Vers la parité salariale pour les psychologues au cégep
Jusqu’à présent, les psychologues du réseau collégial sont les parents pauvres du secteur public, mais les négociations en cours avec Québec leur permettent d’espérer des jours meilleurs.

Les étudiants au cégep ont grand besoin de l’expertise des psychologues. Mais rares sont ceux présents sur leur campus et la province souffre d’une pénurie généralisée de psychologues. (Photo d'archives)
Photo : iStock
Mélanie Boisvert est l’une des 78 psychologues qui travaillent dans un cégep au Québec. Chaque jour, elle rencontre des étudiants qui ont besoin de son aide. Son but : soutenir leur réussite et les maintenir sur les bancs du Cégep de Limoilou. Un travail qui serait facilité si seulement ses collègues étaient plus nombreux, car les appels à l'aide se multiplient.
Les besoins sont sans cesse grandissants et je ne vous cacherai pas que depuis la pandémie, le phénomène s’est vraiment accentué
, confie-t-elle.
Mme Boisvert rappelle que la cohorte qui a entamé, à l’automne, son parcours collégial est celle qui a été le plus touchée par l’enseignement à distance au secondaire. Anxiété de performance, anxiété sociale, problèmes d’adaptation aux études, troubles de l’alimentation ou de consommation... beaucoup des étudiants qu'elle voit ont de grands besoins.
Des problèmes de recrutement
Malheureusement, il est difficile de bien servir la population étudiante, de l’aveu même de Mme Boisvert. Depuis plusieurs années, on a souvent des postes ouverts pour lesquels on ne reçoit pas de candidature. C’est incroyable!
Selon un rapport produit par la Fédération du personnel professionnel des collèges (FPPC-CSQ), un poste de psychologue sur six est en effet vacant dans les cégeps.
On essaie de répondre à tous les besoins, on ne laisse tomber personne, mais on doit moduler les services qu’on offre
, reconnaît Mélanie Boisvert. Ainsi, elle et ses collègues doivent par exemple offrir des séances de consultation plus courtes, proposer moins de rencontres ou envoyer des étudiants à l’externe.
Mais les ressources à l’externe sont tout aussi saturées que nous!
, souligne la psychologue d’expérience.
« Ça devient un défi d’offrir le bon service à l’étudiant au moment où il en a besoin. »
La Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, est elle aussi d’avis que le réseau collégial bénéficierait d'un plus grand soutien psychologique auprès de sa clientèle. Si les psychologues étaient plus nombreux, on pourrait travailler davantage sur la prévention. Et le but, c’est de faire en sorte qu’on puisse rapidement résoudre les difficultés que vivent certains jeunes adultes afin d’éviter que celles-ci se complexifient ou s’aggravent.
Le président de la FPPC-CSQ, Éric Cyr, a tout aussi hâte de voir la situation changer. Quand une personne refuse d’aller travailler dans un cégep, ce n’est pas nécessairement parce que c’est un milieu de travail désagréable. C’est que les conditions de travail offertes ne sont pas compétitives avec ce que ces personnes-là vivent ailleurs.
Il est vrai que ces jeunes adultes peuvent aussi aller consulter au privé, mais il reste que la proximité est un atout à ne pas dévaloriser, souligne Christine Grou.
« C’est plus facile d’aller vers quelqu’un quand il est directement sur le campus, plutôt que de se retrouver sur la liste d’attente de quelqu’un qu’on ne connaît pas. »
Exclus d’une prime, mais pas pour longtemps?
Si l'argent ne règle pas tout, il est ici au cœur du problème. Les psychologues du réseau collégial n'ont ainsi pas droit aux primes d’attraction-rétention consenties à leurs confrères et consœurs au secondaire et en milieu hospitalier.
Sans parité salariale avec leurs collègues du public et loin derrière la moyenne salariale du secteur privé, les psychologues du collégial exercent un métier qui est loin d’être attrayant en ce moment, déplore Mélanie Boisvert.
Mais cela pourrait être appelé à changer, puisque la dernière offre gouvernementale bonifiée déposée la semaine dernière dans le cadre des négociations pour le renouvellement des conventions collectives des secteurs public et parapublic prévoit l’instauration de cette prime pour elle et ses collègues.
Une avancée positive, se réjouit Éric Cyr. Il demeure néanmoins prudent, car les négociations sont loin d’être terminées.
« Ça fait des années qu’on avait cette revendication. On est content que le gouvernement reconnaisse enfin le principe que tous les psychologues des réseaux publics doivent avoir accès à la même rémunération. »
Du même souffle, il ajoute que cette concession est loin d’être suffisante. Il estime qu'il est temps d'offrir aux psychologues du réseau public une rémunération compétitive avec le privé qui ne passera plus par une prime qui doit sans cesse être renégociée, comme le demande d'ailleurs le front commun.
Les primes, ça peut être intéressant temporairement, mais là, ça fait longtemps que c’est temporaire
, dit-il.
L’offre de Québec pour les psychologues loin des demandes syndicales
La proposition patronale permettra de rehausser la rémunération annuelle jusqu’à 125 000 $ pour près de 3000 psychologues dans le but d’améliorer l’accès aux services publics en santé mentale
, selon le cabinet de la présidente du Conseil du Trésor.
Une majoration salariale de 7,5 % pour tous les psychologues est prévue, en plus de la prime d’attraction-rétention révisée.
Cette dernière, qui devait disparaître le 30 mars 2023, est reconduite jusqu’à pareille date en 2028, mais elle est revue à la baisse et chute de 9,6 % à 7,5 % pour ceux qui travaillent à temps plein.
Par ailleurs, le gouvernement demande de faire passer la semaine normale de travail des psychologues à 37,5 heures par semaine au lieu de 35 heures, afin de favoriser un accès élargi aux services offerts
.
Appelé à commenter le détail de ces offres, le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras, indique qu’il doit tout d’abord prendre le temps de bien analyser ce que [ces offres] veulent dire sur un chèque de paie
.
D’un côté, on vient augmenter les salaires, mais d’un autre, on hausse le nombre d’heures de travail. Vous comprendrez que ça commence mal une analyse
, souligne-t-il.
« Ce qui est sur la table à première vue, c’est en deçà de ce qui est souhaité pour les psychologues, mais aussi pour l’ensemble des catégories d’emploi qu’on représente. »