Québec verse 2 M$ pour défendre les élus municipaux contre l’intimidation

La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, dit constater une recrudescence des tensions entre élus et citoyens.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Québec soutiendra financièrement les municipalités qui doivent entamer des procédures pour protéger des élus et des employés municipaux faisant face à de l’intimidation ou à du harcèlement.
Cette aide financière de deux millions de dollars, annoncée par décret dans la Gazette officielle du Québec, permettra d’aider les municipalités à assumer les frais de justice dans des recours visant à contraindre un citoyen de cesser d’intimider ou de harceler un élu ou un employé municipal
.
L’Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération québécoise des municipalités (FMQ) recevront chacune un million de dollars et seront responsables de l’administration de cette enveloppe.
L’UMQ et la FMQ ont demandé des sommes importantes […] pour la protection et la défense des élus et on est vraiment en collaboration avec eux
, a résumé la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, à l’émission régionale Au cœur du monde.
Mme Laforest dit constater une recrudescence des tensions entre les élus et citoyens depuis le début de la pandémie.
Depuis deux ans, on a vu certains cas particuliers. C’est vraiment triste parce que quand on va en politique, on y va pour faire des projets et défendre une vision [...]
, déplore la ministre Laforest.
Elle assure toutefois qu’il ne s’agit pas de museler les citoyens qui se présentent lors des séances de conseil municipal.
On comprend que les citoyens ne sont pas toujours d’accord. C’est important de pouvoir négocier sur certains projets de la municipalité parce que ça concerne les taxes des citoyens, donc c’est normal. Mais ça doit se faire dans le respect
, ajoute Andrée Laforest.
« Pour les citoyens vraiment intimidants ou même violents, eh bien, on va agir. »
Dernièrement, certaines municipalités et villes, notamment Percé, n’ont eu d’autres choix que d’encadrer plus strictement la période de questions prévue lors des séances de leur conseil municipal. Selon la ministre des Affaires municipales, ce genre de décision leur revient. Je respecte pleinement l’autonomie municipale
, assure-t-elle.
La ministre des Affaires municipales indique que son ministère procédera au déploiement du projet de loi 49 sur l’éthique et la déontologie municipale ainsi qu’à la mise en place de son Plan de lutte contre l’intimidation des élus, en collaboration avec le ministère de la Sécurité publique. On va le faire jusqu’au bout
, conclut Andrée Laforest.
Encourager l’implication politique
L’ancienne préfète de la MRC
du Rocher-Percé Nadia Minassian voit cette aide financière d’un bon œil.Selon elle, c’est une bonne décision
qui donnera les moyens d'intervenir aux municipalités et villes lorsque la situation se présente et que ça devient vraiment dramatique et problématique, et que ça commence à nuire à la démocratie, que ça commence à nuire aux autres citoyens qui veulent s’exprimer.
Cependant, l’ex-préfète croit que ce soutien financier mis à la disposition des municipalités ne doit pas décourager les gens qui souhaitent s’impliquer dans le milieu municipal.
« On essaie tellement d’inciter les gens à se présenter qu’il ne faut pas qu’en voyant cet argent-là qui se débloque, on commence à penser que c’est vraiment problématique de se présenter comme maire ou comme conseiller. »
C’est un emploi très agréable d’être un élu municipal, ça, il ne faut pas qu’on le perde de vue, affirme Mme Minassian. Certaines situations sont parfois difficiles à gérer, mais on doit faire attention de ne pas s’enfarger trop là-dedans et se rappeler qu’il y a une majorité silencieuse [de citoyens] avec qui il est très agréable de travailler.
Petit milieu
et réseaux sociaux
Une vague de démissions d’élus touche plusieurs municipalités de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent depuis quelques mois. Seulement au mois de mars, le maire et la directrice générale de Cloridorme ainsi que la mairesse de Petite-Vallée ont claqué la porte en raison d’un climat difficile entre le conseil et certains citoyens.
Nadia Minassian, qui a elle-même vécu de mauvaises expériences en tant que préfète, remarque qu’être un élu dans une plus petite municipalité n’est pas une tâche facile.
Quand on se fait reprocher des propos sur Facebook ou même en pleine assemblée municipale, c’est dans des petits milieux que ça placote, dit-elle. C’est plus difficile quand nos enfants ou nos conjoints nous arrivent à la maison avec ça. C’est parfois un défi additionnel, dans les petits milieux, de devoir continuer d’habiter dans cette collectivité-là.
Les commentaires sur les réseaux sociaux apportent eux aussi leur lot de défis, soutient Nadia Minassian.
Il y a une violence collective sur les réseaux sociaux que les gens ne reconnaissent pas nécessairement comme étant de l’agressivité, de la violence, mais ce sont des propos qui peuvent être parfois très humiliants
, précise-t-elle.
Une situation inacceptable
En entrevue mercredi à l'émission Au cœur du monde, le président du Regroupement des MRC de la Gaspésie a également dit observer que tout le milieu municipal est tracassé par les attaques verbales dont font l'objet des élus ainsi que par les démissions qui en découlent.
Selon Mathieu Lapointe, cette situation est tout simplement inacceptable
.
« Parfois, dans les petites municipalités, les salaires ne sont pas là. On a des élus municipaux, des maires et des mairesses, qui vont avoir un salaire de 4000 $ par année pour une implication aussi exigeante. On peut comprendre qu'au final, avec la pression qui vient avec ça, [certains décident de partir]. »
Celui qui est également préfet de la MRC
Avignon et maire de Carleton-sur-Mer souligne lui aussi que les médias sociaux mènent à certains dérapages qui peuvent aller jusqu'à entraîner des démissions.Mathieu Lapointe constate que les citoyens s'en permettent parfois davantage derrière leur écran qu'en personne lorsqu'ils souhaitent interpeller leurs élus, un comportement qui, selon lui, n'a pas sa place.
Avec les informations de Bruno Lelièvre et Pierre Chapdelaine de Montvalon.