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Sortir d’une cage : incursion dans le monde de la réhabilitation à Gatineau

Guy Stafford avec une cage en broche sur la tête.

Après 30 ans d'une vie de consommation et de larcins, Guy Stafford a décidé il y a sept ans que son séjour en prison serait le dernier.

Photo : Radio-Canada / Julien David-Pelletier

Guy Stafford ne passe pas inaperçu. En entrevue, sa voix grave fait résonner un vécu assumé, mais qu’il compte bien garder derrière lui.

Il est sorti de prison il y a sept ans. Il y était entré neuf mois plus tôt. Ce n’était pas son premier séjour en détention. Je vendais de la drogue, je me faisais arrêter à tout bout de champ. J'ai même vu des journées où les policiers m'arrêtaient, mettaient leurs gants bleus et me disaient : Ti-Guy! Quelle poche?, s’exclame-t-il sur son ton coloré.

Radio-Canada s’est rendu dans un petit bureau de Gatineau à l’invitation de l’organisme Réhabex pour une brève incursion dans le monde de la réhabilitation. Loin des projecteurs, cet organisme tente de détricoter les préjugés à l'égard des personnes qui ont un casier judiciaire, mais qui veulent mettre derrière eux les erreurs du passé pour contribuer à la société.

Deux hommes discutent dans un bureau.

Patrick Pilon, directeur général de Réhabex, et Guy Stafford se connaissent depuis longtemps : Patrick est le premier intervenant à avoir accueilli Guy chez Rehabex.

Photo : Radio-Canada / Julien David-Pelletier

Guy Stafford affirme avec fierté ne plus consommer depuis le début de ce dernier séjour en prison. Le père de deux enfants tenait à témoigner pour remercier les employés de l’organisme qui l’ont aidé à quitter 30 ans d’une vie qu’il a détruite, selon ses propres mots, à coup de larcins, de trafic de drogue et de consommation.

Quelques semaines après son entrée en prison, Guy prend la mesure de son désir d’en finir avec l’autodestruction. Il se rend chez Réhabex dès sa sortie. Ça marchait plus. Je me suis repris en main, j’ai fait mon temps en détention, je suis sorti de là. Je suis venu rencontrer [l’équipe de l’organisme]. Ils m'ont donné ma chance et j’ai sauté dessus!, se souvient-il.

Aujourd’hui, Guy Stafford répare des aspirateurs dans une boutique de Gatineau.

Convaincre des employeurs méfiants

Un sondage Léger mené en 2021 démontre que 72 % des entreprises refuseraient catégoriquement d’embaucher une personne qui a un casier judiciaire, peu importe la nature du crime commis. Fondé en 1975, l’organisme Réhabex a pour mandat de détricoter les préjugés à l’égard des personnes judiciarisées.

D’emblée, son directeur général Patrick Pilon est bien conscient que les démarches de ses intervenants ne portent pas toujours fruit. Selon lui, 50 % des personnes qui visitent l’organisme parviennent à se trouver un emploi. Pour les autres, ce sera plus difficile.

Patrick Pilon en entrevue.

Patrick Pilon est directeur général de Réhabex, organisme qui compte 10 employés.

Photo : Radio-Canada

Il y a des gens qui, dans leur réhabilitation, sont rendus très loin. Ils sont même réhabilités. Mais le jugement de la société fait en sorte qu’ils ne sont pas capables de réinvestir le marché du travail, explique M. Pilon.

Eux autres m’ont tendu la main, renchérit Guy, qui soutient qu’il ne serait jamais parvenu où il est aujourd’hui sans cet accompagnement.

Lorsqu’il est allé porter son curriculum vitae chez Aspirateurs Gatineau, Guy Stafford raconte que le propriétaire du commerce était au moment même au téléphone avec un autre Stafford, son frère. Il y a vu une coïncidence de la vie. Depuis, tous les jours, il entre travailler dans un petit atelier, son petit royaume, où il s’applique à réparer des petits circuits électriques, remplacer des filtres, réparer le réparable.

Zacharie Champagne en entrevue.

Zacharie Champagne est directeur général de la compagnie Aspirateurs Gatineau.

Photo : Radio-Canada / Jacques Corriveau

Son patron Zacharie Champagne, qui a repris l’entreprise familiale, croit fermement aux secondes chances. Je considère que le passé d’une personne ne devrait jamais avoir d’impact sur le travail qu’elle peut t’offrir. Tout le monde a une expertise. Tout le monde a une passion, soutient le jeune entrepreneur.

Réparer une récidive

Même si son parcours est aux antipodes de celui de Guy, Stéphane Lévesque aussi a goûté à la prison en raison d’une récidive d'alcool au volant. Il y a passé 80 jours, et travaille maintenant dans le domaine de la réparation automobile.

« Sans système pour se réintégrer, c’est assez compliqué pour quelqu'un qui sort de détention. »

— Une citation de  Stéphane Lévesque

Lui aussi a pu compter sur l’accompagnement de Réhabex. Son expérience était auparavant dans le domaine de la vente automobile. Le passage au domaine de la réparation était donc naturel pour lui. Il ne consomme plus depuis sa sortie de prison. Je sais que j’ai un problème, dit-il sobrement.

Stéphane Lévesque en entrevue.

Stéphane Lévesque ne consomme plus depuis son séjour en prison.

Photo : Radio-Canada

Du travail non-rémunéré

Réhabex reçoit environ 600 clients par année dans ses locaux. Cela dit, l’équivalent de 182 d’entre eux sont aidés bénévolement par l’équipe.

Quand on parle d’approche spécifique aux personnes judiciarisées, on ne peut pas que faire [des démarches d’employabilité]. On doit prendre l’humain dans son ensemble.

Une série de photos suspendues sur un mur.

La campagne de publicité de Rehabex.

Photo : Radio-Canada / Julien David-Pelletier

Patrick Pilon fait ici référence au cadre de financement des organismes en employabilité. Radio-Canada révélait mercredi que plusieurs d’entre eux à travers le Québec pourraient voir leur financement amputé de 10 à 33 % dès le 1er juillet prochain en raison de nouveaux paramètres fixés par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Celui-ci dit vouloir ainsi assurer une saine gestion des fonds publics pour les organismes qui verraient leur clientèle baisser en raison du plein-emploi.

Réhabex sera épargné, du moins cette année. Mais depuis longtemps, les critères de financement ne reconnaissent pas l’ensemble du travail abattu par les employés de l’organisme.

Guy Stafford avec une cage dans les mains.

Guy Stafford vit maintenant heureux avec son chat et son chien.

Photo : Radio-Canada / Julien David-Pelletier

Au-delà du financement, une partie du travail n’est pas reconnue. Pour nous, [c’est important] d’être reconnus dans ce qu’on fait, parce qu’on le fait bien, se désole Patrick Pilon.

Guy Stafford a lui-même participé à une campagne de publicité de l’organisme dans le passé. On le voit sur une photo avec une cage sur la tête, une cage qu’il a depuis retirée.

Je dis souvent que j’ai passé 20 ans de ma vie un pied dans le futur, et 20 ans de ma vie un pied dans le passé. [...] Maintenant, j’ai ma maison, mon gars, ma fille, mon chat et mon chien. Qu’est-ce que tu veux de plus? conclut Guy, un trémolo dans la voix.

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