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La Couronne exige au moins 12 ans contre les frères Corhamzic pour voies de fait graves

Les deux hommes ont été reconnus coupables de voies de fait graves pour avoir battu un père de famille en 2018 à Mississauga.

Mohammed Abu-Marzouk s'adresse aux journalistes à la sortie du palais de justice de Brampton.

Mohammed Abu-Marzouk s'était adressé à la presse après le verdict de culpabilité le 31 janvier 2023 à l'extérieur du tribunal de Brampton en appelant les Canadiens à s'élever contre la haine.

Photo : CBC

L'audience sur la détermination de la peine de deux frères, qui ont été reconnus coupables en janvier de voies de fait graves pour avoir sauvagement battu un père de famille à Mississauga a donné lieu à des témoignages émouvants de la famille au tribunal de Brampton.

Janis et Adem Corhamzic avaient en revanche été acquittés d’une accusation de tentative de meurtre lorsqu'ils ont battu Mohammad Abu-Marzouk, aujourd'hui âgé de 43 ans, sous les yeux de sa femme et de ses filles, près d’un centre communautaire de Mississauga, en juillet 2018.

La victime, Mohammed Abu-Marzouk, avait été longuement hospitalisée pour dix fractures au crâne notamment.

Qu'à cela ne tienne, la Couronne a réclamé vendredi une peine sévère contre les deux hommes pour l'accusation de voies de fait graves pour lesquelles ils ont en revanche été reconnus coupables.

Les procureurs ont exigé au moins 12 ans de prison à cause du caractère haineux de l'agression.

À l'époque, les frères Corhamzic avaient injurié la victime au sujet des Arabes et l’avaient traitée de terroriste.

C’est d'ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la police avait jugé qu’il s’agissait d’un crime motivé par la haine.

Réquisitoire de la Couronne

La Couronne a cité de nombreux facteurs aggravants dans cette affaire, comme le fait que l'agression s'est produite sous les yeux des enfants de la victime et que leur père s'est complètement senti sans défense.

Elle a ajouté que l'agression avait eu lieu dans un parc, un lieu public supposé être sécuritaire pour tous.

ATTENTION :  ce texte pourrait choqué certains lecteurs.

La Couronne a enfin surtout mis l'accent sur la nature du crime et la provocation du geste, en rappelant que Mohammed Abu-Marzouk avait été frappé à maintes reprises à coups de pied à la tête.

Elle a parlé d'une attaque implacable et excessive qui s'est poursuivie malgré le sang et les supplications d'une épouse et de ses enfants.

Mohammed Abu-Marzouk et sa femme ont chacun fait lire à la cour leur déclaration respective sur l'impact que l'attaque a eue sur leur vie depuis près de cinq ans.

La Couronne a lu à voix haute la lettre de M. Abu-Marzouk dans laquelle il dit se remettre d'un processus de récupération douloureux et d'une expérience qui a changé [sa] vie au niveau physique et émotionnel.

Un couple de Canadiens musulmans.

Mohammed Abu-Marzouk (au centre) avec son épouse, Diana Attar, à la sortie du tribunal de Brampton après le prononcé du verdict le 31 janvier 2023.

Photo : Radio-Canada / CBC

Les défis que j'ai dû surmonter pour faire de simples tâches, comme aller à la toilette, étaient insupportables, répète le procureur Tyler Powell.

L'attaque m'a laissé un sentiment durable de peur et de méfiance à l'endroit des étrangers ; marcher dans la rue ou aller au centre commercial est devenu une source d'anxiété et de détresse, poursuit-il.

Mohammed Abu-Marzouk explique qu'il lui est maintenant difficile de dire bonjour à des étrangers ou encore de communiquer avec les amis et la famille.

Me Powell a expliqué au sujet de la déclaration de M. Abu-Marzouk que l'agression que le père de famille a subie a fondamentalement changé sa vie et celle de sa famille.

Il ressort clairement de ses déclarations qu'ils ne seront plus jamais les mêmes, explique Me Powell.

Le procureur a répété qu'il s'agissait bien d'une agression contre les Arabes.

Un parc urbain en plein été.

Le parc de Mississauga où a eu lieu l'attaque brutale des frères Corhamzic contre Mohammed Abu-Marzouk.

Photo : Radio-Canada / CBC

À entendre la Couronne lire la lettre de son mari, la femme de M. Abu-Marzouk, Diana Attar, pleurait dans le prétoire.

Puis, la Couronne a lu sa déclaration à sa place. Je criais, mes deux filles hurlaient, c'était terrible, nous étions tous terrifiés, se souvient-elle.

L'odeur du sang sur le sol était très forte et cette odeur est toujours avec moi, a-t-elle poursuivi. Mes enfants ont vu le sang sur les vêtements de leur père et ils ont eu très peur, a-t-elle déclaré en soulignant que les enfants ont du mal à dormir ou à se concentrer à l'école.

Même une fois rentrés à la maison, nos enfants me demandaient si leur père allait mourir, a-t-elle conclu.

La famille Abu-Marzouk a en outre expliqué que cette mésaventure lui avait fait perdre de l'argent, parce que son mari a dû abandonner son travail d'opérateur de chariot élévateur, puisqu'il souffre de vertiges depuis l'attaque.

Plaidoyer de la défense

La défense a demandé une peine beaucoup plus clémente de moins de deux ans de détention pour qu'elle soit purgée dans une prison provinciale.

Les deux frères se sont adressés à la cour à la fin de l'audience sur la détermination de la peine en faisant preuve de remords et en ne cachant pas leur honte.

Janis Corhamzic a reconnu que [ses] actions avaient non seulement blessé Mohammed et sa famille, mais aussi tous ceux qui en avaient été témoins.

Je veux profiter de l'occasion pour présenter mes excuses à Mohammed et à sa famille, a-t-il ajouté.

En tant que parent, j'ai honte de mes actions et j'assume l'entière responsabilité de ce que j'ai fait ce jour-là, a poursuivi l'individu.

Le logo de la police régionale de Peel.

La police régionale de Peel avait mené l'enquête et déterminé qu'il s'agissait d'une agression à caractère haineux.

Photo : Radio-Canada / CBC

Il a précisé qu'il n'était pas un homme colérique, mais qu'il n'avait pas réussi à gérer sa colère ce jour-là. Il s'est en outre engagé à travailler sur la résolution des conflits.

En tant que musulman pratiquant moi-même, je tiens à reconnaître que cette attaque n'était pas un acte à caractère raciste, a-t-il souligné.

Adem Corhamzic a pour sa part déclaré qu'il avait réfléchi à de nombreuses reprises depuis son arrestation à ce qu'il avait fait.

C'est inexcusable et j'ai utilisé un langage inapproprié ce jour-là, a-t-il déclaré en disant néanmoins qu'il n'était pas un homme odieux.

J'appartiens moi-même à un groupe minoritaire, je comprends donc que la discrimination représente un problème dans notre société, a-t-il précisé.

Il a lui aussi offert ses excuses à la famille Abu-Marzouk.

Réaction de la communauté

À l'extérieur du tribunal, les Abu-Marzouk n'ont pas voulu parler à la presse, mais le Conseil national des musulmans canadiens a parlé au nom de la communauté arabo-musulmane.

La porte-parole du Conseil, Nadia Hasan, affirme que ses membres s'intéressent à ce procès depuis le début, parce que le crime était horrible et qu'il a eu un impact sur la famille Abu-Marzouk, les musulmans de la province et la société en général.

Dans son verdict, le juge avait bien parlé en janvier d'une attaque en règle contre les Arabes, mais non contre les musulmans, puisque les accusés d'origine slave sont eux-mêmes musulmans.

Une femme en mêlée de presse devant un tribunal.

Nadia Hasan du Conseil national des musulmans canadiens.

Photo : Radio-Canada / CBC

Mme Hasan croit néanmoins que le juge saura faire la part des choses lorsqu'il rendra sa décision au sujet des remords des accusés.

C'est une cause compliquée à cause de l'élément haineux de l'agression, mais on s'attend à ce que la sentence soit juste et impartiale, déclare-t-elle.

Elle rappelle que le juge avait néanmoins relevé le caractère raciste de l'agression, puisque les deux frères avaient traité la victime de sale terroriste arabe.

L'utilisation du terme terroriste est quelque chose que nous connaissons tous dans le discours public, il est extrêmement nocif et indissociable de l'islamophobie telle qu'elle circule actuellement dans la société, dit-elle.

À ce titre, Mme Hasan pense qu'il sera donc important que le magistrat tienne compte de la motivation haineuse des accusés, peu importe leur identité culturelle et religieuse.

La sentence sera rendue le 3 mai prochain.

Avec des informations de CBC.

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