Langues officielles au N.-B. : Blaine Higgs veut abolir l’obligation de réviser la loi

Le premier ministre Blaine Higgs veut abolir l'obligation de réviser la Loi sur les langues officielles tous les 10 ans.
Photo : Radio-Canada / Michel Corriveau
Le projet de loi sur les langues officielles de Blaine Higgs présenté mercredi prévoit une mesure qui annule l’obligation de réviser la Loi sur les langues officielles tous les 10 ans. Pour l'opposition, il s'agit d'un recul.
Le premier ministre du Nouveau-Brunswick a également rendu officiel le Secrétariat aux langues officielles qui regroupe des employés du gouvernement qui travaillaient déjà sur les langues officielles. Leur équipe de travail portera donc, dès le mois d’avril, un nouveau nom.
Cette révision chaque 10 ans entraîne, par exemple, la nomination de commissaires ou d'un comité parlementaire, et la tenue de consultations publiques. Des recommandations sont ensuite formulées au gouvernement, question d’avancer vers une égalité réelle des deux langues officielles au Nouveau-Brunswick.
Blaine Higgs ne voit aucun problème à annuler cette obligation de consultation aux 10 ans. C'est un programme continu, donc il ne faut pas attendre 10 ans pour la prochaine [consultation]
. Selon lui, la révision se fera, entre autres, grâce au secrétariat, qui pourra proposer des changements au gouvernement.
Selon le premier ministre, les francophones ne devraient pas y voir un recul. Je ne pense pas qu'ils devraient voir un recul.
La commissaire aux langues officielles est déçue
La commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Shirley MacLean, n'a pas caché sa déception face au projet de loi déposé par Blaine Higgs à l'Assemblée législative.
« Je suis déçue de voir que la révision de 10 ans a été abolie. »
Selon la loi actuelle, chaque 10 ans le gouvernement doit déterminer quel processus sera utilisé pour mener à bien la révision de la Loi sur les langues officielles, qu'il s'agisse d'un comité parlementaire ou de commissaires indépendants. Ces gens-là ont eu les soumissions de tous les Néo-Brunswickois et les groupes d'intérêt, chaque citoyen et citoyenne du Nouveau-Brunswick aurait l'occasion de faire des soumissions, et ils l'ont fait. Sans ça, est-ce qu'on va juste avoir, lorsqu'il y aura une autre révision, est-ce que ce sera une révision où les sujets qui intéressent seulement le gouvernement ou les Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises?
C'est sûr que nous on va continuer à faire des recommandations dans notre rapport annuel, mais est-ce qu'il y aura un suivi?
, s'interroge-t-elle.
« En enlevant cette partie-là de la loi, cet article-là, c'est un recul, complètement. »
L'abolition de la révision obligatoire risque, selon la commissaire, d'avoir des effets négatifs. Pour moi, ça va être un manque de progression vers l'égalité des deux langues, les deux communautés linguistiques
, craint-elle.
Un projet de loi très mal accueilli par l’opposition
Tant les libéraux que les verts ont tout de suite dénoncé l’abolition de l’obligation de réviser la loi tous les dix ans.
« C’est un recul, point à la ligne, c’est même pas le statut quo. »
Le député libéral de Kent-Sud, Benoît Bourque, appuie la création du secrétariat, mais estime que le gouvernement fait fausse route en abolissant l’obligation de consulter.
C’est porter atteinte aux droits de la minorité francophone, c’est le loup qui dit aux gens, je peux m’occuper de la bergerie sans imputabilité
, déplore-t-il.
Benoît Bourque ne comprend pas pourquoi le gouvernement a pris cette décision. Ce mécanisme-là est fondamental pour protéger davantage la minorité francophone.
Le député vert de Kent-Nord, Kevin Arseneau, croit que les améliorations à la Loi sur les langues officielles seront plus difficiles.
Ce que le processus de révision de 10 ans assurait, c’était une discussion sociale à propos de l’égalité réelle [...], quand on enlève une révision obligatoire, ça veut dire plus de révision du tout.
Le député Kevin Arseneau déplore aussi le silence, dans le projet de loi, sur plusieurs questions de première importance. Il y a beaucoup de choses qui manquent. Il n’y a aucun avancement, on ne parle pas de dualité en petite enfance, on ne parle pas de services en français dans les foyers de soins, on ne parle pas de la langue de travail des fonctionnaires.
« Le flou artistique le plus complet »
Du côté de la communauté francophone, c'est là aussi la déception qui prédomine. Pour le juriste acadien expert en droit linguistique Michel Doucet, le secrétariat aux langues officielles aurait du être proche du premier ministre, ce qui n'est pas le cas.
C'est très nébuleux quant à savoir quel sera le rôle de ce comité là quand va t-il proposer les modifications? Ça on ne sait pas. [...] Ces fonctionnaires [qui travailleront au sein du secrétariat] pourront faire des recommandations mais ces recommandations peuvent demeurer sur les tablettes et mourir là
, estime Michel Doucet.
« Rien dans ce projet de loi qui répond aux demandes pour une bonification de la loi sur les langues officielles, c’est loin d’être une bonification on demeure encore dans le flou artistique le plus complet. »
Le président de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Alexandre Cédric Doucet déplore également ce secrétariat qui n'aura aucune force de s’assurer que les ministères suivent la loi et malheureusement ça va faire en sorte qu'on verra pas une mise en œuvre de la loi efficace dans la province
.
Un projet de loi qui sera contesté
Le premier ministre Blaine Higgs a laissé entendre qu’il espérait une adoption rapide de son projet de loi. Lors des révisions précédentes, sous des gouvernements progressistes-conservateurs, les révisions de la Loi sur les langues officielles ont été adoptées à l’unanimité à l’Assemblée législative.
De toute évidence, si le premier ministre maintient son intention d’abolir la révision obligatoire, les partis d’opposition voteront contre le projet de loi.
Si le projet de loi reste dans cette forme-là, je peux vous garantir qu’il ne sera pas unanime
, assure Kevin Arseneau.
Avec les informations d'Alix Villeneuve et Frederic Cammarano