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Ingérence de Pékin : le Canada doit-il bannir la télévision chinoise?

Une lanterne chinoise à côté d'un drapeau canadien.

Plus de 1,8 million de résidents canadiens sont d'origine chinoise, et, en 2020, plus de 117 000 étudiants chinois possédant un permis d’études d’au moins six mois ont fréquenté des établissements d'enseignement canadiens.

Photo : Radio-Canada / Stéphane Richer

Des membres de la communauté sino-canadienne accusent le gouvernement fédéral de « double standard », parce qu’il a banni la chaîne Russia Today alors qu’il autorise toujours la télévision chinoise CCTV-4 à diffuser au Canada.

C’est ridicule! s’exclame Victor Ho, ancien rédacteur en chef de l’édition vancouvéroise du Sing Tao, le plus vieux journal en langue chinoise au Canada. Il ne comprend pas comment le gouvernement peut laisser une chaîne de télévision appartenant au département de propagande du comité central du Parti communiste chinois diffuser au Canada, alors qu’il a banni Russia Today sous prétexte que la chaîne est un organe du Kremlin.

Le gouvernement doit respecter les mêmes principes pour CCTV-4 que pour Russia Today.

Une citation de Victor Ho, ancien rédacteur en chef de l’édition vancouvéroise du Sing Tao
Simon Cheng lors de son interrogatoire.

La chaîne a diffusé des dizaines de témoignages comme celui de Simon Cheng, un Britannique soupçonné d’espionnage par la police chinoise et dont la confession a été obtenue sous la torture, selon Safeguard Defenders.

Photo : Capture d'écran de CCTV.

CCTV-4 est diffusée au Canada depuis 2006. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a autorisé sa distribution tout en donnant raison à ses opposants, qui ont démontré que la chaîne d’État avait enfreint les règles canadiennes en matière de contenu.

À l’époque, dans sa décision de permettre la distribution de CCTV-4, le CRTC avait cependant précisé que les faits reprochés dataient de plusieurs années. Le Conseil ne peut donc conclure que les reportages offensants diffusés en 1999 et en 2001 sont typiques du contenu de CCTV-4, pouvait-on lire dans la décision.

En 2019, l’organisme de défense des droits de la personne Safeguard Defenders a déposé une nouvelle plainte au CRTC démontrant que CCTV-4 avait récidivé. La chaîne a diffusé des dizaines de confessions obtenues sous la torture, selon l’ONG.

Plus de trois ans et demi après le dépôt de la plainte, le CRTC n'a pas encore rendu de décision.

Entre-temps, on a vu les autorités britanniques qui ont pris une décision très claire et nette, déplore Laura Harth, la porte-parole de Safeguard Defenders. Elles l’ont fait sur la base que la chaîne est contrôlée par le Parti communiste chinois, et en Grande-Bretagne, la loi ne le permet pas, précise-t-elle.

Victor Ho et Bill Chu regardent un journal.

Victor Ho et Bill Chu

Photo : Radio-Canada / Denis Babin

Questionné afin de savoir pourquoi Russia Today avait été bannie et pas CCTV-4, le premier ministre Justin Trudeau a répondu que les deux situations n’étaient pas comparables. On a énormément de défis et de préoccupations par rapport à la Chine. J'en ai souvent parlé, mais comparer avec ce que la Russie est en train de faire en tuant les gens en Ukraine et en envahissant un pays voisin, c'est tout à fait différent, croit-il.

Selon Bill Chu, un militant prodémocratie de Vancouver, le Canada doit veiller à ce que les médias qui s’adressent aux minorités dans leur langue ne soient pas exploités par une puissance étrangère. Il croit que certains médias locaux devraient aussi attirer l’attention du CRTC parce qu’ils diffusent des extraits de radios de Hong Kong qui sont contrôlées par Pékin.

Ces stations sont essentiellement devenues des porte-parole du régime, dit-il. À force de diffuser leur message, tôt ou tard, les gens seront endoctrinés par le régime, ajoute Bill Chu.

La présence invisible de Pékin dans les médias sino-canadiens

Les médias sino-canadiens ne sont pas exempts de la pression de Pékin, affirme Victor Ho. Il se souvient d'avoir senti que les choses avaient changé dans la communauté chinoise de Vancouver après l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping.

Après 2012-2013, critiquer le régime est devenu tabou. Je pensais davantage à ce que mes patrons allaient penser quand je cherchais un nouveau sujet ou quand j’écrivais un commentaire, explique le journaliste à la retraite.

Le Chinatown de Vancouver.

Victor Ho se rappelle avoir senti que les choses avaient changé dans la communauté chinoise de Vancouver après l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping.

Photo : Radio-Canada / Denis Babin

Cette autocensure fait maintenant partie du quotidien des journalistes sino-canadiens, selon lui. Ils ont ce que l’on appelle une présence invisible tous les jours, dit-il.

Ce n'est pas facile pour les journalistes, mais comment cela pourrait-il changer? se questionne Victor Ho. Le marché est petit et ils dépendent des lecteurs et des annonceurs, ajoute-t-il.

Victor Ho continue de se battre pour la liberté de la presse sino-canadienne malgré les craintes de représailles. Bill Chu, lui, ne compte pas arrêter de dénoncer la propagande de Pékin, même s’il est conscient qu’une partie de sa famille demeurée à Hong Kong peut en subir les conséquences. Si tout le monde se tait, ce sera fichu pour le Canada, conclut-il.

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