Tuerie en Nouvelle-Écosse : une enquête partie du mauvais pied arrive au fil d’arrivée
Le rapport final de 3000 pages de la Commission des pertes massives sera dévoilé jeudi.

La recherche du suspect le 19 avril 2020 s'est déroulée sur une centaine de kilomètres, dont ici, à Debert, en Nouvelle-Écosse.
Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan
Après un an d’audiences et près de trois ans après un massacre qui a coûté la vie à 22 personnes en Nouvelle-Écosse, la Commission des pertes massives présentera jeudi son rapport final sur les événements.
Mercredi, les responsables de l’exercice ont fait savoir que ce rapport compterait environ 3000 pages, séparé en 7 volumes.
Les commissaires feront des recommandations sur des sujets comme les actions de la police, ses procédures et ses communications, notamment avec le public, et l’accès aux armes à feu.
Le 18 avril 2020 à Portapique, dans une communauté de quelques centaines de résidents, le denturologiste Gabriel Wortman, 51 ans, a agressé sa conjointe — qui a pu lui échapper — et a tué 13 personnes.
Le lendemain, 19 avril, il a poursuivi sa cavale à travers plusieurs communautés de la Nouvelle-Écosse, au volant d’une réplique d’autopatrouille de la Gendarmerie royale du Canada (GRC
). Il a abattu neuf autres personnes.Environ 13 heures après les premiers meurtres à Portapique, il a été abattu par deux membres de la GRCEnfield.
à une centaine de kilomètres au sud, aux pompes d’une station-service d’Une Commission plombée par les problèmes
Annoncée en juillet 2020, la commission d’enquête fédérale-provinciale, plus tard baptisée Commission des pertes massives
, a été la cible de maintes critiques avant même son lancement.
La Commission, dont les coûts sont estimés à au moins 47 millions de dollars, est partie du mauvais pied
et n’a jamais réussi à se remettre sur les rails
, affirmait à l’automne dernier un professeur émérite de droit de l’Université d’Ottawa, Ed Ratushny, qui s’est montré très critique envers l’enquête.
Il avait même été jusqu'à dire qu’il s’agissait d’un parfait exemple de tout ce qu'il ne fallait pas faire dans un tel exercice, et un pas en arrière en ce qui concerne ce que les enquêtes publiques apportent à la société
.
Pas de contre-interrogatoires
La Commission s’est embourbée dans des délais. Il a fallu de longs mois pour obtenir des documents et interroger des témoins.
La Fédération de la police nationale, qui défend les droits des membres de la GRCtraumatisés de nouveau
.
Dans plusieurs cas, les avocats des policiers ont eu gain de cause; d’autres ont témoigné par écrit seulement.
Selon le professeur Ed Ratushny, cela jette une ombre sur les conclusions qui seront dévoilées.
Je me demande si la crédibilité du rapport pourrait être mise en péril, à certains égards, à cause de l'absence de contre-interrogatoire, comme on le fait habituellement
, a-t-il déclaré lors d'un entretien lundi accordé à La Presse canadienne.
Au cours des audiences, le professeur Ratushny a critiqué les restrictions imposées au contre-interrogatoire de certains témoins, en particulier des policiers.
La Commission disait préconiser une approche qui tenait compte des traumatismes causés par la tuerie. Selon Ed Ratushny, la définition qu’elle en a faite a été problématique.
Pour le public, cela semble signifier que la Commission serait respectueuse de la douleur des proches des victimes, et serait délicate
envers eux. En réalité, la Commission a semblé plus intéressée aux sentiments des agents de police, selon Ed Ratushny.
Parallèlement, les familles des personnes tuées en avril 2020 et leurs avocats mettaient en doute la transparence de la Commission.
Les avocats des familles des victimes ont aussi été mécontents des questions de la Commission. Ils lui ont reproché d’avoir ignoré certaines questions qui apparaissaient évidentes
et de s’être satisfaite de certaines déclarations des corps policiers, sans chercher à en savoir plus.
Sous-information
par la GRC
Le rapport final de la Commission des pertes massives sera rendu public à Truro, en Nouvelle-Écosse, le 30 mars à midi, heure de l’Atlantique.
Wayne MacKay, professeur émérite de droit à l'Université Dalhousie, à Halifax, rappelle que même si l'enquête s’est concentrée sur la recherche de faits et la formulation de recommandations, elle ne peut pas blâmer personne ni déterminer une responsabilité criminelle ou civile.
Par contre, le rapport final pourrait entraîner d'importants changements, en particulier à la GRCMacKay.
, estime le professeurEntre autres choses, croit-il, l'enquête ne manquera pas d'exhorter la police fédérale à être plus transparente dans ses communications avec la population.
Dès la toute première conférence de presse, il y a eu soit de la désinformation, soit de la sous-information
de la part de GRC , qui s'est poursuivie tout au long du processus, a-t-il déclaré. Et ils auraient dû alerter plus tôt qu'un homme conduisait une autopatrouille et tirait sur des gens.
Le professeur Ed Ratushny a quant à lui mentionné lundi que la clé sera de savoir si le rapport final offrira un compte rendu clair de ce qui s'est passé en avril 2020, et formulera des recommandations pratiques sur la façon d’empêcher de telles tragédies au Canada.
Avec des renseignements de CBC
et de La Presse canadienne