La tuile qui couvre un mur sans jamais se répéter

La première véritable monotuile apériodique
Photo : Université de Waterloo
Vous voulez créer un décor original pour votre salle de bain? Des scientifiques ont pensé à vous! Ils ont créé une forme qui permet de couvrir un plan sans jamais reproduire le même motif.
Pour ces quatre chercheurs, toutefois, la réussite est beaucoup plus que décorative, puisqu’elle permet de régler un vieux problème mathématique.
C’est que leur création représente, dans le domaine de la géométrie plane, la première véritable monotuile apériodique : ce bloc à la forme unique peut être mis bout à bout sans jamais créer le même motif, contrairement à une succession de triangles ou de carrés. Ils ont ainsi trouvé la solution au problème ein stein (une pierre
, en allemand) qui porte sur les façons dont un plan peut être recouvert.
De façon intuitive, un pavage consiste à diviser un plan en morceaux sans espaces ni chevauchements. Les exemples abondent dans la nature, par exemple dans les ruches d'abeilles, ou dans les créations humaines, comme les damiers.
Ces exemples de pavages sont tous périodiques, c'est-à-dire qu'ils possèdent une symétrie dite de translation
.
Nous pouvons imaginer prendre un damier infini, le faire glisser d'une case vers le haut, puis le reposer, chaque pièce s'inscrivant toujours exactement dans le motif du damier
, explique un communiqué de l’Université de l’Arkansas, à laquelle est associé l’un des chercheurs, le mathématicien Chaim Goodman-Strauss.
Les premiers exemples de tuiles apériodiques ont été créés dans les années 1960 et nécessitaient plus de 20 000 formes différentes. Dans les années 1970, ce nombre a progressivement diminué jusqu’à ce que le célèbre mathématicien britannique Roger Penrose mette au point un ensemble de tuiles apériodiques qui n'utilisait que deux formes.
Depuis, l’objectif a été de ramener le jeu de tuiles apériodiques à une seule forme. C’est l’exploit qu’a réussi le quatuor, qui inclut Craig Kaplan, professeur d’informatique à l’Université de Waterloo, au Canada.
Nous présentons la première véritable monotuile apériodique, une forme qui impose l'apériodicité par le seul biais de la géométrie, sans contraintes supplémentaires. […] Nous prouvons que cette forme, un polykite que nous appelons "le chapeau", s'assemble en tuiles sur la base d'un système de substitution
, affirme le professeur Kaplan.
Le chapeau est une forme à 13 côtés. Cette découverte pourrait éventuellement mener à des applications concrètes en science des matériaux et saura fort probablement capter l’attention d’experts en art visuel.
C'est une chose que je ne pensais pas voir de mon vivant
, se réjouit l'un des membres du groupe, le professeur Edmund Harriss.
Le détail de cette création sera l’objet d’un article scientifique (Nouvelle fenêtre) qui sera publié dans les prochains mois.