Rejet de la doctrine de la découverte : bien accueilli par des Autochtones albertains

Les Européens se sont servis de la doctrine de la découverte, notamment avec le concept de terra nullius (terres vacantes), pour justifier la saisie de territoires qui appartenaient à des peuples autochtones. Des Autochtones souhaitent depuis très longtemps l’abolition de la doctrine.
Photo : La Presse canadienne / Jason Franson
Des membres des communautés autochtones de l’Alberta qualifient de bonne nouvelle la décision du Vatican de répudier la doctrine de la découverte annoncée jeudi.
Pour Matthew Wildcat, membre de la communauté Ermineskin de la nation Crie et professeur de science politique à l’Université de l’Alberta, c’est une excellente nouvelle
. Il note que la doctrine a encore des conséquences sur les politiques actuelles canadiennes qui ne peuvent être changées du jour au lendemain
, mais c’est un pas dans la bonne direction, selon lui.
Je pense que c'est historique et qu'il faut s'en réjouir. C'est une énorme victoire symbolique pour les peuples autochtones
, lance-t-il. Selon lui, cela signifie qu’il existe une réelle volonté
de l’Église de reconnaître que le concept de la doctrine avait quelque chose de particulièrement néfaste
.
Je pense qu'il s'agit d'une indication que l'Église est prête à prendre les revendications [des peuples autochtones] plus au sérieux et à se confronter [aux pensées liées aux hiérarchies créées par la colonisation] au sein de sa propre institution
, ajoute-t-il.
Matthew Wildcat indique toutefois que cela ne veut pas dire que cela entraînera des changements importants
.
Il avoue avoir été un peu choqué
de cette annonce puisque lorsque le pape a fait sa visite au Canada l’été dernier, il ne pensait pas que c’était possible : J'espère que c'est le signe qu'il y a eu une écoute profonde.
Matthew Wildcat croit qu’à l’avenir, les nations autochtones dans leur ensemble devraient se désengager de leur relation avec l'Église
. Selon lui, bien que le rejet de la doctrine par le pape soit un bon signe
, il ne croit pas que les peuples autochtones devraient continuer de mettre de l’énergie dans cette relation.
En même temps, l'Église pourrait, à l'avenir, souhaiter être un allié des peuples autochtones et les défendre dans nos relations avec les pays dans lesquels nous vivons, et donc si c'est ce que l'Église veut faire, je m'en réjouirais
, précise-t-il.
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Pour Tamara Baldhead Pearl, professeure adjointe à la Faculté de droit de l’Université de l’Alberta originaire de la communauté crie One Arrow en Saskatchewan, il s’agit d’une déclaration importante.
Bien que ces excuses ne changent rien directement à la législation de l'État canadien, elles renforcent l'argument selon lequel la doctrine de la découverte est fondamentalement raciste et incompatible avec l'égalité des peuples autochtones
, affirme-t-elle.
« Espérons que cela poussera les tribunaux et les politiciens canadiens à arrêter de s'appuyer sur cette doctrine pour définir les droits des peuples autochtones. »
Selon elle, la répudiation permettra de pousser la conversation sur les préjudices infligés par le colonialisme aux peuples autochtones d'une manière qui aide à briser la résistance que la foi catholique, mais aussi d'autres religions, peut encore avoir
.
C'est le genre de chose qui pousse et propulse cette conversation vers l'avant pour donner un nouveau sens à la réconciliation et à ce que nous essayons vraiment de faire avancer, avec la vérité aussi.
Elle espère également que cela obligera les tribunaux à reconnaître que les nations autochtones sont souveraines et à adopter les traités comme fondement au lieu de la doctrine de la découverte.
Une grande reconnaissance
Je pense tout d'abord qu'il s'agit d'une grande reconnaissance pour les peuples autochtones de ce pays
, affirme Blake Desjarlais, député d’Edmonton Griesbach pour le Nouveau Parti démocratique du Canada. Enfin, l'un des symboles les plus incroyables de la supériorité occidentale, le pape, a finalement répudié ce qui est l'un des fondements du colonialisme tel que nous le connaissons.
« Pour les peuples autochtones, c'est le genre de reconnaissance dont nous avons besoin pour comprendre que ce qui s'est passé n'est vraiment pas de notre faute. »
Selon lui, la prochaine étape est que les gouvernements reconnaissent que la doctrine de la découverte a été utilisée comme outil pour priver les Autochtones de leurs droits fonciers et que la terre ne doit pas être considérée comme une terre de la Couronne.
« Une porte s'est ouverte »
Le conseiller municipal de la circonscription Dene à Edmonton, Aaron Paquette, pense également que cette doctrine a donné carte blanche à des entités gouvernementales pour déposséder les peuples autochtones de leurs terres au Canada [...] et contrôler tous les aspects de leur vie
.
Selon lui, l’annonce du Vatican « signifie qu'une porte s'est maintenant ouverte pour modifier la législation parce que le Canada lui-même a été fondé sur cette compréhension, qui, selon l'Église catholique, était une compréhension erronée ».
Considérant qu’il y a « d'énormes défauts sur les terres de la Couronne », il exhorte les autorités municipales, provinciales et fédérales à en faire sans tarder un sujet de discussion avec les communautés autochtones et de prendre des mesures proactives. D’autant plus que, selon lui, la répudiation de la doctrine de la découverte pourrait avoir des répercussions juridiques.
La doctrine de la découverte, qui remonte au 15e siècle, a été décrétée un an après l'arrivée de Christophe Colomb dans le Nouveau Monde .
Les Européens s'en sont servis pour justifier la saisie de territoires qui appartenaient à des peuples autochtones.
Avec des informations de Madeleine Cummings