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Google devra verser 500 000 $ à un Montréalais pour diffamation

Le logo de Google sur un immeuble à Seattle, aux États-Unis.

Google est accusée d'avoir établi un lien vers un article en ligne dans lequel un homme d'affaires était accusé d'être un pédophile. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / 400tmax

La Presse canadienne

Un juge de la Cour supérieure du Québec a ordonné à Google de verser 500 000 $ à un Montréalais après que l'entreprise technologique eut rétabli un lien vers un article en ligne dans lequel cet homme d'affaires était faussement accusé d'être un pédophile.

Dans sa décision rendue à la fin du mois dernier, le juge Azimuddin Hussain a également ordonné à Google de supprimer de ses résultats de recherche au Québec les liens vers l'article en question.

Le juge a déclaré que les moteurs de recherche ont la responsabilité, en vertu de la loi québécoise, de supprimer les liens vers des contenus illégaux – y compris les messages diffamatoires – dès lors qu'ils sont informés de leur existence.

L'homme, dont l'identité est protégée par une ordonnance de non-publication, a découvert le contenu diffamatoire en 2007 lorsqu'il a utilisé Google pour rechercher son nom. Il est décrit dans la décision judiciaire comme un homme d'affaires de premier plan [...] avec une longue liste de réalisations tant au Canada qu'aux États-Unis.

Comme le personnage de Franz Kafka, Josef K., dans Le Procès, le plaignant s'est réveillé un jour pour se retrouver accusé d'un crime qu'il n'a pas commis, a déclaré M. Hussain. Dans le cas du plaignant, il est accusé d'avoir déjà été condamné pour le crime, un crime particulièrement odieux de surcroît.

Avec l'aide d'un ami, le plaignant a tenté de faire retirer le matériel du site web où son nom était apparu pour la première fois, sans succès. Il a également demandé à Google de supprimer les liens vers le site web, ainsi qu'un court extrait du site, sur la page de résultats du moteur de recherche.

Google a ignoré le plaignant, lui a dit qu'il ne pouvait rien faire, lui a dit qu'il pouvait supprimer l'hyperlien sur la version canadienne de son moteur de recherche, mais pas sur la version américaine, puis l'a laissé réapparaître sur la version canadienne après un jugement rendu en 2011 par la Cour suprême du Canada dans une affaire sans rapport avec la publication d'hyperliens, a écrit le juge.

Google n'a pas répondu à une demande de commentaire mercredi après-midi.

Série d'événements

Le jugement indique qu'en 2009, Google a supprimé un lien vers l'article dans les résultats de recherche qui apparaissaient sur son site web canadien. À la demande de l'homme, Google a supprimé les liens à deux autres reprises – plus tard cette année-là et en 2011 – après que l'article a refait surface dans ses résultats de recherche.

Cependant, en 2015, après que l'homme a retrouvé un lien vers le contenu dans les résultats de recherche de Google, l'entreprise a refusé de supprimer ce lien. Le plaignant s'est retrouvé impuissant dans un écosystème en ligne contemporain surréaliste et atroce, alors qu'il vivait une sombre odyssée pour faire retirer l'article diffamatoire de la circulation publique, a écrit le juge.

M. Hussain a limité la portée de sa décision au refus de Google, en 2015, de supprimer les liens vers la publication et aux événements qui ont suivi.

Plusieurs conséquences

L'homme, qui a aujourd'hui plus de 70 ans, a déclaré au tribunal qu'il pensait que des clients potentiels avaient renoncé à des contrats parce qu'ils avaient vu la publication, ajoutant que sa carrière, qui avait été marquée par le succès, avait commencé à s'effondrer.

Deux amis ont déclaré avoir refusé d'user de leur influence pour l'aider à trouver un emploi parce qu'ils craignaient que l'article ne rende ces efforts infructueux. Ses relations personnelles ont également souffert, y compris celles avec ses deux fils, selon l'arrêt.

Un fils a déclaré que les parents de sa petite amie avaient refusé de rencontrer son père en raison du contenu diffamatoire publié sur Internet. Le fils a déclaré qu'après avoir connu un succès retentissant, les gens lui disaient qu'ils avaient cherché son nom sur Google et l'avaient interrogé sur l'article concernant son père.

Avant, il était une personnalité hors du commun, pleine d'assurance et de confiance en soi, a écrit le juge à propos du plaignant. Après, il est devenu une coquille vide, enclin à la colère, à l'isolement, à la consommation excessive d'alcool et aux pensées suicidaires.

La défense de Google

La société Google, dont le siège social se trouve en Californie et qui est constituée en vertu des lois de l'État du Delaware, a fait valoir que la loi québécoise sur la diffamation ne s'appliquait pas à l'affaire et qu'en vertu de la loi américaine, elle n'avait pas l'obligation de supprimer le lien. L'entreprise a également fait valoir que même si le droit québécois s'appliquait, elle ne pouvait pas être tenue responsable en vertu de l'accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Le juge n'a pas été de cet avis. M. Hussain a déclaré que s'il est vrai que Google, en vertu du droit québécois, n'est pas responsable du contenu vers lequel elle établit des liens – et n'est pas tenue de surveiller ce contenu –, l'entreprise a l'obligation d'agir lorsqu'elle est informée qu'elle facilite l'accès à du matériel illicite.

M. Hussain a accordé à l'homme, qui demandait à l'origine six millions de dollars de dommages-intérêts, 500 000 $ de dommages moraux. Toutefois, le juge a refusé d'accorder des dommages-intérêts punitifs au motif que Google croyait de bonne foi qu'elle agissait légalement lorsqu'elle a refusé de supprimer les liens en 2015.

Le juge a également désigné les deux sites web qui ont publié l'article diffamatoire original et a ordonné à Google de s'assurer que les résultats de recherche disponibles au Québec n'incluent pas de liens vers des pages de ces sites qui mentionnent le nom du plaignant.

Le plaignant avait demandé une interdiction permanente de la publication de son identité, mais M. Hussain a déclaré qu'il était enclin à rejeter cette demande. Au lieu de cela, le juge a accordé une interdiction de publication de 45 jours afin que l'homme ait le temps de faire appel de cette partie de la décision auprès d'une juridiction supérieure.

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