Le NPD mise et gagne dans le dernier budget fédéral
L’entente conclue l’an dernier entre Justin Trudeau et Jagmeet Singh assure la survie du gouvernement libéral jusqu’en 2025 en échange de la mise en œuvre de plusieurs mesures.
Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice.
Photo : Radio-Canada
« Gouverner, c’est choisir », a déclaré Randy Boissonnault, ministre associé aux Finances, dans une entrevue aux Coulisses du pouvoir. Et dans le dernier budget fédéral déposé mardi, le Parti libéral du Canada a choisi d’offrir une aide ciblée aux Canadiens les moins nantis et de créer le Régime canadien d’assurance dentaire, des engagements contenus dans l’accord de confiance avec le Nouveau Parti démocratique (NPD).
C'est sûr que c'était un pari qui était un peu risqué quand on a décidé de faire l'entente, mais si ça aide concrètement la classe moyenne, les plus démunis, tous les gens qui n'ont pas d'assurance dentaire, ça vaut la peine
, a indiqué le chef adjoint du NPD , Alexandre Boulerice, à l’animateur de l'émission Les coulisses du pouvoir, Daniel Thibeault.
Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a bien l’intention de s’en attribuer le crédit. Il a entrepris une tournée pancanadienne pour faire savoir à la population que, sans le NPD
, les libéraux n’auraient pas mis en place un tel régime, eux qui ont voté contre une motion néo-démocrate allant en ce sens il y a deux ans.Le ministre Boissonnault se défend de dire que le NPD
a forcé la main aux libéraux. Il déclare que la situation financière du Canada lui permettait d’établir ce programme, dont les coûts s’élèveront à 13 milliards de dollars sur cinq ans.En 2022, le Canada avait la plus grande croissance économique dans le G7 et, si on veut vraiment saisir cette opportunité générationnelle d'avoir une économie propre et forte de stabiliser notre système de santé, d'aider les personnes qui en ont besoin, c'est le temps d'agir
, a ajouté le ministre.
Un virage, mais pas suffisamment
Comme l’indique le ministre, le gouvernement veut accentuer son virage vert. Il prévoit des investissements de 80 milliards de dollars sur 10 ans pour la transition énergétique en offrant aux entreprises des crédits d’impôt.
Il répond ainsi à la Loi américaine sur la réduction de l’inflation, qui est en fait un plan de près de 400 milliards de dollars dans la lutte contre le changement climatique.
« Si on saisit l'opportunité maintenant de vraiment bâtir une économie du futur, d'ici 10, 20, 30 ans, on va regarder cette période comme une période de sagesse où on a fait les bons investissements. »
Toutefois, aux yeux du NPD
, les libéraux n’ont fait que la moitié du chemin vers une économie propre. Cela prend aussi un cadre réglementaire pour s’assurer que les entreprises canadiennes participent à l’effort de réduction des gaz à effet de serre.Le crédit d'impôt, si tu ne fais pas l'investissement, si tu ne fais pas la dépense, si la compagnie, ça ne lui tente pas de le faire, le gouvernement n'a pas de contrôle là-dessus
, a fait remarquer Alexandre Boulerice.
Ces dépenses, conjuguées au ralentissement économique, creusent un peu plus les déficits anticipés dans les années à venir. Le manque à gagner pour l’année 2023-2024 s’élèvera à 40 milliards de dollars. Ce sont 10 milliards de plus que ce qui était prévu dans l’énoncé économique de novembre dernier.
À cela, le député néo-démocrate de Rosemont–La Petite-Patrie mentionne que le ratio de la dette canadienne par rapport à son produit intérieur brut est le meilleur des pays du G7. Et il a une solution à proposer aux libéraux pour atteindre l’équilibre budgétaire : taxer davantage les grandes entreprises, les banques et les multimillionnaires.
On a la balance du pouvoir
Le NPD
entend maintenir la pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il continue à mettre en œuvre les éléments de l’accord de confiance, et il se réjouit de ce qu’il a pu accomplir jusqu’à maintenant.« On a une influence. On a la balance du pouvoir, puis on l'utilise. Donc, c'est complètement un autre jeu politique par rapport à un gouvernement majoritaire que moi, par exemple, j'ai connu dans le passé. »
La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a pris soin d’inclure dans le document budgétaire son intention de modifier le Code canadien du travail pour interdire le recours aux briseurs de grève. Cette mesure fait aussi partie de l’entente entre Justin Trudeau et Jagmeet Singh. Cependant, Mme Freeland a esquivé la question de l’assurance-médicaments.
Cette omission n’est pas passée inaperçue chez les néo-démocrates, qui s’attendent à ce qu’une loi soit adoptée avant la fin de 2023. Sans cela, les Canadiens pourraient reprendre le chemin des urnes plus vite que prévu.