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Agression sexuelle : Maxime s’est « sentie crue et soutenue » par le Cégep de Sherbrooke

De nombreuses voix s'élèvent pour réclamer une politique contre les violences sexuelles dans les écoles primaires et secondaires, à l’image de ce qui existe déjà dans les établissements d’enseignement supérieur, comme au Cégep de Sherbrooke. Cette politique a fait ses preuves, mais elle comporte aussi ses limites a constaté l’une de ses étudiantes, victime d'une agression.

Maxime Bournival est debout et regarde la caméra.

Maxime Bournival est étudiante en techniques policières au Cégep de Sherbrooke.

Photo : Radio-Canada / Martin Bilodeau

Maxime Bournival achève ses études en techniques policières au Cégep de Sherbrooke. La jeune fille de 20 ans espère bientôt entrer à l'École nationale de police, à Nicolet. Avec son ton assuré, son regard déterminé, difficile de croire qu’elle se remet d’une agression sexuelle subie en 2020.

J’étais avec une amie à Dunham, on avait décidé de faire une soirée chez elle. Ses parents étaient là avec son frère et un ami que je connaissais, parce que je l’avais déjà croisé au Cégep, relate la jeune fille.

Maxime est à l’aise : elle est chez sa meilleure amie. C’était un environnement sécuritaire, ajoute-elle. Au petit matin, les choses changent.

Je me suis réveillée pendant la nuit en sentant des contacts sur moi, au niveau de ma région intime, au niveau de ma bouche. C'est là que j'ai réalisé que j'étais en train de vivre un viol, complètement.

« Je me disais : ‘’Je suis en techniques policières, j’ai un grand bagage d’arts martiaux, je n’ai pas peur de me défendre, c’est impossible que ça m’arrive à moi.’’ »

— Une citation de  Maxime Bournival, étudiante en techniques policières, Cégep de Sherbrooke

J’étais consciente de ce qui arrivait, mais je n’avais aucune force, j'étais vraiment paralysée, révèle-t-elle. J’ai été consciente de tout, j'ai tout senti, mais je n'ai rien pu faire, sincèrement, je n’ai pas été capable de me défendre.

Elle hésite au départ à porter plainte, mais après mûre réflexion, elle décide d'aller de l'avant et des accusations sont déposées contre son agresseur. Les deux étudient cependant au même endroit. Même s'il leur est interdit d'entrer en contact pendant les procédures judiciaires, elle le voit un soir en allant s'entraîner au gymnase du Cégep.

C'est vraiment après la première fois que je l'ai croisé au gym que j'ai "pogné un deux minutes", comme on dit. Ça m'a choquée! Les émotions sont montées; j'ai paniqué, je ne savais pas quoi faire, confie-t-elle.

Je me sentais mal à l'aise dans cette situation, donc j'ai appelé [le Service de police de Sherbrooke] pour faire une plainte. La constable qui m'a répondu m'a carrément dit : "Oui, mais madame, il n'est pas mal intentionné''. Ça ne m'a pas rassurée du tout. C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à être de moins en moins à l'aise au Cégep.

Maxime a pris la décision de changer de gym pour éviter de le croiser de nouveau. J’ai vécu beaucoup d’injustice à ce niveau-là. J'ai de la misère à aller à l'école; j'ai des problèmes de concentration, je vis beaucoup de conséquences de cet événement-là. Puis, en retour, il peut un peu agir à sa guise. J'ai trouvé ça difficile, vraiment, relate-t-elle, sans détours.

Mais Maxime refuse de rester les bras croisés. Elle informe ses professeurs de la situation. C’est un peu une famille. Cela a été vraiment facile pour moi d'aller me confier, puis d'aller chercher l'aide dont j'avais besoin. Deux d’entre eux étaient avec moi lors des étapes judiciaires au palais de justice de Granby. Ça démontre le support incroyable que j'ai eu de mon Cégep , remarque l’étudiante.

De l’aide à portée de main

Si Maxime a préféré informer directement ses enseignants, elle aurait aussi pu aller cogner au bureau de Valérie Massicotte. L’intervenante psychosociale est la personne-ressource en violence à caractère sexuel en poste au Cégep de Sherbrooke. Difficile de manquer les nombreux dépliants portant sur une panoplie de sujets, dont les violences sexuelles, qui sont disposés sur son bureau.

Valérie Massicote est devant une étagère et sourit à la caméra.

En poste depuis sept ans au Cégep de Sherbrooke, Valérie Massicotte a aidé à mettre en place la politique pour prévenir et combattre les violences à caractère sexuel.

Photo : Radio-Canada / Marion Bérubé

C'est moi qui donne les formations obligatoires pour l'ensemble de la communauté collégiale, donc autant les membres du personnel que la communauté étudiante, indique-t-elle. J'offre aussi du soutien individuel.

Une loi votée en 2017 oblige tous les cégeps et les universités de la province à se munir d’une politique visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel. Ces établissements offrent des services d’accueil, de référence, de soutien psychosocial et d’accompagnement des personnes par des ressources spécialisées et formées en matière de violences à caractère sexuel . Des ateliers de prévention et de sensibilisation sont aussi offerts aux étudiants chaque année.

Une affiche sur laquelle on peut lire « Ni viande ni objet »

Les activités de sensibilisation contre les violences sexuelles du Cégep incluent des campagnes, des conférences, des ressources en ligne ou imprimées.

Photo : Radio-Canada / Marion Bérubé

Plainte ou pas, ordre du juge ou non, le Cégep peut modifier l'horaire d'une victime pour éviter qu'elle soit dans la même classe que son agresseur. Cela inclut des situations qui se sont passées avant d’entrer au cégep, et non uniquement des choses vécues dans le cadre de leurs études, spécifie l’intervenante.

Difficile par contre d’éviter tout contact hors des classes, comme dans le cas de Maxime. C'est un défi effectivement, concède Valérie Massicotte. C'est sûr qu'en tant qu'institution, on ne peut pas mettre d'interdit de contact. Cela relève du niveau criminel. Mais en sachant le nom des deux personnes concernées, on s’assure qu’ils n’auront jamais aucun cours ensemble.

« Même s'ils ne sont pas dans le même programme, d'emblée ça rassure énormément les personnes qui viennent nous rencontrer de savoir qu’elles ne seront jamais jamais avec leur agresseur, même pour un cours de philosophie. »

— Une citation de  Valérie Massicotte, intervenante psychosociale, Cégep de Sherbrooke

Parler pour encourager

En janvier dernier, l’agresseur de Maxime a été condamné à une peine de détention de 15 mois dans la collectivité, en plus d'une probation de trois ans. Il sera inscrit au Registre des délinquants sexuels pendant 10 ans. Le juge Benoit Gagnon a été sensible à la réalité de Maxime à l'école. Il s'est assuré d'intégrer des conditions qui allaient limiter la présence dans l'établissement scolaire de l'accusé, indique Valérie Simard-Croteau, la procureure aux poursuites criminelles et pénales attitrée au dossier de Maxime.

[Le juge] a pris les mesures nécessaires pour la protéger de cette proximité-là, et faire en sorte qu'on ait un levier, ajoute l’avocate. L'emprisonnement dans la collectivité [comporte] une série de conditions qui sont extrêmement restrictives et qui, à la moindre contravention, peuvent entraîner l'incarcération dans un établissement de détention.

Maxime ne s’en cache pas, tout le processus a été long et ardu. Même s’il a été difficile pour moi, il a été nécessaire parce que j’avais besoin de me sentir crue, de me faire dire que c'était normal de me sentir comme je me sentais, souligne-t-elle. J’avais besoin de me faire épauler, me faire guider vers des ressources. C’est ça que le processus m’a apporté. 

« J’ai appris à le faire pour moi [mais aussi pour] encourager les gens à porter plainte, peu importe le résultat. La plainte amène plein de choses en même temps : des ressources, du support, de l’information. »

— Une citation de  Maxime Bournival, étudiante en techniques policières, Cégep de Sherbrooke

Aujourd’hui, elle est sereine par rapport aux événements, mais la jeune femme sait que la route vers la guérison sera longue.

On dit que c'est un cheminement à vie, et honnêtement je le crois. Ce n'est pas parce que le processus judiciaire est terminé que les conséquences, tant physiques que mentales, sont terminées. C'est faux! Ça va me suivre pendant longtemps et j'en suis vraiment consciente.

Une politique actualisée

Il sera bientôt le moment pour le Cégep de Sherbrooke de mettre à jour sa politique contre les violences sexuelles, qui a officiellement été adoptée en 2019. La loi inclut une révision au moins une fois tous les cinq ans.

Valérie Massicotte a déjà quelques idées en tête comme d’inclure davantage tous les milieux de stage, parce que non seulement la politique s’applique sur le campus, mais aussi pour les activités extérieures, qui impliquent le milieu scolaire. Les milieux de stages font partie d’un des volets qu’on aimerait davantage inclure, que ce soit dans des clauses de contrats.

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