Une cour maintient le gel de fonds iraniens, mais pointe des manquements de Washington

La Cour internationale de justice à La Haye (Photo archives)
Photo : afp via getty images / MARTIJN BEEKMAN
La Cour internationale de justice (CIJ) a estimé jeudi qu'elle n'avait pas la compétence d’ordonner le déblocage des avoirs iraniens gelés par les États-Unis, mais a jugé que Washington avait « violé » les droits de sociétés et ressortissants iraniens dont les avoirs ont également été gelés.
Ainsi, la plus haute juridiction de l'ONU, qui se trouve à La Haye, a rejeté la demande de l'Iran de débloquer près de 2 milliards de dollars d'actifs appartenant à sa banque centrale, gelés par les États-Unis en représailles à des attaques terroristes présumées.
Les deux pays ont salué le verdict et revendiqué une victoire.
Il montre encore une fois la légitimité des revendications de la République islamique d'Iran et le comportement illégal des États-Unis
, a déclaré le ministère iranien des Affaires étrangères dans un communiqué.
Il s'agit d'une victoire majeure pour les États-Unis et les victimes du terrorisme parrainé par l'État iranien
, a de son côté affirmé Rich Visek, conseiller juridique par intérim du département d'État américain, présent à l'audience de La Haye.
La justice américaine a déclaré en 2016 que les fonds saisis devaient servir à indemniser des Américains victimes, selon elle, d'attaques terroristes fomentées ou soutenues par la République islamiste.
Washington a notamment évoqué la mort de 241 soldats américains tués le 23 octobre 1983 dans deux attentats-suicides qui avaient frappé les contingents américain et français de la Force multinationale de sécurité à Beyrouth.
Téhéran nie toute responsabilité dans ces actions et soutient que la saisie par les États-Unis de ses actifs financiers est illégale.
La cour, par dix voix contre cinq, maintient l'exception d'incompétence soulevée par les États-Unis d'Amérique
, a déclaré le juge de la CIJ , Kirill Gevorgian.
Procédure engagée depuis 2016
Les délégations iranienne et américaine ont refusé de commenter le verdict à l'issue de l'audience devant la CIJ
, créée après la Deuxième Guerre mondiale pour statuer sur les différends entre les États membres de l'ONU. L'Iran a engagé la procédure en 2016, car il estimait que les fonds bloqués étaient cruciaux pour le pays, aux prises avec des difficultés économiques après les sanctions imposées par l'Occident à cause de son programme nucléaire.Dans sa requête, l'Iran invoquait un traité bilatéral signé entre Téhéran et Washington en 1955, antérieur à la révolution islamique de 1979 qui a renversé le shah pro-américain et entraîné la fin des relations diplomatiques entre les deux pays.
Peu après son retrait en 2018 de l'accord sur le nucléaire iranien, Washington annonçait mettre officiellement fin au traité de 1955.
L'Iran demandait la restitution de 1,75 milliard de dollars appartenant à la Banque centrale iranienne, ou Bank Markazi, plus les intérêts, plus les actifs appartenant aux entreprises et aux ressortissants iraniens.
Mais la CIJ
a statué que la banque centrale iranienne ne comptait pas comme une entreprise, contrairement à ce que soutenait Téhéran, et que seules les entreprises étaient protégées en vertu du traité.La cour a toutefois estimé que Washington avait violé ses obligations
en vertu du traité américano-iranien vieux de plusieurs décennies.
L'Iran a droit à une indemnisation pour le préjudice causé
, a-t-elle déclaré.
À Washington, le porte-parole du département d'État a déclaré que les États-Unis étaient déçus
de cette décision de la CIJ .
Le traité n'a jamais eu pour but d'empêcher l'Iran de devoir dédommager les victimes américaines de son financement du terrorisme
, a déclaré Vedant Patel.
Jugement contraignant et sans appel
La Cour a donné aux deux pays 24 mois pour s'entendre sur l'indemnisation des entreprises et des particuliers touchés.
Ses jugements sont contraignants et sans appel, mais la cour n'a aucun moyen de les faire respecter. Les pays peuvent cependant se tourner vers le Conseil de sécurité de l'ONU
si un autre État n'obéit pas à une décision.Le jugement intervient au milieu de nouvelles tensions entre les deux pays après les récentes frappes aériennes américaines ayant ciblé des groupes pro-iraniens en Syrie et le soutien de Téhéran à l'invasion russe en Ukraine.
L'Iran a qualifié d'attaque terroriste
les frappes aériennes américaines ayant ciblé des groupes pro-iraniens en Syrie, en riposte à une attaque de drone qui a tué au moins 19 personnes, essentiellement des Syriens, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Washington a expliqué avoir procédé aux frappes après l'attaque d'un drone d'origine iranienne
contre une base de la coalition internationale dirigée par les États-Unis dans le nord-est de la Syrie, qui a causé la mort d'un sous-traitant américain.