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La réforme de la santé au Québec déçoit les syndicats du réseau

Christian Dubé parle devant un écran bleu.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a présenté sa nouvelle réforme lors d'une conférence de presse mercredi.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Radio-Canada

La réforme du système de santé présentée mercredi par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a été froidement accueillie par les syndicats du milieu, qui dénoncent une plus grande centralisation et un manque d’écoute de la part du gouvernement.

Ça fait des décennies que les gouvernements successifs répètent les mêmes erreurs. Centraliser toujours plus et consulter toujours moins, c'est la recette parfaite pour aggraver la situation, a dit Robert Comeau, président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), un des principaux syndicats dans le domaine de la santé, qui compte 60 000 membres.

À ses yeux, cette énième réforme du réseau de la santé est corrompue par l'absence de consultation des salariés qui, selon lui, connaissent le mieux les problèmes du système et les solutions possibles.

Isabelle Dumaine interviewée par vidéoconférence.

La présidente de la Fédération de la santé du Québec, Isabelle Dumaine

Photo : Radio-Canada

À la Fédération de la santé de la CSQ, on déplore aussi le jeu de structures. On semble encore brasser les structures et jouer dans les organigrammes sans nécessairement s'attaquer aux véritables problèmes de fond, a déclaré la présidente de la FSQ-CSQ, Isabelle Dumaine.

« Le frein à l'amélioration des soins, ce n'est pas le "carcan syndical", mais bien le carcan de mauvaises conditions de travail, qui entraîne l'exode du personnel vers des contrées plus avantageuses. »

— Une citation de  Isabelle Dumaine, présidente de la Fédération de la santé du Québec

« Attitude de confrontation »

La Fédération des médecins spécialistes a aussi dénoncé l'absence d'écoute et « l'attitude de confrontation » du ministre Dubé envers ceux qui travaillent dans le réseau.

Son président, le Dr Vincent Oliva, déplore les informations qui ont circulé quant à l'engagement véritable des médecins spécialistes pour dispenser des soins en région et aux patients.

Il est profondément inacceptable de laisser croire que les médecins spécialistes ne sont plus présents dans les hôpitaux après 16 h. Partout au Québec, ils sont mobilisés pour assurer des gardes 24 heures sur 24 afin de prendre soin de leurs patients. Laisser entendre le contraire montre une grande méconnaissance de notre travail et de notre quotidien, a-t-il affirmé.

Il reproche par ailleurs au ministre de passer outre au processus de négociation des conditions de travail de ses membres.

À la FTQ, la présidente Magali Picard se demande si cette nouvelle réforme va véritablement aider le réseau, les citoyens et les travailleurs.

« On le sait que le réseau ne va pas bien. On est conscients du fait qu'on a besoin d'avoir des réaménagements, qu'on a besoin de travailler différemment. On en est conscients. Mais pourquoi ne pas venir [voir] d'avance avant d'amener des projets tellement importants qui vont changer la vie de milliers de personnes? »

— Une citation de  Magali Picard, présidente de la FTQ

Elle cite l'exemple du rattachement de l'ancienneté à l'ensemble du Québec plutôt qu'à un CISSS ou à un CIUSSS.

C'est probablement applicable d'apporter des modifications à l'ancienneté. Toutefois, ce n'est pas ça, la raison pour laquelle le réseau ne va pas bien. Ça ne changera rien. Je trouve extrêmement dommage et même insultant de dire que là, on a des gens qualifiés mais que, comme on doit prendre les plus anciens, le réseau va mal, ajoute Mme Picard.

Magali Picard, émue, parle au micro.

Magali Picard, présidente de la FTQ

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

« On déshumanise le système »

La présidente de la plus grande centrale syndicale trouve aussi que la réforme Dubé concentre la gestion entre les mains de la nouvelle agence Santé Québec et centralise la négociation des conventions collectives en réduisant le nombre de tables, alors que le ministre dit vouloir décentraliser.

Elle estime qu'en agissant ainsi, on perd la couleur des régions, on déshumanise le système.

Même son de cloche du côté de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), qui représente la grande majorité des infirmières et des infirmières auxiliaires. « Ce n'est pas l'ancienneté [dans l'ensemble du] réseau qui va faire en sorte que la population du Québec va avoir l'entièreté des soins qu'elle a le droit d'avoir », a lancé la présidente de la FIQ, Julie Bouchard.

De son côté, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), qui représente 33 300 spécialistes, dont environ 3290 en santé, se dit inquiet pour l’avenir du système de santé.

Selon Guillaume Bouvrette, président du SPGQ, M. Dubé n'a pas montré en quoi la scission de son ministère allait rendre le réseau plus efficace.  Avec cet autre exemple de démantèlement de l'État, nous allons surtout assister à la déresponsabilisation du ministre et à une réduction de son [obligation de rendre des comptes], a-t-il dit dans un communiqué.

« Le ministre aime diaboliser les syndicats et les rendre responsables de tous les maux du système, mais le principal problème a toujours été les conditions de travail. Ce sont elles qui poussent tant de gens à partir, ce qui nuit à l'offre de service. »

— Une citation de  Guillaume Bouvrette, président du SPGQ

Un « rendez-vous manqué »

La Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) évoque de son côté un rendez-vous manqué. Tout en se disant consciente des changements nécessaires pour améliorer l’accès aux médecins, la FMRQ appelle le gouvernement à ne pas régler ces enjeux sur le dos de la relève médicale.

Le gouvernement ne peut espérer régler tous les problèmes du réseau en imposant d’avance des limites futures de pratique, incluant des clauses pénales, en échange de postes de résidence pour certains futurs médecins spécialistes, a dit Jessica Ruel-Laliberté, la présidente de la Fédération.

En plus de représenter des pratiques discriminatoires visant les jeunes en médecine, cela constituerait une double illégalité puisque cela reviendrait, dans les faits, à contourner les obligations de négocier les conditions de travail des médecins spécialistes avec les organisations les représentant.

Un homme parle devant un mur gris.

Luc Mathieu est le président de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).

Photo : Radio-Canada

Parmi les rares voix discordantes dans le milieu, notons celle de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), qui « salue » la réforme, « particulièrement les clauses portant sur la gouvernance clinique ». « L’OIIQ appuie pleinement l’ambition du gouvernement d’améliorer l’efficacité du réseau et l’accès à la première ligne de soins. L’OIIQ est également convaincu que, pour y arriver, la concertation du réseau de la santé et des quelque 73 000 infirmières et infirmiers qui y œuvrent est essentielle », a dit Luc Mathieu, président de l'Ordre.

Pour leur part, les gestionnaires ont hâte de voir comment la réforme sera appliquée dans le quotidien et s'ils seront consultés eux aussi.

Malgré une certaine centralisation, il est important qu'on tienne compte des différences des établissements dans les façons de faire. Sinon, ça ne peut pas fonctionner. Il faut s'assurer de tenir compte des particularités des établissements, a réagi Danielle Girard, PDG de l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux.

Elle s'est par ailleurs réjouie de l'embauche d'un plus grand nombre de gestionnaires dans le réseau. Le ministre veut ramener des gestionnaires qui avaient été remerciés. Avoir plus de gestionnaires, on salue ça aussi, ajoute-t-elle.

Le « courage politique » de M. Dubé

Hors du réseau, l’Institut économique de Montréal (IEDM) abonde dans le même sens que les syndicats du milieu de la santé en critiquant la centralisation qui vient avec la réforme.

Si les infirmières quittent les établissements gouvernementaux pour aller travailler en agence, c’est parce que le gouvernement, comme employeur, les décourage, a réagi Emmanuelle Faubert, économiste à l’IEDM. Les ramener essentiellement chez l’employeur qu’elles fuyaient risque de faire en sorte que plus d’infirmières encore quittent la profession.

La centralisation, c’est penser qu’un fonctionnaire dans une tour à Québec connaît mieux la réalité de la Côte-Nord que les gens qui sont sur le terrain à Baie-Comeau, a-t-il encore expliqué. Les systèmes de santé qui fonctionnent le mieux sont ceux qui, comme en Suède, reconnaissent que les gens sur le terrain sont plus au fait des problèmes locaux.

Charles Milliard au micro de l'émission « C'est encore mieux l'après-midi ».

Le président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), Charles Milliard

Photo : Radio-Canada / Anne-Sophie Roy

Autre voix discordante, celle de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), qui a salué le courage politique de M. Dubé. Selon son PDG, Charles Milliard, l'accent mis sur la mobilité de la main-d'œuvre et sur l'innovation doit mener à des changements concrets pour améliorer les soins offerts aux patients québécois.

Notre système de santé aura toujours plusieurs pas de retard en matière d'innovation et d'efficacité tant que la règle du plus bas soumissionnaire continuera d'y régner, a-t-il ajouté dans un communiqué. La transition vers une agence nationale unique et autonome supervisant les opérations de tout le réseau est l'occasion parfaite pour faire une transition vers un système d'approvisionnement fondé sur la valeur plutôt que sur les coûts.

Avec les informations de La Presse canadienne

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