« Très prêt » : comment un Ontarien a célébré sa fin de vie

Portrait de Mark Asselin, 63 ans, le jour de la célébration de sa vie à Toronto le 18 mars 2023.
Photo : CBC Jonathan Migneault
Mark Asselin, un Torontois originaire de Sudbury, a choisi de recevoir l’aide médicale à mourir, après une longue lutte contre le cancer. Il a choisi de partager son histoire et les célébrations de fin de vie.
Mark Asselin souhaitait mourir heureux.
Le 22 mars 2023, il a reçu trois injections intraveineuses à l’hôpital spécialisé Casey House.
La première l'a aidé à se calmer et l’a rendu somnolent. La seconde l’a placé dans un coma. Puis la troisième a fait arrêter sa respiration.
Je suis très prêt
, a-t-il confié à la veille de son 63e anniversaire, quatre jours avant de recevoir l’aide médicale à mourir, légale au Canada depuis 2016.
« Après 10 mois de douleur intense, de lutte constante, c’est ma chance de me reposer. Je suis fatigué. J’en ai assez de me battre. »
Mark Asselin a reçu le diagnostic de cancer de la peau en 2009.
On lui a retiré une tumeur, mais le cancer est revenu, et a fini par se propager aux ganglions lymphatiques, en 2020, puis à la prostate, en 2021.
C’était au stade 4 et il n’y avait rien qui pouvait être fait
, a raconté M. Asselin.
Il aurait eu besoin de trois opérations chirurgicales pour retirer les tumeurs autour de ses intestins et de sa vessie, et n’aurait probablement pas survécu en raison de son état de santé fragile.
Une vie remplie de défis
Avant sa lutte contre le cancer, Mark Asselin a dû surmonter plusieurs problèmes de santé physique et mentale.
Né à Sudbury, quatrième d’une famille de 5 enfants, il a connu une enfance un peu chaotique
, selon son frère cadet, Neil.
« La vie était mouvementée dans notre maison. Mes parents possédaient une entreprise, et Mark était en quelque sorte mon mentor… je dirais mon premier mentor. »
Mark Asselin a raconté avoir été agressé sexuellement lorsqu’il était adolescent par la personne qui louait l’appartement dans le sous-sol de la maison de ses parents.
Il a écrit à propos de cet incident, qui a mené à une dépression nerveuse dans sa cinquantaine, dans son autobiographie intitulée This Wall (Ce mur).
J’ai été diagnostiqué d’un syndrome de stress post-traumatique
, a-t-il affirmé.
Après l’école secondaire, il s’est dirigé vers Toronto pour étudier le design d’intérieur au collège Humber.
Il vivait parmi la communauté gaie de Toronto, et comme plusieurs de ses amis, il a contracté le VIH.
« Le jour de mon 30e anniversaire, j’ai été convoqué au bureau de mon médecin et il m’a annoncé la nouvelle : j’étais séropositif et je survivrais probablement seulement quelques années [...], car il n’y avait pas vraiment beaucoup de recherches sur les traitements disponibles. »
Mark Asselin a survécu à plusieurs hospitalisations, luttant parce qu’il ne voulait pas être une statistique du VIH
et qu’il voulait vivre et réaliser ses rêves.
Impliqué à l’église jusqu’à la fin
En 2019, Mark Asselin a rejoint l'Église communautaire métropolitaine de Toronto et est devenu gestionnaire des installations.
Fondée en 1973, l’Église est devenue l’une des plus importantes et actives dans la communauté queer, explique la pasteure Deana Dudley.
Quand je l’ai rencontré, j’ai pensé : "Ok, c’est un bon gars avec plusieurs talents", raconte-t-elle au sujet de Mark.
« Mais je me suis rapidement rendu compte que c’était aussi un homme formidable avec une belle personnalité et qui a eu un impact positif sur plusieurs d'entre nous, l’Église et le bâtiment. »
Même s’il souffrait en raison du cancer, M. Asselin travaillait encore à l’église cinq jours avant son décès.
Être capable de me rendre au travail m’a rendu vraiment heureux, car j’adore mon travail
, a-t-il partagé avant sa célébration de fin de vie.
« Mais, bien sûr, avec le cancer et la douleur constante, j’étais épuisé. Donc c’était essentiellement de travailler pendant le jour et rester fonctionnel grâce aux analgésiques, à la morphine. »
L’aide médicale à mourir de plus en plus fréquente
Mark Asselin a décidé de demander l’aide médicale à mourir peu de temps après avoir reçu son diagnostic de cancer en phase terminale.
En 2021, cinq ans après la légalisation initiale de la procédure, l'accès a été étendu en enlevant l’exigence que la mort naturelle d'une personne devait être raisonnablement prévisible.
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Et selon Statistique Canada, le nombre de décès médicalement assistés est en hausse depuis.
L’aide médicale à mourir a été administrée 10 029 fois en 2021, ce qui représentait 3,3 % des décès enregistrés au Canada cette année-là.
En comparaison, il y en avait eu 7746 en 2020.
Une fois sa décision prise, Mark a écrit un courriel à ses frères et sa sœur pour les informer.
J’étais choqué, mais pas surpris
, raconte son frère Neil.
« Je sentais que ça s’en venait. Je veux dire, je connaissais ses problèmes de santé depuis longtemps. Mais ça m’a donné un coup quand j’ai lu la nouvelle, et je ne savais pas comment réagir. »
Neil a répondu à Mark en écrivant qu’il le soutenait, mais qu’il avait besoin d’un peu de temps pour digérer la nouvelle.
Sherry Gervis, la sœur aînée de Mark, croit que son frère a fait un choix courageux.
« Nous sommes passés à travers une épreuve semblable avec le frère de mon conjoint, et vous savez, quand la qualité de vie est compromise, que vous êtes fatigués et en douleur, être capable de dire "je vais partir selon mes propres conditions", c’est fantastique. »
La célébration de fin de vie
Le 18 mars, l'église communautaire métropolitaine de Toronto a organisé une cérémonie spéciale pour Mark.
Il a souhaité la présence d’un journaliste de CBC pour montrer que la fin de vie d’une personne n’avait pas à être un moment triste, mais plutôt l’occasion de célébrer.
Mark a marché tranquillement vers la chaire, souriant malgré la douleur, pendant qu’un de ses amis chantait Happy, de Pharrell Williams.
Avec cette chanson d’ouverture, ce n’est probablement pas le genre de célébration de vie à laquelle les gens s’attendent à participer
, a-t-il déclaré à l’assemblée composée d’amis, de membres de sa famille et de membres de la congrégation.
« Mais c’est ma célébration de fin de vie, et je suis heureux. »
En soirée, Mark avait invité ses proches à une fête qui incluait du karaoké, une performance par la drag queen Naomi Leone et une chanson originale composée en son honneur, chantée par son ami Igor Vrabac.
De mon point de vue, je vais essayer de rester aussi optimiste que possible, et faire comprendre aux autres qu’ils devraient se réjouir
, a déclaré Mark en référence à ses proches.
« Joignez-vous à moi dans la joie. Je suis heureux pour eux. Je suis heureux pour le temps qu'ils m'ont donné. Je suis heureux de les avoir connus. »
Avec les informations de Jonathan Migneault de CBC