•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

L’endométriose, une maladie méconnue et délaissée

Illustration d'une femme qui ressent une douleur entourée d'éclairs.

L’endométriose est une maladie chronique de l’utérus peu connue et sous-diagnostiquée.

Photo : Radio-Canada

Sihem Gadi

Deux Nord-Ontariennes dont le quotidien est marqué par des souffrances physiques, mais aussi psychologiques, causées par une maladie chronique de l’utérus encore méconnue, ont accepté de témoigner pendant le mois de sensibilisation à l'endométriose, qui a lieu en mars depuis 2021.

L’endométriose touche 10 % des femmes et des personnes trans et non binaires ayant des menstruations et qui sont en âge de procréer. Le délai de diagnostic est, en moyenne, au Canada, de cinq ans, mais peut aller jusqu’à 20 ans, selon l’organisme Endométriose Québec.

Les années d'errance médicale avant, le diagnostic, le temps d'attente pour voir les spécialistes, mais aussi le manque de médecins spécialistes dans le Nord de l’Ontario, retardent le diagnostic laissent souvent les femmes livrées à elle-même, et sans réelle prise en charge.

Maimouna Sangaré, une Sudburoise de 41 ans, est atteinte d’une forme grave de la maladie.

Elle a mis 20 ans avant d’avoir un diagnostic final. Depuis ses premières menstruations, elle souffre de douleurs invalidantes, au point de ne pas pouvoir bouger de son lit pendant des jours, confie-t-elle.

Il y a quelques années, Mme Sangaré a dû se faire opérer en France.

« Les cellules de mon utérus ont migré au poumon, le chirurgien a retiré une partie de mon poumon. »

— Une citation de  Maimouna Sangaré, résidente du Grand Sudbury

Ce n’est qu’au bout de sa deuxième visite aux urgences qu’elle a pu obtenir un rendez-vous avec un gynécologue.

Entrée de l'urgence de l'hôpital Horizon Santé-Nord.

Quand l'eau s’accumule dans le ventre de Maimouna Sangaré, elle respire mal, et se voit obligée d’aller aux urgences de l'hôpital Horizon Santé-Nord pour des ponctions sous anesthésie générale où on lui retire jusqu'à 4 litres de liquide. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Yvon Theriault

Le spécialiste qu’elle espère voir se trouve à Toronto, et la liste d’attente pour une consultation est d’environ 1 an.

Elle pointe aussi le manque de communication, d’information et de sensibilisation de la part des professionnels de santé, mais aussi de la société en générale.

« Tout ce qui est lié à la féminité est encore tabou, on normalise les douleurs pendant les règles et on occulte les autres signes de la maladie. »

— Une citation de  Maimouna Sangaré, résidente du Grand Sudbury

Même constat chez Natacha Pilon, cette enseignante de 31 ans qui habite à North Bay.

Après des années de souffrance, des douleurs invalidantes et une panoplie d’examens, le diagnostic tombe au bout de 16 ans.

« Le symptôme prédominant chez moi c’est les nausées et les problèmes gastriques au quotidien, sans parler des douleurs invalidantes pendant mes règles qui m’obligent à rester couchés, plus le temps avance plus la douleur devient intense même en dehors des menstruations. »

— Une citation de  Natacha Pilon, résidente de North Bay

Elle espère voir un spécialiste de la maladie à Toronto dans les mois qui viennent. Elle confie aussi que les listes d’attentes pour une chirurgie sont de 2 ans en moyenne.

Lever le voile sur l’endométriose pour mieux la connaître

En parler est la première étape pour diagnostiquer l'endométriose, selon la Dre Sarah Maheux-Lacroix, gynécologue, clinicienne-chercheuse et professeure adjointe à l’Université Laval.

Les premiers symptômes qui doivent alerter sont les douleurs invalidantes durant les menstruations. Il y a aussi des douleurs pelviennes et durant les rapports sexuels.

Dans une majorité des cas, des problèmes d’infertilité peuvent surgir.

Plus la maladie avance, plus d’autres organes sont touchés.

« C’est une maladie dans laquelle des tissus internes de l'endomètre qui se trouve au niveau de l’utérus se forment à l’extérieur de l’utérus et viennent s’installer, sur d’autres organes. »

— Une citation de  Dre Sarah Maheux-Lacroix, gynécologue, chercheuse et professeure adjointe à l’Université Laval

Le plus souvent, ces tissus de l'endomètre s’installent sur la vessie, les intestins, le côlon, les reins et le rectum.

Dans de très rares cas sur le diaphragme et dans les poumons. Et c’est l’inflammation de tous ces organes qui crée la douleur.

Pourquoi des temps de diagnostic aussi longs ?

Selon la Dre Sarah Maheux-Lacroix, en plus de la normalisation des douleurs durant les menstruations, le manque de connaissance de la maladie même en milieu médical peut aussi contribuer au retard du diagnostic.

Elle ajoute que malheureusement les échographies classiques ne permettent pas de diagnostiquer l’endométriose.

Les techniques qui existent pour s’assurer du diagnostic comme l’imagerie magnétique, et les échographies spécialisées en endométriose ne sont disponibles que dans très peu de centres spécialisés.

Quant à la chirurgie, elle reste un dernier recours, car c’est une intervention très invasive pour l’organisme, et non sans conséquence.

Une question de santé publique

Le mois de mars a été décrété en 2021 comme le mois de sensibilisation à l’endométriose en Ontario.

Cette maladie peut entraîner une perte de 10 heures de productivité par semaine en milieu de travail.

La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada estime que l’endométriose coûte 1,8 milliard de dollars par année à l’économie canadienne.

L'endométriose est aussi prévalente que le diabète, mais n’a pas eu la même attention, a déclaré la Dre Sarah Maheux-Lacroix.

La chercheuse espère que dans les prochaines années nous allons arriver à en parler plus et à sensibiliser les populations, mais aussi les systèmes politiques afin de les inciter à débloquer plus de fonds et améliorer la recherche sur l’endométriose.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...