Ukraine : l’AIEA en quête d’un compromis pour protéger la centrale de Zaporijia

La centrale nucléaire de Zaporijia, la plus grande installation de ce type en Europe, est occupée par les forces russes.
Photo : Getty Images / Carl Court
Le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, s'est rendu mercredi à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia en quête d'une solution acceptable pour Kiev et Moscou afin de sécuriser le site.
L'idée d'une zone démilitarisée autour de ce site du sud-est de l'Ukraine occupé depuis mars 2022 par les Russes semble avoir subsisté après des mois d'échanges infructueux.
M. Grossi veut désormais travailler sur des principes
à même de minimiser le risque de catastrophe
nucléaire.
J'essaie de préparer et de proposer des mesures réalistes qui seront approuvées par toutes les parties
, a-t-il dit aux journalistes pendant cette visite à laquelle l'AFP a pu participer dans le cadre d'un voyage de presse organisé par les autorités russes.
L'idée consiste à s'entendre sur certains principes, certains engagements, [y compris le fait de] ne pas attaquer la centrale
, a ensuite déclaré M. Grossi à l'AFP , priant encore une fois Moscou de ne pas y entreposer des équipements militaires, en particulier des armes.
L'activité militaire est à la hausse dans toute cette région
, notamment avec une augmentation considérable du nombre des soldats
, avait-il auparavant déploré.
Craintes pour la sécurité
Lors de cette deuxième visite après celle de septembre 2022, M. Grossi est arrivé à la centrale à bord d'un véhicule blindé de l'armée russe, encadré par des soldats en tenue de combat, selon un journaliste de l'AFP
.Des employés de l'AIEA
étaient également présents, y compris trois inspecteurs chargés de relever des collègues en fonction sur le site.Le chef de l'AIEA
mène depuis des mois des consultations pour protéger la centrale et la zone avoisinante, régulièrement touchées par des frappes qui entraînent des pannes de courant à répétition, laissant craindre un accident nucléaire.Avant même sa visite, l'éventualité d'une percée diplomatique avait été balayée par un conseiller de la direction de l'opérateur russe Rosenergoatom.
Nous sommes loin d'avoir l'illusion que la visite de Grossi puisse radicalement changer les choses
, a confié Renat Kartchaa à l'agence de presse TASS.
L'Ukraine estime que seul un retrait russe de la centrale de Zaporijia permettrait de garantir la sécurité nucléaire. Quant à la Russie, qui refuse tout départ d'un territoire dont elle revendique l'annexion, elle accuse Kiev de vouloir reprendre ce site par la force, au mépris du risque encouru.
Le 22 mars, M. Grossi avait averti que la centrale se trouvait dans un état précaire
car, selon l'AIEA , la dernière ligne électrique de secours
, endommagée le 1er mars, reste déconnectée et en réparation
. Or, elle permet en dernier recours d'assurer la sûreté et la sécurité nucléaires, en particulier en refroidissant les réacteurs.
Le 9 mars, la gigantesque centrale avait été coupée du réseau électrique ukrainien pendant 11 heures après une frappe russe. Des générateurs diesel de secours avaient été enclenchés pour fournir une alimentation minimale des systèmes de sécurité.
On joue avec le feu
, avait prévenu M. Grossi.
Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, avait accusé la Russie de mettre en danger la sécurité de la totalité du continent européen
.
L'électricité est essentielle pour faire tourner les pompes qui assurent la circulation d'eau afin de refroidir le combustible et d'éviter un accident comme celui de Fukushima, au Japon, après le tsunami de mars 2011.
Rafael Grossi et le président ukrainien Volodymyr Zelensky avaient visité ensemble lundi une station hydroélectrique chargée d'alimenter la centrale nucléaire.
Les bombardements se poursuivent
La Russie revendique l'annexion de la région de Zaporijia, où se trouve la centrale, et en occupe une partie. Elle accuse depuis plusieurs jours l'Ukraine d'y multiplier les frappes et les attentats.
Mercredi, les autorités russes ont fait état de bombardements à Melitopol, le chef-lieu de la région occupée. Selon elles, un dépôt de locomotives a été touché, mais il n'y a pas eu de victimes. Elles ont aussi fait état de pannes d'électricité.
Ces frappes auraient été effectuées à l'aide de HIMARS, un système de lance-roquettes mobile américain de haute précision, cette ville étant située à plus de 65 kilomètres du front.
Depuis plusieurs semaines, les conjectures vont bon train quant à une éventuelle contre-offensive ukrainienne en direction de Melitopol, car sa prise permettrait de couper le couloir terrestre conquis par la Russie pour relier son territoire à la Crimée, une péninsule annexée en 2014.
Pour pouvoir infliger de nouvelles défaites à la Russie, l'Ukraine réclame cependant des munitions à plus longue portée que celles de 80 km dont elle disposait jusqu'ici pour les HIMARS afin de détruire les voies d'approvisionnement russes.
Les États-Unis ont promis des munitions pouvant atteindre une cible à 150 km de distance et Moscou affirme que celles-ci ont déjà été livrées. Kiev ne l'a pas confirmé et assure avoir besoin de beaucoup plus d'armements occidentaux.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, juge à cet égard qu'Américains et Européens combattent de facto
aux côtés de Kiev.