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Rapport sur la tuerie de 2020 : la GRC promet de revoir toutes les recommandations

Dans un rapport final de 3000 pages, la Commission des pertes massives chargée d'examiner la tuerie de Portapique en Nouvelle-Écosse demande le refinancement des services consacrés à la violence conjugale et une réévaluation du rôle de la police.

Une femme en larmes.

Des proches des victimes de la tuerie d'avril 2020 rassemblés à Bible Hill, en Nouvelle-Écosse, le 18 avril 2021, un an après la tragédie. Il y a eu 22 morts, dont une femme enceinte, d'où le chiffre 23 sur le chandail de cette personne.

Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan

Radio-Canada

Des proches des personnes qui ont perdu la vie dans la tuerie de masse d’avril 2020 en Nouvelle-Écosse ont bon espoir que le rapport final de la commission d’enquête sur la tragédie servira de tremplin à des changements majeurs au sein de la police et dans la façon dont la société combat la violence conjugale et traite les questions de santé mentale.

La Commission des pertes massives, après un an de travaux, a dévoilé un imposant rapport (Nouvelle fenêtre), jeudi à Truro, en Nouvelle-Écosse. Près de trois ans après la tuerie qui a fait 22 morts à Portapique et dans des communautés environnantes les 18 et 19 avril 2020, les commissaires ont formulé 130 recommandations.

Plus de la moitié de ces recommandations concernent la GRC. La Commission a dénoncé une culture toxique au sein de la police qui l'empêche d'apprendre de ses erreurs. Elle a également souligné la communication inadéquate de la GRC avec le public.

Le rapport de la Commission appelle le corps policier à subir le changement fondamental demandé dans tant de rapports précédents. La GRC a présenté ses excuses aux familles mais n'a pas voulu commenter directement le rapport et les failles pointées du doigt par la Commission, sous prétexte qu'elle n'avait pas eu le temps de lire le rapport.

Michael Duheme, commissaire par intérim de la GRC, a expliqué que la tuerie de 2020 s'était déroulée dans des circonstances sans précédent. Selon lui, les policiers avaient fait de leur mieux avec la formation et l'équipement dont ils disposaient.

Le commissaire par intérim de la GRC Michael Duheme devant le micro.

Michael Duheme a expliqué ne pas avoir eu le temps de lire le rapport.

Photo : La Presse canadienne / Michael Duheme

Il s'est cependant engagé pleinement, avec [s]on équipe d'état-major à revoir toutes les recommandations. On va poursuivre, on va faire un plan d'action et on va démontrer le progrès, a poursuivi Michael Duheme.

Il a annoncé qu'un comité a été mis en place au sein de la GRC. Il sera chargé d'examiner les recommandations et de traiter tout ce qui relève de la compétence de la GRC. Les progrès de ce comité pourront être suivis par le public grâce à un site Internet.

Pierre-Yves Bourduas, ancien sous-commissaire adjoint à la GRC, a estimé en entrevue au Téléjournal Acadie que c'est un travail de longue haleine pour pouvoir répondre à toutes les recommandations qui ont été mises de l'avant aujourd'hui.

Dennis Daley, en uniforme de la GRC, est photographié par en dessous. Il regarde devant lui et est assis à un bureau en conférence de presse. Il y a un logo de la GRC sur le mur derrière lui.

Le commissaire adjoint Dennis Daley a expliqué que la GRC en Nouvelle-Écosse n'avait pas attendu la publication de ce rapport pour faire évoluer les choses au sein de l'institution.

Photo : La Presse canadienne / Darren Calabrese

Dennis Daley, à la tête de la GRC en Nouvelle-Écosse, a expliqué qu'il n'avait pas attendu le rapport pour faire des changements. Depuis la tuerie, la GRC a investi dans de nouveaux équipements, a renforcé la formation de ses employés, a amélioré ses protocoles concernant les agissements critiques, s'efforce d'améliorer les relations avec les forces de la police municipale et a modifié son approche en matière d'alertes d'urgence au public.

Des familles soulagées d'avoir été entendues

Malgré ces réactions minimes de la GRC, certaines familles considèrent ce rapport comme une vraie avancée. Il y a beaucoup de positif qui en ressort, a déclaré jeudi après-midi lors d’une conférence de presse Scott McLeod. Son frère Sean McLeod, 44 ans, a été tué le 19 avril 2020.

Scott McLeod assis à une table, un micro devant lui, sur un fond noir.

Scott McLeod en conférence de presse à Truro, jeudi

Photo : Radio-Canada

Scott McLeod est particulièrement encouragé par le fait que les commissaires ont consacré 82 pages de leur rapport à la démarche pour mettre en œuvre leurs recommandations et assurer un suivi, afin qu’elles ne soient pas négligées par les gouvernements et les autorités compétentes.

Il y a beaucoup de scepticisme quant à savoir si les choses seront faites ou non, a dit M. McLeod. Ça pourrait éliminer ce problème. J’ai espoir que cela amènera beaucoup de changements positifs.

« Nous savons que ça ne peut pas changer demain matin, mais c’est un début. »

— Une citation de  Scott McLeod, frère d’une victime de la tuerie

« Il va devoir y avoir des changements »

Jeudi, les politiciens présents n’ont pas pris d’engagements concrets. Ils ont évoqué la lourdeur du rapport, qui fait quelque 3000 pages, déposé quelques heures plus tôt.

Justin Trudeau debout à l'extérieur, l'air sérieux, devant un édifice en pierres.

Le premier ministre Justin Trudeau, jeudi à Truro

Photo : Radio-Canada

On va prendre le temps de bien digérer et absorber toutes ces recommandations, toutes ces conclusions, a dit le premier ministre Justin Trudeau, qui était à Truro.

« C'est certain qu'il va devoir y avoir des changements, qu'il va y en avoir. On va prendre le temps de les faire de la bonne façon, et puis on va garder les familles, évidemment, au centre de tout ce qu'on fait. »

— Une citation de  Justin Trudeau, jeudi à Truro

Nous allons réfléchir profondément aux prochaines étapes, a déclaré le premier ministre. Selon lui, les commissaires présentent aux gouvernements des occasions à saisir.

Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, a quant à lui été plus évasif et s'est rabattu sur son engagement en faveur de communautés plus sécuritaires.

Refinancement des services sociaux

Les commissaires, dans leur rapport final, demandent un financement accru, stable et à long terme des services destinés à la prévention de la violence conjugale et de la violence basée sur le genre.

Leanne Fitch, Michael MacDonald et Kim Stanton assis à une longue table, des micros devant eux. Michael MacDonald tient une pile de documents.

L'ancien juge en chef Michael MacDonald (centre) présidait la Commission des pertes massives. Avec les commissaires Leanne Fitch (gauche), ancienne cheffe de la police de Fredericton, et l'avocate Kim Stanton (droite), il a présenté le rapport final, jeudi à Truro.

Photo : La Presse canadienne / Darren Calabrese

La société, ont-ils écrit, met en danger les femmes et les filles, en particulier. Ils ont parlé d'une épidémie de violence basée sur le genre et martelé que la réponse à cette violence est un échec collectif continu.

Ils demandent la fin du définancement et du sous-financement des services et des soins qui s'y consacrent.

Les commissaires demandent par ailleurs que l’on s’éloigne de la pratique d'utiliser la police pour répondre aux crises de santé mentale, pour confier cette responsabilité à des individus qualifiés.

« La police n'est pas bien placée pour offrir ces services [...] La réponse aux crises de santé mentale doit être redonnée à des fournisseurs de soins de santé mentale qualifiés, et ceux-ci doivent être financés adéquatement pour remplir leur rôle. »

— Une citation de  Rapport final de la Commission des pertes massives

En conférence de presse jeudi après la présentation du rapport, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, a complètement évité la question.

Il s’est borné à dire que la province finançait déjà quelques projets liés à la violence basée sur le genre. Nous sommes déterminés à travailler avec le gouvernement fédéral. Nous allons travailler sur des accords de financement, mais ce financement ne va jamais excéder l'élément de santé publique, a-t-il déclaré.

Tim Houston serre dans ses bras une femme, de dos. Ils sont au milieu de plusieurs personnes rassemblées dans une salle.

Tim Houston, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, jeudi à Truro

Photo : La Presse canadienne / Darren Calabrese

Scott McLeod, le frère d’une des victimes et constamment présent à ces audiences dans la dernière année, appelle à l’action.

De savoir que les familles et le public ont été entendus est fantastique. Ce qui est arrivé ne peut pas être effacé, mais on doit aller de l’avant, a-t-il dit.

Les politiciens, avance-t-il, ont intérêt à ne pas tabletter le rapport. J’ai espoir qu’ils écouteront. C’est un événement qui a été si médiatisé depuis le début, je crois que ça devrait être un coup fatal à leur carrière s’ils ne sont pas disposés à travailler avec les membres du public et s’ils les ignorent, a dit Scott McLeod.

L’ex-compagne du tueur encouragée par le rapport

Assise devant un micro, Lisa Banfield lève ses deux mains pour replacer ses cheveux.

Lisa Banfield témoigne à la Commission des pertes massives, le 15 juillet 2022 à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan

Lisa Banfield, qui était la compagne de l’auteur de la tuerie, n’était pas à Truro, jeudi. Son avocate, Jessica Zita, a lu une déclaration de sa cliente. J'espère que ce rapport servira de plan pour des changements fondamentaux dans les pratiques d'enquête et les soins aux survivants, écrit Mme Banfield.

« J'ai bon espoir que des changements significatifs découleront des recommandations, en particulier en ce qui a trait aux liens entre la violence entre partenaires intimes et les pertes de vie massives. »

— Une citation de  Lisa Banfield

Un des témoignages les plus médiatisés de la Commission des pertes massives fut celui de Lisa Banfield, qui a subi les abus physiques et émotionnels de son conjoint pendant des années.

Le soir du 18 avril 2020, Gabriel Wortman a agressé sa compagne Lisa Banfield. Cette dernière s’est réfugiée dans les bois jusqu’au lendemain pour échapper à la folie meurtrière qui allait se dérouler pendant les 13 heures suivantes.

Une nouvelle vie l’attendait lorsqu’elle est sortie des bois ce matin-là. Son abuseur était parti, mais elle s’apprêtait à entrer dans un nouveau monde de terreur, a déclaré jeudi l’avocate Jessica Zita, à propos de ce qu’a vécu Lisa Banfield il y a trois ans.

Jessica Zita assise à une table, devant un micro. Elle a les mains croisées et regarde au loin dans la salle.

L'avocate Jessica Zita s'est exprimée au nom de sa cliente, Lisa Banfield, jeudi à Truro, après la présentation du rapport final de la commission d'enquête.

Photo : Radio-Canada

Autrefois chaleureuse et accueillante, Mme Banfield a été forcée de devenir froide et méfiante. Elle a subi les condamnations sous toutes ses formes, a-t-elle ajouté.

L’avocate faisait notamment référence au fait que Lisa Banfield avait au départ été accusée d’avoir fourni illégalement des munitions à son conjoint. L’accusation n’a été abandonnée qu’en juillet 2022.

« Ce qui est arrivé à Mme Banfield, et la façon dont elle a été traitée après un massacre qui a débuté par une agression envers elle, est indigne. Ce rapport est la première étape pour que cela ne se produise plus jamais. »

— Une citation de  Jessica Zita, avocate de Lisa Banfield

Sur la question de la violence entre partenaires intimes, maître Zita a déclaré que la notion de contrôle coercitif était expliquée si adéquatement dans le rapport des commissaires qu’elle espérait qu’il soit évoqué franchement à l’avenir. Il est partout, nous l’avons vu, mais nous ne savions pas par quel nom le désigner.

Selon son avocate, Mme Banfield ne désirait rien de plus que de partager son histoire, afin d'aider les autres. La commission lui a permis de le faire, a dit Jessica Zita.

Nous sommes très satisfaites de ses conclusions et de ses recommandations. Les victimes de violence conjugale et de violence basée sur le genre ont pu s'exprimer avec clarté comme jamais auparavant.

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