Des travaux d’exploration minière suscitent de l’inquiétude en Abitibi-Ouest
Antoine Gadoury, résident de Gallichan, échange ici avec Josée Chrétien, conseillère municipale de Roquemaure.
Photo : Radio-Canada / Martin Guindon
Des travaux d’exploration minière suscitent une certaine inquiétude chez des citoyens et des élus en Abitibi-Ouest.
Kenorland Minerals, une société junior d’exploration de Vancouver, effectue depuis deux ans des travaux sur sa propriété aurifère Hunter, dont les 379 titres miniers se trouvent à Gallichan, Rapide-Danseur, Roquemaure et Sainte-Germaine-Boulé.
Au cours de l’été 2022, 309 forages soniques ont été réalisés le long de certaines routes et sur des terres privées, toujours avec l’autorisation des propriétaires fonciers. Des travaux d’environ 1,5 million de dollars par année sont financés par Centerra Gold pour gagner un intérêt dans le projet.
Devant cette intensification des travaux, la Municipalité de Roquemaure a invité Kenorland Minerals à présenter ses ambitions et à entendre les préoccupations des citoyens et des élus lors d’une rencontre qui s’est déroulée dans le calme et le respect, mardi soir.
On a eu la chance de montrer un peu le cycle minier, parce que souvent, les gens pensent que parce qu'on va faire un sondage chez eux, il y a une mine le lendemain matin. On a pu éclaircir ce point-là, qu’on est vraiment au tout début de l’étape. On fait de l’exploration. Ici, ce sont des sondages soniques pour ramasser le till et non faire des forages au diamant, parce qu'à cette étape-ci, on n’a encore aucune idée où il y aurait de la minéralisation en profondeur
, explique le directeur du développement durable pour Kenorland Minerals, Alex Gallardo.
Les travaux de 2022 ont permis à Kenorland Minerals de prioriser deux secteurs où elle approfondira ses connaissances cet été, avec une nouvelle campagne de 150 forages soniques. Ces forages permettent d’échantillonner des sols meubles en préservant leur séquence. Les tills sont des sédiments laissés par le passage des glaciers.
Vers une communauté nourricière
Un premier site se trouve entre Rapide-Danseur et Sainte-Germaine-Boulé, alors que le second est situé au nord-ouest du village de Roquemaure. Cette municipalité entretient des relations cordiales avec Kenorland, mais elle n’avait pas de projets miniers sur son radar. C’est cette perspective qui inquiète dans ce secteur qui compte parmi les plus belles terres cultivables de la région, gracieuseté du microclimat du lac Abitibi.
« Il faut maintenir un dialogue positif. Mais je pense que c’est aussi important pour nous d’exprimer où on s’en va comme municipalité. L’exploration et les mines, ça ne fait pas du tout partie de notre plan de développement. »
Je pense que c’est important que Kenorland nous entende ce soir (mardi), notamment sur le plan de développement de communautés nourricières qui est extrêmement important pour notre collectivité. C’est quelque chose qu’on veut renforcer. C’est probablement l’élément qui va nous aider à rendre ça peut-être plus tabou de vouloir venir installer une mine chez nous
, ajoute M. Guillemette.
Désireux de conserver de bonnes relations avec le milieu, Alex Gallardo assure que Kenorland Minerals portera une attention particulière à ce projet. L’entreprise a mis en place un comité Engagement Social Gouvernance en 2021 pour le projet Hunter et est en démarche pour obtenir une certification ECOLOGO. Elle s’est aussi engagée à ne pas s’approcher du Camping Roquemaure, ni du marais Antoine.
La crainte d’une mine
Les citoyens présents à la rencontre ont surtout exprimé des inquiétudes devant la perspective de développement d’une mine d’or sur le territoire à moyen ou à long terme.
Je suis satisfait de la rencontre. J’ai compris qu’on est juste dans le projet embryonnaire. Mais si on parle d’une grosse minière qui vient faire l’exploitation et investir beaucoup plus que 1,5 M$ par année, là, ça m’inquiète. On le voit déjà avec les grosses minières un peu partout en Abitibi, où la population n’est plus tout à fait d’accord. La mine Noranda, ça fait longtemps qu’elle est là et elle est difficile à déplacer
, souligne Francis Bisson, un résident de Roquemaure.
Si des forages ont été réalisés dans les règles de l’art sur ses terres l’été dernier, Yvan McFadden, un producteur maraîcher de Roquemaure, émet aussi des craintes face à un potentiel développement minier.
On est proches du lac Abitibi, on a le marais Antoine. Roquemaure est une communauté nourricière. On a beaucoup de jardins, de producteurs de légumes, et les poussières, c’est quelque chose qui me concerne parce que toute mine fait des poussières
, exprime-t-il.
Source potentielle de tensions
Antoine Gadoury, un producteur agricole de Gallichan, refuse que des travaux d’exploration aient lieu sur ses terres. Le développement minier menace selon lui la quiétude des citoyens du secteur et les terres agricoles de qualité qu’on y retrouve. La propriété est d’ailleurs presque entièrement zonée agricole. Il croit que la population devrait pouvoir se prononcer clairement avant que le projet puisse aller plus loin.
J’ai l’impression qu’on se magasine une chicane paroissiale et vaut mieux la prévenir en amont qu’en aval. C’est maintenant qu’il faut dire c’est quoi, notre position, en tant que village, en tant que citoyen. Dans 10 ou 20 ans, il y a du monde qui va avoir des intérêts parce qu’ils vont développer des liens avec Kenorland, et ça va éclater en chicane. C’est le temps de se parler avant qu’il n’y ait des clans qui se forment
, plaide M. Gadoury.