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Une aciérie pollue en excès et pourrait voir ses limites assouplies

Un fourneau à gaz pris lors d'une journée froide et nuageuse.

Algoma Steel est un moteur économique pour l'Ontario et la communauté frontalière de Sault-Sainte-Marie.

Photo : Radio-Canada / AYA DUFOUR

L’aciérie nord-ontarienne Algoma Steel excède largement ses permissions d’émissions cancérigènes depuis trois ans, mais l'Ontario ne sévit pas.

La pollution émise par l’aciérie est demeurée constante au fil du temps, mais depuis que la province a mis à jour ses normes environnementales et imposé un modèle de calcul plus précis en 2021, Algoma Steel dépasse de beaucoup les limites permises.

En réponse à cette situation, l’Ontario a demandé à ce gros joueur industriel de soumettre une demande de nouvelles normes environnementales spécifiques à ses installations, mais aucune amende et aucun avertissement n'ont été imposés.

À l’heure actuelle, Algoma Steel émet plus de huit fois plus de benzène que ne le permet la norme provinciale, et presque deux fois plus que ce qui est permis dans les exemptions en vigueur pour ses installations.

L'aciérie dépasse ses exemptions pour d’autres contaminants, comme le benzopyrène et les matières particulaires en suspension. Elle compte également dépasser les normes sur le dioxyde de soufre lorsque celles-ci entreront en vigueur en juillet 2023.

Un parc pour enfants, avec deux cheminées en arrière-plan.

Le quartier Bayview de Sault-Sainte-Marie est situé à proximité des fours à coke de l'aciérie, l'infrastructure qui émet le benzène.

Photo : Radio-Canada / AYA DUFOUR

Malgré ces dépassements, le porte-parole du ministère de l'Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs (MENP) de l'Ontario, Gary Wheeler, affirme qu’Algoma Steel respecte le Règlement sur la qualité de l’air, puisqu’elle a soumis une demande de nouvelles normes environnementales spécifiques à ses installations.

L’Ontario accorde cette permission de polluer lorsqu’une entreprise démontre qu’elle a un plan d’action pour réduire ses émissions. Algoma Steel, elle, compte respecter les normes environnementales en 2029, lorsqu’elle aura effectué une transition vers un fourneau électrique.

Une structure métallique érigée en hauteur.

La construction du nouveau fourneau électrique est en cours. Cette technologie verte remplacera progressivement les fourneaux traditionnels à compter de 2026.

Photo : Radio-Canada / AYA DUFOUR

Un danger pour la santé publique, selon un expert

La pollution générée par Algoma Steel est hautement cancérigène, selon Ivan V. Litvinov, professeur adjoint en dermatologie au Département de médecine de l’Université McGill.

Il n’existe pas de seuil en dessous duquel l’exposition au benzène serait sans danger, soutient le professeur.

Le Pr Litvinov affirme comprendre que l'aciérie génère des revenus importants pour la communauté, mais estime que le gouvernement devrait tout de même s’efforcer d’appliquer ses propres normes environnementales.

« Quel est le but d’établir des règlements si l’on ne les applique pas? »

— Une citation de  Ivan V. Litvinov, professeur adjoint en dermatologie au Département de médecine de l’Université McGill

Le Pr Litvinov est l’auteur principal d’une étude parue en 2019 qui conclut que le taux de cancer de leucémie myéloïde aiguë (LMA) est beaucoup plus élevé à Sault-Sainte-Marie qu’ailleurs au pays.

Ivan dans un laboratoire.

Dr Ivan V. Litvinov est également le président du groupe de recherche sur le cancer de la peau du Canada.

Photo : Twitter / Ivan V. Litvinov

On ne sait pas pourquoi le taux de LMA est plus important dans ces communautés, mais on croit que l’exposition au benzène pourrait jouer un rôle, explique-t-il, en précisant qu'il existe plusieurs sources d'exposition au benzène dans les objets utilisés au quotidien.

Un statu quo qui décourage certains résidents

Les récentes données sur les émissions, publiées par Algoma Steel, ont semé la grogne dans la communauté de Sault-Sainte-Marie.

La semaine dernière, 38 professeurs de l’Université d’Algoma ont signé une lettre ouverte pour demander à l’Ontario d’agir. La situation dure depuis assez longtemps. Le moment est venu pour le gouvernement de faire respecter ses propres normes, peut-on y lire.

Pour l’organisme environnemental Eco Senshi, qui cherche à éduquer les résidents sur l’effet des émissions d’Algoma Steel, la situation est hautement préoccupante.

Selva regarde deux écrans d'ordinateur.

Selva Rasaiah a fondé l'organisme Eco Senshi pour sensibiliser la communauté aux problèmes environnementaux liés à Algoma Steel.

Photo : Radio-Canada / AYA DUFOUR

Son fondateur, Selva Rasaiah, surveille attentivement les contaminants générés par Algoma Steel depuis qu’il a effectué un contrat de vérification indépendante des émissions de l'aciérie pour une tierce partie en 2018.

J’ai quitté mon emploi, parce que je n’aimais la façon dont les données étaient enregistrées, et je ne faisais pas confiance qu’Algoma Steel allait les partager honnêtement avec le gouvernement, affirme-t-il.

Selva sourit en touchant son chat.
Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

Selva Rasaiah consacre énormément de temps à documenter les émissions d'Algoma Steel.

Photo : Radio-Canada / AYA DUFOUR

Convaincu que les chiffres officiels ne reflètent qu’une partie de l’histoire, M. Rasaiah a effectué plus d’une dizaine de demandes d’accès à l’information. Il a également écrit plus d’une centaine de courriels au MENP pour inciter le gouvernement à agir pour réduire la pollution d’Algoma Steel. Le gouvernement m’ignore, déplore-t-il.

Jusqu’à tout récemment, Peter McLarty faisait partie du comité de liaison mandaté afin de représenter les intérêts de la communauté auprès d’Algoma Steel. J’ai quitté mon rôle. J’étais frustré, confie cet enseignant à la retraite.

« Malgré tous les efforts pour discuter et tenter de trouver un terrain d’entente, rien ne change. Je sens qu’on ignore les enjeux environnementaux de base. »

— Une citation de  Peter McLarty, ancien membre du comité de liaison mandaté pour représenter les intérêts de la communauté auprès d’Algoma Steel

M. McLarty comprend l’importance économique d’Algoma Steel pour Sault-Sainte-Marie, et se réjouit de savoir qu’avec l’arrivée du fourneau électrique, les émissions de benzène seront radicalement réduites. Mais dans l’intérim, n’existe-t-il pas de solutions pour réduire les émissions?, demande-t-il.

Pas possible de respecter les normes provinciales avant 2029, indique Algoma Steel

Le président-directeur général d’Algoma Steel, Michael Garcia, rappelle que l’aciérie n’a pas changé sa façon de fonctionner, et qu’elle respectait les normes jusqu’à ce que l’Ontario les mette à jour en 2021.

On continue d’investir énormément pour entretenir notre infrastructure et de former notre personnel pour réduire les émissions au minimum, indique-t-il.

Portrait de Michael Garcia à son bureau.

Avant d'être recruté pour diriger Algoma Steel, Michael Garcia était à la tête du groupe Domtar.

Photo : Radio-Canada / AYA DUFOUR

M. Garcia soutient que l’entreprise travaille étroitement avec le MENP pour élaborer de nouvelles normes environnementales spécifiques à ses installations.

Il rappelle qu’Algoma Steel a investi 700 millions de dollars pour acquérir de l’équipement moderne qui permettra de réduire les émissions.

« Il n’existe pas de technologie qui nous permettrait de réduire nos émissions à court terme, autre que celle que l’on va introduire dans les sept prochaines années. »

— Une citation de  Michael Garcia, président-directeur général d’Algoma Steel

Si nous apprenons qu’il existe une façon de réduire les émissions, ou s’il y a des investissements additionnels qu’on pourrait faire, on le ferait, assure-t-il.

Selon lui, réduire les activités de production en attendant de faire la transition vers le fourneau électrique n’est pas une option. Nous avons besoin de revenus pour financer l’adoption de cette nouvelle technologie.

Algoma Steel existe depuis plus de cent ans et est, dans certaines familles, un employeur depuis quatre générations.

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