Santé à l’Î.-P.-É. : « On a un peu perdu espoir de trouver un médecin de famille »
L'accès à un médecin de famille est un enjeu de taille à l'Île-du-Prince-Édouard : 28 000 personnes sont sur la liste d'attente de la province.

Éric Gallant et sa famille n'ont pas de médecin de famille.
Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau
Éric Gallant a quitté Montréal il y a trois ans pour s'installer avec sa femme et ses enfants près de sa famille acadienne à Saint-Chrysostome à l'Île-du-Prince-Édouard.
La campagne près de la plage est un environnement idéal pour élever ses filles dit-il. Mais il n'a toujours pas trouvé de médecin de famille.
« On ne s'attendait pas à trois ans. Ils nous ont dit qu'il y aurait un délai. On s'est dit peut-être un an. Peut-être deux ans. Mais là, on a un peu perdu espoir. »
Sans médecin de famille et avec des enfants en bas âge, dont des jumelles de 18 mois, Éric et sa femme Julie Delmaire doivent souvent se tourner vers l'hôpital.
Nous, ça fait trois ans maintenant qu'on attend pour un docteur de famille. Ce serait vraiment le fun à la place d'attendre 8 heures à l'urgence avec des bébés pis avec Ariel qui a trois ans. C'est pas évident
, explique Julie Delmaire.
Plusieurs départs de médecins
L'Île-du-Prince-Édouard a perdu plusieurs médecins depuis moins d'un an. Huit médecins ont annoncé leur départ, dont deux spécialistes en médecine interne qui viennent de démissionner du Prince County Hospital à Summerside. C'est l'hôpital le plus près de la région Évangéline, là où demeurent Éric et Julie.
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« Ben c'est inquiétant pour l'avenir parce que là on se demande si on va finir par en avoir un parce qu'il y en a tellement qui partent. Y'en as-tu qui vont revenir? »
28 000 personnes sur la liste d'attente
Les chefs politiques promettent à tour de rôle d'embaucher de nouveaux médecins de famille. Chacun y va de sa stratégie pour réduire et même éliminer la longue liste d'attente qui compte plus de 28 000 personnes.
Lundi, au bureau de vote par anticipation à Wellington, des électeurs étaient perplexes.
Le système est cassé
, soutient Marcelle Desroches qui n'a pas de médecin de famille. J'aimerais voir ça changer. J'aimerais voir un médecin ici qu'on peut voir en personne.
Le directeur du Conseil scolaire-communautaire Évangéline, Nick Arsenault, estime que l'accessibilité à des médecins de famille permet de rassurer les communautés.
« On a besoin d'être rassurés avec un médecin quand des choses ne vont pas bien. On a besoin de ce support-là. C'est un gros morceau pour se sentir bien dans notre communauté »
Père de quatre enfants, Nick Arsenault dit qu'il faudra bien plus que des solutions politiques.
C'est pas évident que ce soit juste un parti qui vienne tout arranger. Je pense ça va prendre une volonté de tous les partis. C'est un problème de notre communauté. On a besoin de régler ça ensemble avec tous les joueurs, les membres de la communauté, les acteurs au niveau de la santé et puis évidemment au niveau politique. Ça va prendre un grand effort, mais un effort collaboratif entre tous les secteurs clefs,
selon Nick Arsenault.
Demande pour des services de santé en français
Marie Paule Elomo demeure à Wellington depuis une dizaine d'années avec ses trois enfants. Elle se considère chanceuse d'avoir trouvé un médecin de famille bilingue. Sa plus grande inquiétude est de tomber sur des travailleurs de la santé qui ne comprennent pas le français à l'hôpital. Elle s'exprime difficilement en anglais.
« C'est ça qui fait peur. Si je n'ai pas ce temps d'aller chercher le mot que je veux, comment je vais pouvoir aider mon enfant qui est malade. C'est ça la peur. C'est ça l'inquiétude. »
Le service dans sa propre langue c'est encore meilleur parce que tu exprimes ta douleur, tu exprimes ton sentiment
, ajoute-elle.
Mme Elomo est originaire du Cameroun. Elle dit que l'accès à des services en français est un défi pour les immigrants.
Je peux dire que pour la plupart des immigrants ici, c'est difficile
, ajoute-elle.
De leur côté, Éric Gallant et Julie Delmaire n'osent plus attendre pour un médecin bilingue.
On m'avait demandé si je voulais un médecin en français ou en anglais. Pis où je suis rendue, je le prendrai en français ou en anglais. N'importe quoi. Tant que j'en ai un
, soupire Mme Delmaire.