Le Bureau de la sécurité privée veut plus de pouvoirs
L’organisme dit avoir, malgré tout, les moyens d’agir dans le dossier de l'agence Neptune.

Le directeur général du Bureau de la sécurité privée, Claude Paul-Hus
Photo : Radio-Canada / Gaétan Pouliot
Le Bureau de la sécurité privée (BSP), l’organisme qui a pour mission de protéger le public dans ce domaine au Québec, souhaite moderniser son arsenal afin d’intervenir plus efficacement dans des cas comme celui de l’agence de sécurité Neptune, dont Enquête a révélé les deux identités du dirigeant.
Le Bureau de la sécurité privée s’apprête à soumettre des demandes de modifications à la Loi sur la sécurité privée et à ses règlements pour être mieux outillé pour intervenir dans ce genre de situation
, a dit le directeur général du BSP , Claude Paul-Hus, dans un communiqué.
En entrevue, M. Paul-Hus admet qu’il y a actuellement des lacunes
dans la loi qui peuvent freiner l’action du BSP dans certaines situations. Notre loi n'a pas été révisée depuis 10 ans
, dit-il, en soulignant que le gouvernement du Québec a manifesté une très grande ouverture
pour ce chantier.
Pour protéger le public, le BSP
effectue diverses vérifications avec l’aide de la Sûreté du Québec (SQ) auprès des compagnies qui souhaitent opérer une agence de sécurité privée. Si les vérifications sont concluantes, l’entreprise obtient son permis.Cet encadrement de l’industrie a pour but [d’]apporter la tranquillité d’esprit et la confiance envers les intervenants en sécurité privée
, indique le site web de l’organisme.
Mais la semaine dernière, l'émission Enquête révélait que le grand patron de l’agence de sécurité Neptune, un homme qui dit s’appeler Robert Butler, utilise deux identités dans le cours de ses affaires.
Dans la foulée de ces révélations, l’Association provinciale des agences de sécurité (APAS) remet en question le travail du Bureau de la sécurité privée, signale Me Conrad Lord, conseiller juridique et porte-parole du regroupement qui représente les intérêts de l'industrie.
« [L’Association] est grandement préoccupée par ce qu’a révélé le reportage journalistique de l’émission Enquête et se questionne sur l’efficacité des mesures de contrôle des autorités, notamment en ce qui a trait au BSP. »
Dépoussiérer la Loi sur la sécurité privée permettrait notamment au BSP
d’élargir ses vérifications aux personnes qui jouent des rôles clés dans les compagnies de sécurité.Il y a une réflexion par rapport à qui pourrait être vérifié
, avance M. Paul-Hus, qui souhaite s’inspirer des lois plus récentes pour donner plus de muscles aux actions de son organisme.
En ce moment, seuls les propriétaires, les administrateurs et les principaux associés font l’objet de vérifications du BSP
. Certains dirigeants en sont donc exonérés.Le BSP
agira dans le dossier NeptuneLundi, l’Autorité des marchés publics a banni Neptune des contrats publics au Québec.
Malgré cela, la compagnie a encore le droit d’opérer une agence de sécurité et d’offrir ses services.
Neptune a un permis du Bureau de la sécurité privée depuis 2012, bien qu’elle ait fait l’objet de plusieurs vérifications au fil des ans. Jusqu’à date, l’entreprise a satisfait aux exigences
, disait M. Paul-Hus vendredi dernier.
Le directeur général du BSPOn va agir très rapidement [...] Nos enquêteurs et les avocats sont là-dedans
, dit-il, en précisant ne pas avoir besoin de nouveaux pouvoirs pour intervenir dans ce dossier.
Radio-Canada a appris qu’une plainte contre Neptune a été déposée dès 2020 auprès du Bureau de la sécurité privée. Il y était notamment question du dirigeant Robert Butler et de l’utilisation de compagnies à numéro. Cette plainte n'a pas eu de suite.
L’enquête en cours a été déclenchée il y a plusieurs mois, indique cependant M. Paul-Hus.
« Dès qu’on a eu connaissance d’une problématique de l’ampleur de ce que [l’émission Enquête a] diffusé, on a déclenché une enquête. On est sorti du Québec, [...] on a collaboré avec d’autres organisations. »
J'aime mieux vivre dans une société où la règle de droit prévaut. Des fois, ça prend un peu de temps, mais je pense que c’est mieux ça que des cowboys
, explique M. Paul-Hus, qui défend le travail de son organisation dans l'affaire Neptune, un dossier complexe
.
C'est assez spécial comme cas. Cette entreprise existe à la grandeur du pays. Les autorités réglementaires dans toutes les autres provinces n’ont rien vu non plus
, rappelle-t-il.
Depuis 10 ans, Neptune a décroché des contrats publics dans plusieurs provinces ainsi qu’avec le gouvernement fédéral.
Robert Butler affirmait d’ailleurs à un collaborateur d’Enquête muni d’une caméra cachée avoir des contrats avec la Défense nationale et des autorisations top secrètes
du gouvernement fédéral.
Selon le directeur général du BSPÇa ce peut qu'il y ait quelqu'un qui tire les ficelles. Mais tu prouves ça comment en cour? C'est très difficile
, dit-il.
La compagnie à numéro de maman
Les compagnies à numéro utilisées par Neptune sont aussi dans le viseur du Bureau de la sécurité privée. Au fil des ans, l’agence de sécurité a sous-traité ses contrats à cinq compagnies de ce type.
Je n’ai jamais eu de sociétés à numéro
, disait Robert Butler dans un entretien téléphonique avec Enquête. Ça n'a rien à voir avec nous.
La plus récente compagnie à numéro, encore aujourd’hui utilisée par Neptune, appartient sur papier à une certaine Najat Raïssouni. Or, il s’agit de la mère de Robert Butler. Ça appartient à ma mère et je vais [la] diriger
, avait-il fini par avouer.
Cette compagnie, 13994929 Canada inc. dont le siège social est une boîte postale à Mississauga, en Ontario, a toujours un permis du Bureau de la sécurité privée.
Interdiction de parler aux journalistes
Dans une note interne de Neptune obtenue par Enquête, l’agence de sécurité somme ses employés de ne plus parler avec des journalistes. La compagnie qualifie d’ailleurs les informations diffusées par Radio-Canada de faussetés
.
En tant qu’employés, nous vous rappelons que vous êtes tenu à une obligation de confidentialité qui vous interdit de parler de l'entreprise ou de ses clients à toute personne extérieure à Neptune
, dit la note signée par Helen Graham.
Mme Graham est officiellement la directrice générale de Neptune. Selon plusieurs sources confidentielles, elle est aussi la conjointe de Robert Butler, le grand patron aux deux identités. Vous êtes en train d’entrer dans la vie privée du monde
, avait répondu M. Butler, questionné à ce propos.
Selon nos sources, ce dernier a imité la signature de Mme Graham dans des documents officiels de Neptune, ce que nie M. Butler.
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