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Tuerie en Nouvelle-Écosse : une enquête partie du mauvais pied arrive au fil d’arrivée

Le rapport final de 3000 pages de la Commission des pertes massives sera dévoilé jeudi.

Un blindé de la police sur la route et des policiers qui interceptent des automobilistes.

La recherche du suspect le 19 avril 2020 s'est déroulée sur une centaine de kilomètres, dont ici, à Debert, en Nouvelle-Écosse.

Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan

Radio-Canada

Après un an d’audiences et près de trois ans après un massacre qui a coûté la vie à 22 personnes en Nouvelle-Écosse, la Commission des pertes massives présentera jeudi son rapport final sur les événements.

Mercredi, les responsables de l’exercice ont fait savoir que ce rapport compterait environ 3000 pages, séparé en 7 volumes.

Les commissaires feront des recommandations sur des sujets comme les actions de la police, ses procédures et ses communications, notamment avec le public, et l’accès aux armes à feu.

Montage photographique des 22 personnes.
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Les 22 personnes qui ont perdu la vie lors de la tuerie. Rangée du haut : Gina Goulet, Dawn Gulenchyn, Jolene Oliver, Frank Gulenchyn, Sean McLeod, Alanna Jenkins. 2e rangée : John Zahl, Lisa McCully, Joey Webber, Heidi Stevenson, Heather O'Brien, Jamie Blair. 3e rangée : Kristen Beaton, Lillian Campbell, Joanne Thomas, Peter Bond, Tom Bagley, Greg Blair. Rangée du bas : Emily Tuck, Joy Bond, Corrie Ellison, Aaron Tuck.

Photo : Radio-Canada

Le 18 avril 2020 à Portapique, dans une communauté de quelques centaines de résidents, le denturologiste Gabriel Wortman, 51 ans, a agressé sa conjointe — qui a pu lui échapper — et a tué 13 personnes.

Le lendemain, 19 avril, il a poursuivi sa cavale à travers plusieurs communautés de la Nouvelle-Écosse, au volant d’une réplique d’autopatrouille de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il a abattu neuf autres personnes.

Environ 13 heures après les premiers meurtres à Portapique, il a été abattu par deux membres de la GRC à une centaine de kilomètres au sud, aux pompes d’une station-service d’Enfield.

Une fausse voiture de police dont l'image est captée par une caméra de surveillance.
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Le véhicule conduit par Gabriel Wortman; image captée par une caméra de surveillance à 10 h 17 le matin du 19 avril 2020 à Truro, en Nouvelle-Écosse.

Photo : Gendarmerie royale du Canada

Une Commission plombée par les problèmes

Annoncée en juillet 2020, la commission d’enquête fédérale-provinciale, plus tard baptisée Commission des pertes massives, a été la cible de maintes critiques avant même son lancement.

La Commission, dont les coûts sont estimés à au moins 47 millions de dollars, est partie du mauvais pied et n’a jamais réussi à se remettre sur les rails, affirmait à l’automne dernier un professeur émérite de droit de l’Université d’Ottawa, Ed Ratushny, qui s’est montré très critique envers l’enquête.

Il avait même été jusqu'à dire qu’il s’agissait d’un parfait exemple de tout ce qu'il ne fallait pas faire dans un tel exercice, et un pas en arrière en ce qui concerne ce que les enquêtes publiques apportent à la société.

Nick Beaton au centre des congrès. Il parle à une femme de dos. Il tient une affiche sur laquelle on voit une photo de sa conjointe Kristen Beaton et de leur enfant, ainsi que la phrase «Je m'ennuie de ma maman. Nous méritons des réponses et la vérité.»
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Nick Beaton pendant une pause des travaux de la Commission des pertes massives, le 15 juillet 2022 à Halifax. Sa conjointe, Kristen Beaton, était enceinte lorsqu'elle a été tuée le 19 avril 2020. Nick Beaton croit qu'elle n'aurait jamais approché le tueur si la GRC avait informé le public que l'auteur du massacre était déguisé en policier.

Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan

Pas de contre-interrogatoires

La Commission s’est embourbée dans des délais. Il a fallu de longs mois pour obtenir des documents et interroger des témoins.

La Fédération de la police nationale, qui défend les droits des membres de la GRC, a cherché à protéger les policiers des rangs inférieurs à celui d’inspecteur. Elle s’opposait au témoignage de 18 gendarmes, sous prétexte qu’ils seraient traumatisés de nouveau.

Dans plusieurs cas, les avocats des policiers ont eu gain de cause; d’autres ont témoigné par écrit seulement.

Ed Ratushny, professeur émérite de droit à l’Université d’Ottawa.

Ed Ratushny, professeur émérite de droit à l’Université d’Ottawa, en entrevue en octobre 2022.

Photo : CBC

Selon le professeur Ed Ratushny, cela jette une ombre sur les conclusions qui seront dévoilées.

Je me demande si la crédibilité du rapport pourrait être mise en péril, à certains égards, à cause de l'absence de contre-interrogatoire, comme on le fait habituellement, a-t-il déclaré lors d'un entretien lundi accordé à La Presse canadienne.

Au cours des audiences, le professeur Ratushny a critiqué les restrictions imposées au contre-interrogatoire de certains témoins, en particulier des policiers.

Un policier en noir se rue vers un groupe de policiers en vêtements militaires attroupés.

Les derniers instants de la traque du suspect, le 19 avril 2020 à une station-service d'Enfield.

Photo : La Presse canadienne / Tim Krochak

La Commission disait préconiser une approche qui tenait compte des traumatismes causés par la tuerie. Selon Ed Ratushny, la définition qu’elle en a faite a été problématique.

Pour le public, cela semble signifier que la Commission serait respectueuse de la douleur des proches des victimes, et serait délicate envers eux. En réalité, la Commission a semblé plus intéressée aux sentiments des agents de police, selon Ed Ratushny.

Une femme participe à une marche. Elle a un air sérieux et sombre. Elle tient une affiche sur laquelle on voit une photo d'un homme portant une veste des vétérans de l'armée canadienne ainsi que les mots « Mon père, ma fierté ».
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Charlene Bagley participe à une manifestation le 29 juillet 2020 à Halifax. Son père, Tom Bagley, retraité de la Marine royale canadienne, a été tué le 19 avril 2020, deux jours avant son 71e anniversaire.

Photo : CBC / Shaina Luck

Parallèlement, les familles des personnes tuées en avril 2020 et leurs avocats mettaient en doute la transparence de la Commission.

Les avocats des familles des victimes ont aussi été mécontents des questions de la Commission. Ils lui ont reproché d’avoir ignoré certaines questions qui apparaissaient évidentes et de s’être satisfaite de certaines déclarations des corps policiers, sans chercher à en savoir plus.

Sous-information par la GRC

Le rapport final de la Commission des pertes massives sera rendu public à Truro, en Nouvelle-Écosse, le 30 mars à midi, heure de l’Atlantique.

Wayne MacKay, professeur émérite de droit à l'Université Dalhousie, à Halifax, rappelle que même si l'enquête s’est concentrée sur la recherche de faits et la formulation de recommandations, elle ne peut pas blâmer personne ni déterminer une responsabilité criminelle ou civile.

Des marcheurs demandent des explications à la GRC pour leur réponse à la tuerie d'avril 2020.

« Ma mère me manque. Nous méritons des réponses et la vérité », peut-on lire sur l'affiche de cette personne qui a marché jusqu'aux locaux de la GRC à Bible Hill, en Nouvelle-Écosse, le 18 avril 2021.

Photo : Radio-Canada / Paul Légère

Par contre, le rapport final pourrait entraîner d'importants changements, en particulier à la GRC, estime le professeur MacKay.

Entre autres choses, croit-il, l'enquête ne manquera pas d'exhorter la police fédérale à être plus transparente dans ses communications avec la population.

Dès la toute première conférence de presse, il y a eu soit de la désinformation, soit de la sous-information de la part de GRC, qui s'est poursuivie tout au long du processus, a-t-il déclaré. Et ils auraient dû alerter plus tôt qu'un homme conduisait une autopatrouille et tirait sur des gens.

Le professeur Ed Ratushny a quant à lui mentionné lundi que la clé sera de savoir si le rapport final offrira un compte rendu clair de ce qui s'est passé en avril 2020, et formulera des recommandations pratiques sur la façon d’empêcher de telles tragédies au Canada.

Avec des renseignements de CBC et de La Presse canadienne

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