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Danielle Smith a promis à Artur Pawlowski de tenter de faire abandonner ses accusations

Durant une discussion, la première ministre albertaine a affirmé parler « presque chaque semaine » de ces accusations liées à la pandémie de COVID-19 avec les hauts dirigeants du ministère de la Justice.

Danielle Smith parle à un podium devant des drapeaux albertains.

Danielle Smith fait face à des allégations de tentative d'ingérence dans le système de la justice.

Photo : La Presse canadienne / Jeff McIntosh

Radio-Canada

La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a promis au controversé pasteur Artur Pawlowski de discuter de ses accusations liées à la pandémie avec les responsables du ministère de la Justice, dans l’espoir de les faire abandonner. C’est ce que révèle l'enregistrement d’un appel téléphonique obtenu et vérifié par CBC/Radio-Canada.

La discussion a eu lieu au début du mois de janvier, quelques semaines avant le début du procès d’Artur Pawlowski à Lethbridge, le 2 février. Celui-ci fait face à deux accusations pour méfait et une autre en vertu de la Loi sur la défense des infrastructures critiques de l’Alberta, en lien avec le barrage du poste frontalier de Coutts. Le juge doit rendre sa décision au début de mai.

Artur Pawlowski, dans un stationnement.

Artur Pawlowski, de Calgary, a été arrêté après avoir prononcé un discours au Smugglers Saloon de Coutts, où des manifestants avaient bloqué de façon intermittente les déplacements vers les États-Unis.

Photo : Facebook/Artur Pawlowski

Au cours de cet appel, la première ministre assure avoir des discussions avec les responsables du ministère de la Justice de façon plus fréquente et spécifique qu’elle ne l’avait admis publiquement.

Durant la course à la chefferie du Parti conservateur uni, en 2022, Danielle Smith a promis d’offrir une amnistie à tous ceux faisant face à des accusations en lien avec la pandémie de COVID-19 et les restrictions sanitaires.

En janvier, CBC/Radio-Canada révélait que la nouvelle première ministre aurait fait pression sur le ministère de la Justice pour faire abandonner ces accusations.

Des discussions presque chaque semaine avec le ministère de la Justice

Dans l’appel, Danielle Smith assure avoir des discussions presque chaque semaine avec les responsables du ministère de la Justice, mais elle affirme que les règles ne lui permettent de poser des questions que sur deux aspects : les perspectives raisonnables de condamnation et l’intérêt public de ces accusations.

CBC/Radio-Canada n’a pas documenté de contact direct entre la première ministre et le ministère à la suite de cet appel.

Le gouvernement albertain a précédemment indiqué que la première ministre a demandé et obtenu des breffages du ministre de la Justice sur ces accusations liées à la pandémie, après avoir pris le pouvoir.

Durant l'appel, Danielle Smith a promis à Artur Pawlowski qu’elle plaiderait encore pour lui à l’interne. Peux-tu laisser ce cas entre mes mains et je ferai cette requête encore une fois?, lui demande-t-elle.

« Je suis très favorable [à ta cause]. C’est une décision politique qui a mis cela en branle, mais une décision politique ne peut pas y mettre fin. C’est ce que je trouve très frustrant. »

— Une citation de  La première ministre albertaine Danielle Smith au pasteur Artur Pawlowski

Elle ajoute durant l'appel téléphonique avoir parlé au sous-ministre de la Justice et lui a laissé savoir [son] insatisfaction concernant les tactiques des procureurs de la Couronne dans les dossiers d’accusations liées à la COVID-19.

Spécifiquement, elle mentionne qu’elle protestera contre l’ampleur et le moment de la divulgation des documents par les procureurs.

Pas d'amnistie possible, reconnaît Smith

Danielle Smith ajoute, durant l'appel, avoir reçu un avis légal de son ministre de la Justice, Tyler Shandro, à l'effet qu'elle ne peut offrir l'amnistie qu’elle a précédemment promise aux personnes accusées pour des violations des restrictions sanitaires. Conséquemment, elle n’a pas d’influence sur les accusations ni leur développement devant les tribunaux.

Il est malheureux que je n'aie pas compris les limites [de notre système de justice], admet-elle durant l’appel. Je croyais que nous avions le même pouvoir de clémence qu’aux États-Unis.

Elle affirme que son ministre l’a conseillée peu de temps après son entrée en poste, des mois avant l’appel avec Artur Pawlowski.

Les frères Pawlowski qui se font arrêter par des policiers.

Les frères Pawlowski lors de leur arrestation, le 8 mai 2022. Ils ont déjà été reconnus coupables d'outrage pour avoir fait fi des restrictions de santé publique pendant des mois en organisant des rassemblements religieux à l'intérieur sans masque.

Photo : Artur Pawlowski TV/YouTube

Danielle Smith a continuellement nié que son bureau et elle ont agi de manière inappropriée en lien avec les poursuites liées à la COVID-19.

J’ai toujours dit que mes contacts avec le ministère [de la Justice] ont été appropriés, a-t-elle affirmé devant les médias le 9 février.

La première ministre s’est défendue de nouveau par voie de communiqué mercredi.

Comme je l’ai affirmé précédemment, mon personnel a travaillé avec le ministère de la Justice pour déterminer si quoi que ce soit pouvait être fait pour accorder une amnistie à ceux faisant face à des accusations [pour des actes de nature] non violente [et] qui n’impliquaient pas d’armes à feu liés à la COVID-19, écrit-elle.

Comme je l’ai aussi indiqué dans de multiples entrevues, j’ai reçu un avis légal du ministère de la Justice, qui recommandait de ne pas tenter d’offrir d'amnistie, puisque plusieurs cas liés étaient devant les tribunaux. J’ai suivi cet avis, ajoute-t-elle.

Artur Pawlowski a refusé notre demande d’entrevue. Son avocate a également affirmé ne pas avoir de commentaire à formuler lorsqu'elle a été questionnée sur l'effet possible de cette révélation sur le procès.

CBC/Radio-Canada a obtenu cet enregistrement indépendamment du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Alberta, qui l’a aussi présenté lors d’une conférence de presse mercredi matin.

EN ANGLAIS | Enregistrement obtenu et vérifié par CBC/Radio-Canada d'une discussion téléphonique de la première ministre Danielle Smith avec le pasteur Artur Pawlowski qui a eu lieu au début du mois de janvier.

Le porte-parole du NPD en matière de Justice, Irfan Sabir, appelle de nouveau à la tenue d’une enquête indépendante sur cette affaire.

Il qualifie de profondément préoccupant le fait que la première ministre discute avec une personne faisant face à des accusations criminelles et lui promette son aide. C’est du jamais vu, lance-t-il.

Désolée d’entendre ce qu’ils te font vivre

Artur Pawlowski a, à de nombreuses reprises, appelé Danielle Smith à intervenir dans son dossier sur les réseaux sociaux et a affirmé qu’il tente de travailler en coulisses pour obtenir l'abandon des accusations qui pèsent contre lui.

Lors de l’appel, Danielle Smith mentionne qu’elle croit qu’il s’agit de la première fois qu’elle discute avec le pasteur.

J’espérais que certains de ces dossiers soient réglés à ce point-ci. Je suis désolée d’entendre ce qu’ils te font vivre, lui dit la première ministre.

L’hôte et facilitateur présumé de cet appel est Dennis Modry, un féroce critique des mesures sanitaires et chef du groupe séparatiste Alberta Prosperity Project. Il a récemment contemplé l’idée de se présenter en politique sous la bannière conservatrice unie, mais ne l’a finalement pas fait.

L’automne dernier, Artur Pawlowski a été choisi comme chef du Parti pour l’indépendance de l’Alberta, mais le parti a annoncé la semaine dernière l’avoir éjecté de ce poste. Durant cet appel, Danielle Smith conversait donc notamment avec le chef d’un parti conservateur rival.

Je ne crois pas avoir d’autre choix que de me tourner vers toi en raison des promesses qui n’ont jamais été remplies, affirme Artur Pawlowski durant l’appel.

Rob Anderson impliqué

Durant la discussion de 11 minutes, Danielle Smith affirme plusieurs fois qu’elle tentera encore une fois de voir ce qu’elle peut faire à propos de la situation d’Artur Pawlowski, promettant de lui reparler la semaine suivante, après le retour de vacances d’un de ses proches conseillers.

Danielle Smith répète que le directeur général de son bureau, Rob Anderson, est celui qui s’occupe de ce dossier pour elle.

Les quatre politiciens se tiennent la main en souriant à la caméra.

Rob Anderson (deuxième à partir de la gauche) est un allié de longue date de Danielle Smith (à gauche) qui a fait défection vers son parti, le Parti Wildrose de l'Alberta, en 2010.

Photo : La Presse canadienne / Jeff McIntosh

Rob Anderson a fait une grande partie de mon travail avec le ministère de la Justice en ce sens, dit-elle.

Dans une déclaration, Rob Anderson qualifie la publication de ces informations de CBC/Radio-Canada d’attaques diffamatoires dégoûtantes.

Mon rôle dans ce dossier était de demander un avis légal au ministère de la Justice sur les options disponibles pour offrir une amnistie à ceux faisant face à des accusations non violentes, n’impliquant pas des armes à feu, en lien avec la COVID-19, affirme Rob Anderson dans une déclaration, mercredi.

J’ai obtenu un avis légal du ministère de la Justice et je l’ai fourni à la première ministre, comme demandé.

Danielle Smith voit un parallèle avec le scandale SNC-Lavalin

Durant l’appel, Danielle Smith affirme qu’elle est consciente des parallèles qui pourraient être dressés avec le scandale SNC-Lavalin, qui a terni le premier mandat du premier ministre canadien Justin Trudeau en 2018.

C’est comme ça que le premier ministre [Trudeau] s’est mis dans l’embarras, parce qu’il posait les mêmes questions que moi, dit-elle à Artur Pawlowski.

Au terme d’une enquête, le commissaire à l’éthique fédéral a conclu que Justin Trudeau avait directement et à travers des employés seniors, utilisé plusieurs moyens d’influencer sa ministre de la Justice de l'époque, Jody Wilson-Raybould, pour résoudre une poursuite pour corruption et fraude qui pesait contre le géant québécois de l’ingénierie SNC-Lavalin.

Jody Wilson-Raybould, assise, l'air sérieux, lors de la séance du comité de la Justice.

Jody Wilson-Raybould a témoigné des pressions qu'elle a subies devant le comité parlementaire de la Justice, à Ottawa, en 2019.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Celle-ci a décrit un effort constant et soutenu par de multiples personnes au sein du gouvernement pour tenter d’interférer politiquement dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire des procureurs.

Jody Wilson-Raybould et un proche conseiller de Justin Trudeau ont démissionné en raison de ce scandale d’interférence.

Nous avons ces conventions, dans notre système, donc j’essaie de rester dans les lignes autorisées et poser les questions appropriées, conclut Danielle Smith dans son appel avec Artur Pawlowski.

Avec les informations de Meghan Grant, Jason Markusoff et Elise von Scheel

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