Le milieu de l’entraînement physique en quête d’inclusion

Le président d’Éconofitness, Renaud Beaudry, estime que les situations de harcèlement dans les 67 gymnases administrés par l'entreprise demeurent rares. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Jean-François Fortier
Entre harcèlement et commentaires déplacés, plusieurs femmes et personnes membres de la communauté LGBTQ+ jugent les salles de sport peu sécuritaires et peu accueillantes. Sensible à ce problème, l’industrie de l'entraînement physique tente peu à peu d’offrir des environnements sportifs plus inclusifs.
Mathieu* est un homme trans de 25 ans et s'entraîne régulièrement dans un centre d'entraînement physique. Je suis né femme, mais je m’en vais vers le sexe masculin. Biologiquement, je suis encore femme. Je n’ai pas commencé la testostérone, j’ai juste les cheveux courts
, explique-t-il.
Comme il n’a pas encore amorcé un processus d’hormonothérapie, Mathieu préfère, pour l'instant, continuer à utiliser les vestiaires pour femmes. Quand je vais me changer, je me fais dire que je ne suis pas dans le bon vestiaire. Ça me crée un malaise, parce que j’ai l’impression de déranger les femmes
, témoigne-t-il.
Au-delà de l'anxiété liée aux vestiaires, Mathieu dit sentir fréquemment des regards inquisiteurs se poser sur lui. Quand je m’entraîne, j’entends des gens murmurer : "C’est un gars ou c’est une fille?"
raconte le jeune homme.
Devant de telles situations, Mathieu a songé à abandonner ses visites en centre sportif. Je ne me sentais pas à ma place. Par la suite, je me suis dit que ce n'est pas parce que je suis LGBT que je dois me mettre à part. J’ai recommencé à m’entraîner et j’assume qui je suis
, dit-il.
Un premier gymnase inclusif à Montréal
Mathieu n’est pas le seul à dénoncer le climat anxiogène et peu inclusif qui règne dans certaines salles de sport au Québec. Heidi Rubin, entraîneuse queer, a plus de 25 ans d’expérience dans l’industrie de l’entraînement physique. Au cours de sa carrière, elle a travaillé dans plusieurs établissements de ce genre, où elle ne se sentait pas à l’aise d’exprimer librement son identité.
Pour pallier ce qu’elle décrit comme un manque d’inclusion et de diversité dans le milieu, Heidi Rubin a voulu réinventer le gymnase traditionnel. C’est ainsi qu’est né en février 2022 Mouvement Infinity, le seul centre de sport queer de Montréal.
Situé dans le quartier Verdun, le studio à l’approche antioppressive
permet d’offrir aux femmes et aux personnes LGBTQ + un endroit sécuritaire où s'entraîner, estime Heidi Rubin. Si le gymnase a été d’abord et avant tout conçu pour répondre aux besoins d'une clientèle queer, n’importe qui peut le fréquenter. Peu importe son genre, son orientation sexuelle ou son niveau de forme physique, tout le monde est bienvenu dans son établissement, insiste la propriétaire.
Depuis plus d’un an, la clientèle est au rendez-vous. Pour un gym qui a ouvert ses portes en temps de pandémie, les affaires vont particulièrement bien
, se réjouit Heidi Rubin.
Selon elle, la majorité des clients qui fréquentent le studio Mouvement Infinity ont subi de mauvaises expériences dans les salles de sport standards, y compris des commentaires homophobes, misogynes, grossophobes, racistes
.
« Dans les autres gyms, ils n’ont jamais vu personne qui leur ressemble. »
Si Heidi Rubin travaille exclusivement aux côtés d'entraîneurs queers, elle dit avoir eu des difficultés à recruter les membres de son équipe. Les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre sont encore rares dans le milieu, déplore-t-elle.
Les gymnases sensibles au harcèlement
Le président d’Éconofitness, Renaud Beaudry, estime que les situations de harcèlement dans les 67 gymnases de l'entreprise demeurent rares. Comptant plus de 280 000 membres, Éconofitness est le plus grand réseau de centres d'entraînement libre-service au Québec.
M. Beaudry assure que l’ensemble des employés d’Éconofitness – que ce soit les commis, les gérants ou les membres de la direction – reçoivent une formation dès leur embauche sur l’intimidation ainsi que sur le harcèlement sexuel et psychologique.
Les cas de plainte pour harcèlement sont traités par les gérants de succursales, de pair avec un membre de la direction, précise-t-il. Si l'enquête reconnaît qu’il y a eu bel et bien eu une situation de harcèlement, il y a deux sanctions possibles : soit un avertissement, soit une résiliation de l'abonnement
.
C’est sûr qu’il y a beaucoup de sensibilisation à faire sur ce qu’est le harcèlement sexuel et sur comment on doit réagir. L'intimidation et le harcèlement sont des sujets qui sont vraiment d'actualité
, reconnaît Renaud Beaudry.
Des espaces sécuritaires?
Au cours des dernières années, Éconofitness s'est vu critiqué pour la fermeture de trois de ses succursales montréalaises qui étaient réservées à une clientèle féminine. Deux d’entre elles ont été converties en salles de sport mixtes, et l’une a fermé ses portes pour de bon.
À Montréal, il existe encore deux gymnases pour femmes sous l'enseigne Éconofitness qui ont assez de membres pour continuer à opérer
, rappelle Renaud Beaudry.
Le président affirme aussi que son entreprise est sensible à la réalité des personnes trans et non binaires, pour qui les toilettes et les vestiaires peuvent être une source d'inconfort. On est en train de travailler sur un nouveau concept de vestiaires individuels, complètement non genrés
qui seront implantés dans les nouvelles succursales d’ici la fin 2023, précise M. Beaudry.
Au-delà des efforts d'inclusion des salles de sport comme celles d'Éconofitness, l'entraîneuse Heidi Rubin croit qu'il y a un besoin criant d’ouvrir davantage de gymnases queers dans la métropole. Elle espère que d'autres entrepreneurs suivront son exemple, car son établissement à lui seul ne peut répondre à la demande de l'ensemble de la communauté LGBTQ
+ montréalaise.* Prénom fictif afin de préserver l'anonymat de cette personne