Tuerie de Portapique : les familles souhaitent un suivi des recommandations
Des amis et des membres des familles des victimes réagissent à la lecture du rapport final de la Commission des pertes massives le 30 mars 2023 à Truro, en Nouvelle-Écosse.
Photo : La Presse canadienne / Darren Calabrese
Le frère d'un homme tué lors de la tuerie de Portapique, en Nouvelle-Écosse, il y a près de trois ans, a bien l'intention de s'assurer que les recommandations de la Commission d'enquête publique des pertes massives seront mises en œuvre.
C'est formidable que les choses avancent
, a déclaré Scott McLeod lors d'une conférence de presse à Truro, une communauté située à environ 30 minutes de route à l'est de l'endroit où le carnage a commencé, à Portapique, le soir du 18 avril 2020.
« Il reste encore beaucoup de choses à faire avec les recommandations. Mais ça va permettre de tourner une page. »
Son frère Sean fait partie des 22 personnes tuées par balles lors de cette tuerie survenue dans le nord et dans le centre de la Nouvelle-Écosse. Le tueur, un dentiste de 51 ans, a été abattu par deux policiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) le matin du 19 avril 2020 dans une station-service à une centaine de kilomètres au sud de Portapique.
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Mise sur pied d’un comité de suivi des recommandations
La commission d'enquête fédérale-provinciale a publié jeudi son rapport final, qui comprend 130 recommandations pour rendre les villes canadiennes plus sûres. Les commissaires recommandent notamment la mise sur pied d'un comité de suivi pour s'assurer que les 129 autres recommandations soient mises en œuvre.
M. McLeod, qui travaille pour le système correctionnel fédéral comme son défunt frère, aimerait bien en faire partie.
Avoir maintenant ce rapport et savoir que les familles et le public ont été entendus, c'est fantastique
, a-t-il soutenu. Je vois beaucoup de points positifs qui en ressortent.
Un certain soulagement des proches des victimes
Sandra McCulloch, une avocate qui représente les proches de 14 des victimes, a déclaré que ses clients ont ressenti un certain soulagement lorsque le rapport de sept volumes a été publié.
« Ils ont mis énormément d'énergie et d'émotion dans ce processus, alors ils peuvent commencer à passer à autre chose. »
Il y a beaucoup de choses [dans le rapport] qui correspondent aux préoccupations qu'ils ont exprimées, principalement au sujet de la réponse de la GRC à la tuerie et de la façon dont ils ont été traités
, a-t-elle ajouté.
Pourtant, Me McCulloch soutient que la réaction généralement positive de ses clients au rapport n'a pas effacé le sentiment de rancune qui a fait surface au début du processus. La Commission a en effet été accusée par certaines familles de ne pas avoir posé de questions difficiles en raison de son approche bienveillante auprès des témoins, et ce, pour tenir compte des traumatismes
subis par les intervenants.
Il y a des réponses que la Commission a laissé tomber. Bien des choses demeurent en suspens, selon eux
, a noté l'avocate.
Pas de contre-interrogatoire de certains témoins
Au cours des audiences publiques de la Commission, certains ont déploré que des témoins, y compris des officiers supérieurs de la GRC, n'aient pas été obligés de subir un contre-interrogatoire en personne par des avocats qui représentaient les familles des victimes.
Le président de la Commission, l'ancien juge en chef de la Nouvelle-Écosse, Michael MacDonald, a contesté ce point de vue jeudi, affirmant que la Commission avait obtenu les réponses qu'elle recherchait.
Il a souligné son expérience de près de 45 ans en tant qu'avocat et juge.
Je sais une chose ou deux au sujet de l'obtention de preuves auprès de témoins
, a-t-il souligné en entrevue. Il est tout simplement faux, d'après mon expérience, de prétendre que la seule façon d'obtenir la vérité, c'est au moyen d'un contre-interrogatoire.
Maintenir la pression
Malgré cette rancune persistante, d'autres membres des familles de victimes étaient d'accord avec l'évaluation plutôt positive du rapport par les clients de Me McCulloch.
Harry Bond, fils des victimes Joy et Peter Bond, a déclaré qu'il se concentrera dorénavant, lui aussi, sur la mise en œuvre des recommandations de la Commission.
Nous devons maintenir la pression pour nous assurer que des changements seront apportés
, a-t-il commenté dans une entrevue après la publication du rapport.
« Nous ne sommes pas sûrs à 100 % que ça se produira, mais avec notre pression et la pression de toutes les familles, je me sens de plus en plus persuadé que le changement se produira. »
M. Bond s'est par ailleurs dit impressionné, voire surpris, lorsqu'il a lu les critiques acerbes de la Commission sur la façon dont la GRC a réagi lors de cette tragédie.
Nouveau départ pour Bonnie Oliver
Bonnie Oliver, la mère de la victime Jolene Oliver et grand-mère de la victime Emily Tuck, a quant à elle confié que le rapport a signifié un nouveau départ pour elle.
Au moins, ce rapport nous donne un point de départ pour pouvoir constituer l'héritage de nos familles, car c'est de cela qu'il s'agit. Les familles maintiendront la pression pour qu'il y ait une sorte de sens derrière la mort des victimes
, a-t-elle pensé.
Véritable urgence
, selon le premier ministre Justin Trudeau
Lors d'une conférence de presse vendredi à Moncton, au Nouveau-Brunswick, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré aux journalistes qu'il était bien conscient que les Canadiens ressentaient une véritable urgence
à ce que les gouvernements donnent suite aux recommandations du rapport. Mais il a ajouté qu'il fallait d'abord procéder à un examen minutieux des conclusions de la Commission.
Il s'agissait de recommandations très fortes et très claires. Il va falloir du temps pour les assimiler et pour élaborer des plans d'action afin que nous puissions les respecter. J'ai hâte de le faire avec la GRC et d'autres corps policiers à travers le pays
, a mentionné le premier ministre.
Quant à la GRC, le commissaire par intérim Mike Duheme a déclaré que lorsqu'il avait rencontré certaines des familles jeudi, il s'était engagé à examiner attentivement les recommandations de la Commission.
Si nous n'arrivons pas à apporter des changements au sein de l'organisation, cet incident tragique et horrible se sera produit pour rien. Nous devons en tirer des leçons et nous améliorer
, a-t-il dit.