Interdiction de travailler avant 14 ans : réactions partagées chez les entrepreneurs
Les restaurants Tim Horton's de l'Abitibi-Témiscamingue embauchent beaucoup de jeunes. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Piel Côté
Le projet de loi 19 annoncé par le ministre du Travail, Jean Boulet, interdit le travail chez les moins de 14 ans et encadre le nombre d’heures maximum que peuvent travailler les jeunes de moins de 16 ans. Un projet qui divise le monde des affaires en Abitibi-Témiscamingue.
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, nombreux sont les commerçants qui ont recours à de jeunes employés dans la région. C’est le cas de Mélinda Bordeleau Gagnon, propriétaire de six restaurants Tim Horton’s à La Sarre et à Rouyn-Noranda.
Selon elle, le projet de loi 19 risque de mettre en péril une partie de ses activités, ce qui pourrait la pousser à faire appel à de la main-d’œuvre étrangère pour une première fois.
« On ne reçoit presque pas de CV de jeunes plus âgés. On a déjà plusieurs jeunes de moins de 14 ans qui sont performants, qui sont déjà formés et qui veulent garder leur emploi. »
La femme d'affaires ajoute qu’il est particulièrement difficile de combler des quarts de travail le soir et la fin de semaine, étant donné que les employés plus âgés ont souvent d’autres responsabilités.
Il va falloir que je revoie mes heures d’ouverture. C’est sûr que perdre toute cette main-d'œuvre d’un coup, ça ne sera pas facile
, souligne Mélinda Bordeleau Gagnon.
Le propriétaire du complexe hôtelier Amosphère d'Amos et vice-président de l’Association des hôteliers de l’Abitibi-Témiscamingue, Jean-Pier Frigon, abonde dans le même sens.
Je pense que le gouvernement fait fausse route. On devrait encourager les jeunes qui veulent travailler. Je comprends la crainte par rapport à l’exploitation, mais je crois qu’il y a beaucoup de jeunes assez matures pour aller sur le marché du travail
, soutient-il.
Un contrôle nécessaire, selon d’autres
Selon des chiffres dévoilés par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), le nombre de lésions professionnelles rapportées chez les enfants de 14 ans et moins est passé de 10 à 64 par année entre 2017 et 2021, soit une augmentation de 540 %.
À la Chambre de commerce et d’industrie de Rouyn-Noranda (CCIRN), il ne fait donc aucun doute que le travail des enfants devait être mieux encadré par Québec.
« La plupart des entrepreneurs s'entendent pour dire que la sécurité des enfants et la lutte contre le décrochage scolaire sont beaucoup plus importantes que de pourvoir un poste à quelques heures par semaine. »
Bien que l’encadrement bonifié annoncé par le gouvernement Legault soit reçu positivement à la CCIRN, M. Lecours rappelle au passage que plusieurs entreprises seront affectées par le projet de loi.
C’est sûr que ça risque d’incommoder certaines entreprises. Je pense, entre autres, au commerce de détail, ou encore à la restauration. Par contre, en général, la communauté des affaires reçoit la nouvelle positivement
, affirme-t-il.
De son côté, le propriétaire du cinéma Paramount de Rouyn-Noranda, Pierre Gaudreault, estime aussi qu’un tel encadrement était nécessaire.
C’est une bonne nouvelle. Ça va permettre aux parents de bien comprendre la démarche de leurs enfants. Parfois, il y a des parents qui insistent auprès de leurs enfants ou qui ferment les yeux, mais entrer sur le marché du travail, ça implique une bonne adaptation
, mentionne-t-il.
Bien qu’aucune personne âgée de moins de 14 ans ne soit actuellement à l’emploi du cinéma Paramount, Pierre Gaudreault explique que certaines expériences passées l'amènent à se réjouir du projet de loi du ministre Boulet.
On se rendait compte que certains nouveaux employés n’avaient peut-être pas idée de ce que c’était de travailler plusieurs soirs par semaine. Alors nous, on les empêchait de travailler trop. Maintenant, ce ne sera tout simplement plus possible
, signale-t-il.