D’autres centres de consommation supervisée pourraient voir le jour à Québec

L'interzone, dans le quartier Saint-Roch à Québec
Photo : Radio-Canada / Pascale Lacombe
Deux ans après l’ouverture du centre de consommation de drogues supervisée L’Interzone dans le quartier Saint-Roch, la demande pour ce service est si forte que les autorités sanitaires songent à ouvrir de nouveaux locaux satellites ailleurs dans la région de Québec.
Les petits bureaux satellites, c'est déjà une réflexion qu'on a. Il y a déjà des travaux en cours pour [en] avoir
, dit Anne-Frédérique Lambert-Slythe, médecin spécialiste en santé publique et en médecine préventive au CIUSSS de la Capitale-Nationale.
Deux raisons expliquent ce désir d'expansion. D'une part, les locaux inaugurés en 2021 sur la rue Saint-Vallier ne suffisent pas à répondre à la demande.

Le nombre d'usagers a doublé en seulement deux ans de service pour le centre d'injection supervisée de Québec. La Santé publique envisage maintenant d'en ouvrir plusieurs autres pour tenter de diminuer les surdoses mortelles dans la région. Au rythme où évolue cette situation alarmante, leur nombre pourrait atteindre un record cette année. Reportage de Louis-Simon Lapointe
À L'Interzone, il y a cinq cubicules
, constate la Dre Lambert-Slythe. C'est trop petit pour le nombre de personnes qu'on accueille.
Ensuite, L'Interzone peine à joindre une clientèle située à l'extérieur du centre-ville, dans Portneuf et en périphérie, par exemple.
Le CIUSSS
de la Capitale-Nationale et la coopérative de solidarité SABSA (Service à bas seuil d'accessibilité), qui dirigent le centre de consommation de la rue Saint-Vallier, se penchent sur la question.On ignore quelle forme prendraient ces nouveaux centres, s'ils seraient mobiles ou situés à un endroit fixe.
Obtenir une exemption auprès de Santé Canada, qui permet aux utilisateurs de consommer des drogues sans craindre d'être arrêtés par la police, est un processus long et complexe, précise la Dre Lambert-Slythe.
Il y a des comités de réflexion qui sont en place présentement pour évaluer les besoins de la clientèle et se pencher sur l'évolution de [la situation] dans la ville de Québec
, explique Emmanuelle Lapointe, directrice par intérim de la coopérative SABSA . Prudente, elle précise toutefois qu’il est trop tôt à ce stade-ci pour déterminer si le tout ira de l’avant.
Situation « inquiétante »
Chose certaine, depuis l'ouverture du centre au printemps 2021, les besoins n'ont cessé d'augmenter, selon les intervenantes.
En 2022, 36 personnes ont perdu la vie à Québec en raison de surdoses mortelles, ce qui frôle le record de 37 décès de 2020. L’Interzone affirme avoir enregistré plus de 20 150 visites l’an dernier. À titre comparatif, le centre avait compté 8450 visites lors de ses huit premiers mois d’activité en 2020. C’est donc dire que l'achalandage a plus que doublé depuis.
« C’est 18 surdoses qu’on a depuis le début de l’année. C’est énorme. On n'a jamais vu ça. »
Outre la prévention des surdoses, les intervenants L’Interzone offrent du soutien mental et psychosocial, ils font le pont entre d’autres services. Ils permettent de réduire les méfaits, c’est-à-dire les cas où des gens consommeraient de la drogue en public ou laisseraient des seringues souillées dans des parcs et sur les trottoirs.
Personne n'a perdu la vie dans les locaux de L'Interzone depuis son ouverture, mais les lieux ont été le théâtre de 17 surdoses non mortelles.
Un centre d’injection et de consommation supervisées était réclamé dans la Capitale-Nationale depuis plusieurs années, par les consommateurs de drogues, mais également par les intervenants.
On est super contents de les avoir dans le paysage depuis deux ans
, affirme Mario Gagnon, directeur de l’organisme Point de Repères, qui vient notamment en aide à la clientèle aux prises avec des problèmes de toxicomanie à Québec. Toutefois, dans un contexte de forte demande, quelque chose de plus mobile pourrait aussi permettre de répondre [aux besoins. Offrir] plusieurs sites pourraient être une bonne idée
, songe-t-il.
Voisinage
Malgré quelques incidents, la cohabitation entre les usagers de L'Interzone et les résidents du quartier Saint-Roch se passe plutôt bien, selon Emmanuelle Lapointe.
L'arrivée d'un centre de consommation supervisée à Québec avait suscité de vives oppositions de la part de résidents au cours des dernières années.
Le président du conseil de quartier de Saint-Roch, Louis Campagna, parle d'un long parcours du combattant
entre la légalisation des centres d'injection supervisée au pays, en 2011, et l'ouverture de L'Interzone.
Au niveau des gens qui résident dans le secteur, nous, le son de cloche qu'on a, c'est qu'il n'y a pas vraiment eu d'enjeux, d'attroupements, de nuisances publiques ou de criminalité. De ce côté-là, c'est un succès
, constate-t-il.
« L'endroit est quand même discret pour aller chercher des services [...] La formule semble fonctionner. »
Avec les informations de Pascale Lacombe