Les fiducies foncières communautaires : une solution pour préserver le logement abordable?

La fiducie foncière communautaire de Parkdale a pu acquérir le bâtiment au 22 avenue Maynard par l'entremise du financement de la Ville de Toronto l'an dernier.
Photo : Fournie par Joshua Barndt
Des fiducies foncières communautaires achètent des bâtiments, des maisons et des habitations pour préserver le logement abordable dans leurs quartiers. Il s'agit d'un des moyens de protéger les locataires les plus vulnérables contre « l’embourgeoisement », selon la Ville de Toronto.
Ces fiducies foncières communautaires ne créent pas de nouveaux logements, elles protègent plutôt les logements abordables existants qui sont menacés par l'achat de la part d'investisseurs privés ou par les rénovictions, par exemple.
Elles offrent une solution de rechange à l’approche du libre marché du logement qui menace actuellement l’abordabilité
, précise la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).
Nous avons une crise du logement à Toronto et cela est alimenté par des propriétaires privés et des groupes d'investisseurs qui achètent nos immeubles locatifs et les rendent très inabordables pour les résidents en doublant et triplant le loyer
, explique le directeur général de Neighbourhood Land Trust (NLT) et Parkdale Neighbourhood Land Trust, Joshua Barndt.
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Cette fiducie foncière communautaire possède un jardin communautaire et 84 propriétés, pour un total de 205 logements locatifs abordables.
Les résidents les plus vulnérables comme des membres de la communauté noire et autochtone, des mères monoparentales et des personnes à risque d'être en situation d'itinérance, entre autres, sont priorisés.
La Neighbourhood Land Trust de Parkdale a pu acquérir plusieurs propriétés grâce à des dons et à du financement municipal, dont le bâtiment situé au 22 avenue Maynard, pour près de 8 millions de dollars.
Les fiducies foncières communautaires sont des organismes sans but lucratif, formés de membres et régis par un conseil d’administration élu, créés pour acquérir et détenir des terrains pour une collectivité, explique la SCHL
sur son site web.Un programme pour préserver l'offre actuelle
Pour une deuxième année consécutive, la Ville de Toronto met à disposition des millions de dollars à travers son programme d'acquisition résidentielle multiunités (MURA).
Le nouvel appel d'offres annuel lancé par la Ville de Toronto est en cours.
Cette année, 21,5 millions $ en financement et en incitatifs municipaux
sont disponibles pour les organismes qui se qualifient au programme MURA, y compris les fournisseurs de logements autochtones, les coopératives et les fiducies foncières communautaires.
« La situation est très difficile à Toronto si vous êtes un locataire. »
Même si c'est un relativement petit programme, il permet aux organismes à but non lucratif de protéger des immeubles qui ont un certain niveau d'abordabilité dans leur propre communauté
, explique la directrice générale du Secrétariat du logement à la Ville de Toronto, Abi Bond.
Ces bâtiments pourraient s'évaporer s'ils sont vendus à un autre propriétaire qui n'a pas de mandat de fournir des logements abordables à long terme
, ajoute-t-elle.
On a entendu beaucoup d'échos de membres de la communauté qui sont inquiets de l'embourgeoisement de leur quartier et de la hausse du prix des loyers et il n'y a actuellement pas beaucoup de programmes comme celui-ci qui permettent de sécuriser les logements abordables
, affirme Abi Bond.
Au cours de la dernière année, le programme MURA a appuyé six fournisseurs de logements qui ont obtenu 140 logements locatifs
pour les résidents à revenu faible et moyen de Toronto, selon la Ville.
Ces propriétés seront sécurisées en tant que logements abordables pendant au moins 99 ans, ce qui offre une stabilité aux résidents.
Dans le cas de la fiducie foncière communautaire de Parkdale, le loyer est en moyenne fixé entre 10 % et 20 % de moins que le prix du marché.
Ceux qui ne peuvent pas se le permettre peuvent avoir droit à une subvention sous forme de loyer indexé sur le revenu par l'entremise de la Ville de Toronto, explique M. Barndt. Ces résidents paient alors 30 % du prix du loyer.
Profits au détriment d'une communauté diversifiée
Les conditions de logement actuelles sont très inabordables
, confirme le professeur adjoint à l’École d’urbanisme et de planification régionale de l’Université métropolitaine de Toronto, Nemoy Lewis.
Nombre de Torontois se trouvent forcés de devoir faire des sacrifices au niveau de leur alimentation et de leurs soins de santé, ajoute-t-il.
« Si la situation reste comme elle l'est actuellement, seuls les gens nantis pourront vivre dans les grands centres urbains comme Toronto, Montréal et Vancouver. »
C'est important de ne pas oublier que même si on fait des efforts pour créer de nouveaux logements, on doit aussi sécuriser les logements existants qui ont des loyers à bas prix à long terme pour les sortir du marché spéculatif
, rappelle Abi Bond.
Sans un programme comme MURA, les OBNL n'ont pas les mêmes chances de concurrencer les investisseurs privés sur le marché immobilier par manque de fonds.
Même si cette initiative est un des moyens de répondre à la crise du logement, elle n'est pas la seule solution
, affirment Nemoy Lewis et Abi Bond.
M. Lewis explique que le financement offert n'est pas suffisant et que les critères actuels sont trop limitants
pour avoir un impact plus marqué sur la crise du logement.
Plus de financement pour plus d'impact
Selon la directrice générale du Secrétariat du logement de Toronto, l'appui des autres instances gouvernementales, le provincial et le fédéral, est nécessaire pour préserver davantage de logements abordables dans la ville.
Si nous construisons seulement de nouveaux logements sans nous assurer que ceux qui sont existants restent abordables, nous n'allons pas avancer dans ce dossier
, souligne-t-elle.
« Nous recevons plus d'intérêt pour le programme que d'argent. »
Même son de cloche du côté de Joshua Barndt et Nemoy Lewis. Sans l'appui financier et législatif de tous les paliers de gouvernements, l'impact sur la crise du logement restera minime, bien qu'il soit important.
Tous les paliers de gouvernements devraient collaborer pour assurer une offre de logements abordables à long terme, que ce soit de nouveaux logements ou des logements existants
, croit le professeur adjoint.
Il faut, d'une part, augmenter le financement de programmes comme MURA, mais aussi rendre plus flexibles les politiques qui limitent l'offre actuelle de logements abordables
, ajoute-t-il.
M. Lewis fait notamment référence aux politiques qui permettent aux propriétaires d'augmenter le loyer d'un logement une fois qu'un locataire le quitte.
Pour sa part, la province ne confirme pas si elle serait intéressée à participer financièrement au programme MURA de Toronto.
Le ministère des Affaires municipales et du Logement se contente de dire que les gestionnaires de services municipaux comme la Ville de Toronto peuvent choisir comment ils souhaitent utiliser leur financement provincial.
Une solution qui gagne en popularité
Des groupes à travers le pays s'organisent de plus en plus pour créer des solutions pour leur communauté, constate Joshua Barndt.
Cette façon de contrer la perte de logements abordables est de plus en plus populaire à travers le pays, selon les experts qui contribuent à ce genre d'initiative.
Il y a un besoin réel. Nous remarquons certainement une augmentation de l'intérêt pour ce programme et un nombre croissant de fiducies foncières dans la ville
, constate Abi Bond.
On est passé d'une vingtaine de fiducies foncières communautaires au Canada il y a quelques années à plus de 40 au pays
, observe M. Barndt.
En Ontario, comme dans d'autres provinces canadiennes, il existe plusieurs fiducies foncières communautaires comme celle de Kensington Market à Toronto, celle de la baie Georgienne et celle de Muskoka, notamment, et cette tendance est à la hausse.
De son côté, l'objectif de la fiducie foncière communautaire de Parkdale est de préserver l'abordabilité de 300 logements d'ici 2025.