Des proches aidants chamboulés de la fermeture du Domaine Parc des Braves

Sophie Goulet accompagnée de sa mère Madeleine Guay, qui aura 94 ans dans deux mois.
Photo : Radio-Canada
Des proches aidants s'inquiètent de l'avenir d'un membre de leur famille après la fermeture annoncée du Domaine Parc des Braves, une résidence privée pour ainée de Québec. C'est la quatrième à fermer ses portes dans la grande région au cours des derniers mois.
Elle vient d'apprendre, hier, que l'établissement va cesser ses activités. Ça laisse neuf mois pour les gens qui peuvent déménager, de déménager. Ils vont probablement avoir l'option de rester en tant que locataire, mais encore faut-il qu'ils n'aient plus besoin de soins, des services qui étaient offerts à la résidence
, explique Sophie Goulet, dont la mère, Madeleine Guay, habite la résidence depuis deux ans. Elle aura 94 ans dans deux mois.
Les 73 résidents de la RPA située dans le quartier de Montcalm devront trouver un nouveau logis d’ici le 31 décembre. Pour expliquer sa décision, l’administration évoque la conjoncture économique. Elle cite notamment la hausse de ses coûts d’exploitation, qui ont grimpé dans les derniers mois, avec l'augmentation des taux d’intérêt et la montée de l’inflation.
Pour l'instant, la mère de Sophie Goulet est relativement en santé, mais son état pourrait changer d'un moment à l'autre, témoigne Mme Goulet.
C'est certain que c'est une assurance pour elle de savoir qu'il y a du staff ici 24 h sur 24 h disponible. Elle aimerait ne pas déménager, elle aimerait rester ici parce qu'elle ne sent pas la force de faire face à un autre déménagement.
La mère de Sophie Goulet souffre d'arthrite, d'arthrose et marche avec un déambulateur. Ça serait des services à la carte [de l'état], en tout temps
. Si elle décide de rester, qui dit que dans 3-4 mois elle ne sera obligée de s'en aller dans une autre résidence ? On est dans l'incertitude par rapport à ça.
Mme Goulet assure que sa mère a choisi cette résidence pour sa grandeur humaine
.
« C'est émouvant parce qu'elle est fragile. On veut tous le confort, le meilleur, la douceur pour ces gens-là qui ont toute leur vie derrière eux qui maintenant sont serein ici, y'étaient bien, choyés. Tous les employés, la réceptionniste, le directeur, les serveuses, la coiffeuse connaissent tout le monde par leur nom, leurs petites histoires. »
Même son de cloche pour Odile Magnant, dont la mère Myriam Sacomani Magnant, 92 ans, réside dans le milieu de vie. On est très inquiet, pour les personnes âgées, c'est bouleversant. Ici, c'est un milieu de vie exceptionnel. Elles sont comme dans une famille.
« Pour une personne âgée, ça devient un choc psychologique, mais aussi physique. Ça entraine des dégradations de l'état des personnes. Ce n'est pas toutes les personnes qui sont entourées, qui ont de la famille, qui sont aptes à s'organiser. »
De moins en moins de place est disponible dans les résidences privées pour les ainés, remarque Odile Magnant, ce qui devrait mettre de la pression sur le réseau public.
Les mains liées de Bruno Marchand
Bien qu'il se dise désolé
et attristé
de la multitude de fermetures des résidences privées pour aînés (RPA) à Québec, le maire Bruno Marchand avoue qu'il a les mains liées pour sauver les meubles.
En direct d'Helsinki en Finlande, le maire a réagi à la fermeture annoncée du Domaine Parc des Braves.
La Ville, on est très limité dans ce qu'on peut faire
, prévient Bruno Marchand. C'est super dommage quand des gens apprennent que leur résidence ferme. Pour les résidents, c'est un moment d'insécurité. Où tu te reloges? Comment tu fais pour te reloger puis on connaît les conditions de logement présentement, c'est très difficile.
Selon le maire Marchand, il revient au CIUSSS de la Capitale-Nationale de revoir le modèle d'affaires des résidences privées, qui sont gérées par des propriétaires privés. Ainsi, la Ville ne peut s'immiscer dans leurs affaires.
Les gestionnaires privés, qui gèrent une résidence pour personnes âgées, semblent, pour certains, ne pas arriver, ne pas être financièrement viables. Quand même que la Ville dit : on interdit que les RPA ferment. S’il y a quelqu'un qui perd de l'argent, on n’aura pas de pouvoir là-dessus. L'interdiction ne viendra pas changer l'état des lieux
.
Droit de préemption
La Ville possède depuis quelques mois un droit de préemption qui lui a été accordé par le gouvernement du Québec et qui lui permettrait de se porter acquéreur de la RPA.
La suite des choses est toutefois loin d'être simple, convient le maire.
« On fait quoi avec le bâtiment? On devient gestionnaire d'une RPA? [...] On n’est pas des gestionnaires de bâtiment. On n’est pas bon pour faire ça. On ne va certainement pas ajouter cette mission-là à la Ville. »
Il revient au CIUSSS et au ministère de la Santé de s'y mettre.
Les soins à domiciles sont une solution à envisager, croit le maire, qui se dit inspiré par l'expérience de certains pays scandinaves.
Nous, comme Ville, ce qu'on peut faire [...], c'est d'offrir 20 ans de plus aux gens à vivre chez eux, à vivre dans leur résidence, à vivre dans leur appartement, à vivre dans leur condominium. Faire en sorte qu'ils aient accès à des services, que l’on construise des quartiers où les services sont à proximité, où c'est bien déneigé où on peut se déplacer à pied.
D'autres fermetures à venir
L'hécatombe dans le milieu des résidences privées pour ainés n'est pas terminée, prévient Paul Brunet, président du conseil pour la protection des malades.
Ce n'est pas le dernier établissement à fermer, mais c'est toujours triste et c'est préoccupant. [...] On m’a dit au ministère qu'on se penchait sur la question, mais à date, les solutions tardent à venir, on dirait.
La rareté de logement pour cette clientèle complique également la relocalisation des ainés. Plusieurs établissements, selon lui, peine toujours à atteindre des normes minimales pour accueillir des gens avec dignité.
Je pense qu'on a besoin de repenser ce qu'on fait parce que présentement, on n’accueille pas, dans la majorité des places, des gens avec toute la dignité qu'il mérite.