Un adénovirus lié aux mystérieux cas d’hépatite infantile grave
Une co-infection avec d’autres virus pourrait expliquer cette vague de cas.

La plupart des enfants affectés par ce mystérieux mal ont expérimenté des vomissements et des diarrhées; certains ont également éprouvé des symptômes respiratoires.
Photo : Shutterstock/A3pfamily
Le nombre élevé de cas inexpliqués d'hépatite infantile aiguë grave observé depuis 2022 serait lié à un virus commun, l’adéno-associé 2 (AAV2), confirment trois nouvelles études publiées dans la revue Nature jeudi.
Depuis 2022, plus de 1010 cas d’hépatite infantile grave ont été recensés dans 235 pays. Environ 7 % de ces jeunes ont nécessité une greffe du foie.
Au Canada, d’avril à septembre 2022, on a recensé 28 cas d’hépatite aiguë grave chez des enfants âgés de 1 à 13 ans, dont 14 en Ontario, 5 en Alberta et 4 au Québec. Normalement, on voit deux ou trois cas chaque année au Canada. Tous les enfants canadiens ont été hospitalisés. Quatre d'entre eux ont eu besoin d’une greffe du foie. Aucun décès n’a été signalé.
Les co-infections jouent un rôle clé
Le nombre de cas anormalement élevé avait soulevé beaucoup de questions.
Au début de cette vague, des chercheurs avaient émis l’hypothèse que l’adéno-associé 2 (AAV2) pourrait être en cause. Toutefois, des doutes persistaient, puisque l’AAV2 est connu pour se répliquer dans le foie, mais ne provoque normalement pas une hépatite et ne peut se répliquer sans un virus auxiliaire
(une co-infection).
Mais ces trois nouvelles études publiées dans Nature, une américaine et deux britanniques, confirment que l’AAV2 a joué un rôle clé dans le développement de ces hépatites graves.
Qu’est-ce que l’hépatite?
L'hépatite est une inflammation du foie qui peut être causée par des infections virales (notamment les virus Hep-A, Hep-B et Hep-C), la consommation d'alcool, des toxines, des médicaments et certaines anomalies.
Les symptômes sont des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales, une urine foncée, la jaunisse, la fièvre et la fatigue.
L'hépatite aiguë se manifeste rarement chez les enfants et sa cause exacte est souvent difficile à circonscrire.
Les chercheurs américains (Nouvelle fenêtre) ont détecté la présence de l’AAV2 dans le sang de 93 % des enfants étudiés et atteints d'hépatite aiguë grave d'origine inconnue. En comparaison, on a détecté l’AAV2 chez seulement 3,5 % des enfants du groupe témoin.
Selon l’une des études britanniques (Nouvelle fenêtre), l'AAV2 a été détecté dans 81 % des cas d'hépatite, contre 7 % des personnes du groupe témoin.
Si les trois études ont observé (Nouvelle fenêtre) un lien entre l’AAV2 et ces hépatites, les chercheurs ne savent pas si cet adénovirus est la seule cause de l'hépatite ou si une co-infection expliquerait la vague de cas d’hépatite grave.
Parmi la plupart des enfants atteints et infectés par l’AAV2, les chercheurs de ces trois études ont détecté la présence de virus auxiliaires, notamment l’adénovirus humain et le bêta-herpès virus humain 6B (HHV-6B).
Les adénovirus sont généralement des virus banals qui provoquent des symptômes respiratoires, des conjonctivites ou encore des troubles digestifs.
L'herpès virus humain 6B (HHV-6B) provoque chez les nourrissons et les enfants en bas âge la roséole infantile.
Les chercheurs ont par ailleurs découvert que 93 % des enfants atteints d’hépatite grave possèdent un gène particulier, ce qui suggère que certains enfants seraient génétiquement plus susceptibles de développer une forme grave de la maladie.
Un lien avec la COVID-19?
Les chercheurs britanniques ont détecté chez peu d’enfants la présence d’une infection antérieure de COVID-19.
Les auteurs précisent que la circulation des virus, incluant les adénovirus, a été largement interrompue lors de la pandémie. Quand les restrictions sanitaires ont été levées, il est possible que les enfants génétiquement prédisposés aient été plus à risque d'être co-infectés par le HAdV et l’AAV2, créant une vague synchronisée
de cas d'hépatite grave.
Si les chercheurs ne croient pas pour l’instant que la COVID-19 est en cause, ils n’excluent pas complètement ce lien.
D'ailleurs, dans un commentaire publié dans Nature, Frank Tacke, un chercheur du Département d’hépatologie et de gastroentérologie de l’Université de médecine Charité-Berlin, affirme qu’il faut mener davantage d'études pour voir si le SRAS-CoV-2 n’a pas déclenché un mécanisme de type superantigène
provoquant une puissante réponse immunitaire chez certains enfants infectés et touchant particulièrement le foie.
Le SRAS-CoV-2 ne peut pas être complètement exclu, compte tenu que cette vague d’hépatites est survenue en pleine pandémie de COVID-19.