le ministre Christian Dubé n’a pas caché que les 1000 articles du projet pouvaient paraître imposants, épeurants
.
Or, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, a clairement relevé les articles d’intérêt afin que ses équipes puissent avoir les coudées franches pour suivre les dizaines de milliards de dollars dépensés en santé, notamment dans le secteur privé.
J’ai de très grandes préoccupations quant à mon possible accès aux installations des établissements privés, à leurs états financiers ou à tout document que je jugerais nécessaire de vérifier
, a-t-elle affirmé lors de sa présentation.
La vérificatrice générale donne l’exemple d’un litige avec trois entreprises ambulancières privées qui, depuis 2020, lui refusent l’accès aux documents en dépit des contrats de 360 millions de dollars accordés par le réseau de la santé.
Le ministre Dubé s’est dit sensible
aux propos de la vérificatrice générale et a promis d’intervenir si nécessaire lors du renouvellement des contrats.
Comme l’a précisé la VG lors d’un échange avec le député solidaire Vincent Marissal, c'est un enjeu qui est important pour nous, le fait qu’on interprète notre loi de façon restrictive pour ces entreprises privées-là, qui servent la population de manière très importante
.
Lorsqu’on parle de cliniques ou de salles d'opération, qu’on parle d’ambulances, c’est important que la performance soit au niveau des sommes qui leur sont versées et des ententes qui ont été conclues, et ça, on n’est pas en mesure de le faire sans aller vers un litige.
Au député péquiste Joël Arseneau, elle a rappelé qu’à l'heure actuelle, la Loi sur le vérificateur général l’autorise à effectuer un audit à l’égard des organismes qui reçoivent des subventions ainsi que des organismes dont 50 % des revenus proviennent des fonds publics et dont la majorité des membres du conseil d’administration sont nommés par le gouvernement ou par une organisation publique.
Mme Leclerc a énuméré de nombreux exemples de liens avec le privé, que ce soit les groupes de médecine familiale (GMF), les cliniques de chirurgie privées, les CHSLD privés conventionnés et les ressources intermédiaires.
Cette intervention survient au moment où Québec veut accentuer le recours au privé en santé, notamment par les chirurgies et par l’ouverture de deux minihôpitaux.
Non à la coaudition de Santé Québec
La vérificatrice générale Guylaine Leclerc a également pointé du doigt l’article 105 du projet loi visant à ce que les états financiers de Santé Québec soient examinés par le vérificateur général et par un auditeur privé.
Ce point me préoccupe grandement, a-t-elle insisté. Il s’agit d’une première pour une entité qui n’a pas de vocation commerciale, comme c’est le cas par exemple pour Hydro-Québec ou la Société des alcools.
Je veux vous expliquer que je suis très sensible à votre demande que vous soyez le vérificateur unique
, a mentionné le ministre Dubé. La raison pour laquelle ça a été présenté comme ça, peut-être à tort, c’était de dire : "Elle en a déjà beaucoup, est-ce qu’on ne lui en rajoute pas trop?"
Le député solidaire Vincent Marissal s’est dit sidéré que vous demandiez d'être l’auditrice unique pour une société qu’on est en train de créer [et] qui gérera 40 milliards de dollars sous prétexte de ne pas vouloir vous accabler
.
Conventions collectives : Michel Clair prône la fin du mur à mur
Élu dans le gouvernement péquiste de 1976, Michel Clair a rédigé un rapport sur le réseau de la santé il y a plus de 20 ans. Il appuie l’idée de prioriser la compétence comme critère d’embauche par rapport à l’ancienneté. M. Clair pense également qu’il faut donner à chaque région la flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins locaux.
Si on veut favoriser des solutions locales, il faut sortir des conventions collectives mur à mur.
Et l'ex-politicien met en garde le gouvernement contre les périls d’une nouvelle vague de centralisation. Ce qu’il qualifie de spirale centralisatrice
depuis 20 ans aurait contribué à démotiver les soignants du réseau de la santé québécois.
Michel Clair prône donc une reddition de comptes locale compréhensible pour les citoyens. Et, selon lui, ces communautés doivent avoir leur mot à dire quant à l’organisation des services, ce qui passe par la capacité de communiquer directement avec les directions d’établissement.
La transparence dans les résultats doit remplacer l’opacité nationale
, conclut-il.