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La transformation d’Hochelaga dans la lentille de Joannie Lafrenière

On voit l'homme poser devant son miroir en souriant.

Michel, un barbier qui travaille depuis 57 ans dans Hochelaga, est l'un des personnages mis de l'avant dans l'exposition «Hochelaga : Montréal en mutation», de Joannie Lafrenière.

Photo : Joannie Lafrenière

« C’est l’humain qui fait le cœur d’un quartier. » Avec l’exposition Hochelaga : Montréal en mutation, la photographe et documentariste Joannie Lafrenière nous amène à la rencontre de résidentes et résidents d’Hochelaga, sur lesquels elle porte un regard empli de tendresse et d’empathie. Ses clichés et ses vidéos seront en vitrine au Musée McCord Stewart, à Montréal, du 31 mars au 10 septembre.

Il y a Renaud, le réparateur de vélo, Mme Grandchamp, la locataire esseulée, ou encore Pierre-André, le fleuriste qui vient de troquer les fleurs de la ville pour celles de la campagne : à chacun de ces personnages, Joannie Lafrenière consacre une petite pièce thématique unique. 

Ces cubicules, qui sont tous différents les uns des autres, hébergent des photos, des vidéos, des enregistrements audio ou encore des accessoires en tout genre, à l’instar du grand vase empli de cheveux pour illustrer le travail de Michel le barbier.

On voit la photographe sur un divan orange. Elle sourit à la caméra.

La photographe Joannie Lafrenière jette un regard tendre sur le quartier qui l'a accueillie il y a près de 20 ans.

Photo : Roger Aziz

À travers ce parcours non linéaire qui rappelle une balade dans Hochelaga, on ressent le lien de proximité qu’entretient Joannie Lafrenière avec ses voisins et voisines, elle qui habite le quartier historiquement ouvrier depuis près de 20 ans. La photographe y a élu domicile dans la jeune vingtaine après avoir grandi en campagne, heureuse d’y retrouver les discussions de balcon qui ont jalonné son enfance.

Ma rencontre avec Hochelaga a été presque aussi puissante que celle avec la photographie. Une relation passionnelle, mais qui se termine bien, je pense, a-t-elle déclaré, en riant, lors d’une visite de presse de l’exposition, mardi.

Photographie intimiste

Certaines des personnes présentées dans l’exposition Hochelaga : Montréal en mutation avaient d’abord été révélées au public dans le court métrage de Joannie Lafrenière Hochelaga, mon amour, en 2011, preuve de la fidélité de l’artiste envers ses sujets, qui sont aussi des amis et amies.

On voit l'homme avec un petit vélo en bois dans ses mains.

Renaud, un mécanicien de vélo qui fait des miracles dans son atelier, selon Joannie Lafrenière

Photo : Joannie Lafrenière

Ainsi, lorsqu’on retrouve Claude, qui a longtemps habité un conteneur près d'un chemin de fer, on découvre le portrait délicat, sans voyeurisme, d’un homme au regard perçant. Un enregistrement crève-cœur, laissé sur la boîte vocale de l’artiste, annonce sa disparition, et donc la fin d’une époque, quelque part près de la rue Ontario.

Puis, quand nous sortons de la pièce, nos yeux se posent immanquablement sur un poème écrit sur un mur, et qui semble soudainement prendre tout son sens : Le deuil : du regard et du lieu. Rien de tout cela ne se souviendra de nous.

Ce sont les mots du poète Benoit Bordeleau, lui aussi amoureux du quartier Hochelaga. Ses vers accompagnent les gens tout au long de leur visite, glissés ici et là entre les portraits et les vidéos. Ces agencements d’ambiances, de sonorités et de textures sont le fruit d’une riche collaboration entre la photographe et le scénographe Pierre-Étienne Locas.

On voit des photos dans la pièce noire.
Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

L'une des pièces de l'exposition présente la riche collection de photos d'époque d'Yvon et Lise, qui résident dans le quartier.

Photo : Radio-Canada / Zacharie Routhier

Si chaque cubicule révèle un monde unique, pensé en fonction du personnage auquel il est consacré, les couloirs ont aussi leurs thèmes et leurs couleurs : l’un d’eux, couleur néon, est consacré à la faune nocturne d’Hochelaga; un autre propose le témoignage de Sylvie, employée de la papeterie du coin, qui parle de la promenade Ontario; plus loin, on voit les clichés de personnages anonymes, promenant leur chien ou dormant dans la rue.

Je voulais dépeindre Hochelaga avec sa lumière et avec ses zones d’ombre. Je ne voulais pas être misérabiliste, explique Joannie Lafrenière.

« Je souhaite que ça touche votre cœur, mais aussi que ça suscite des réflexions. »

— Une citation de  Joannie Lafrenière
On voit des photos dans un couloir bleu.

Les couloirs de l'exposition rassemblent des photos et du contenu multimédia en tout genre. Celui-ci présente des images d'Hochelaga la nuit.

Photo : Radio-Canada / Zacharie Routhier

Une pincée de nostalgie

Que nous reste-t-il du Hochelaga d’il y a 20 ans? Lorsqu’elle en parle, Joannie Lafrenière évoque déjà la nostalgie d’une autre époque.

Comme le mentionne le nom de la série (Montréal en mutation) dans laquelle cette exposition s’inscrit, Hochelaga change et s’embourgeoise, selon elle, même si sa transformation est plus lente que Griffintown, premier quartier mis en vitrine dans la série, par le photographe Robert Walker, au Musée McCord Stewart, en 2020.

Elle ne peut s’empêcher d’avoir le cœur serré lorsqu’elle pense à Diane, la serveuse qui connaissait sa commande par cœur au restaurant La Québécoise, aujourd’hui remplacé par un commerce de prêt sur gage. Ou encore en regardant les condos pousser en arrière-plan des cordes à linge et des cabanons penchés, auxquels elle consacre d’ailleurs une section de son exposition.

On voit des cordes à linge et un cabanon.
Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

Hochelaga se montre sous toutes ses couleurs dans l'exposition de Joannie Lafrenière.

Photo : Joannie Lafrenière

Joannie Lafrenière confie avoir l’impression qu’Hochelaga est à un point de bascule, en équilibre précaire entre ce que le quartier est, et ce qu’il risque de devenir s’il est aseptisé par l’embourgeoisement.

Il s’agit d’une des raisons qui ont incité Joannie Lafrenière à dévoiler ses photos et ses rencontres au musée. Elle souhaite prendre soin des gens et des établissements qui font, selon elle, la couleur du quartier, afin de préserver son unicité aussi longtemps que possible.

Se considérant elle-même comme membre de cet écosystème , la photographe a réservé une des salles de l’exposition à son propre univers, composé de papier peint au motif orange, qui n’est pas sans rappeler sa série d’autoportraits Bonjour je m’appelle (Nouvelle fenêtre).

Un dépanneur avec une porte ouverte au coin d'une rue.
Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

Le quartier Hochelaga change tranquillement, mais sûrement, selon Joannie Lafrenière.

Photo : Joannie Lafrenière

Imaginer Hochelaga

Toujours dans cette optique de redonner à Hochelaga, les personnes habitant le quartier pourront visiter gratuitement l’exposition le 3 juin en après-midi à l’occasion d’une journée ponctuée d’activités, à condition d’apporter une preuve d’adresse.

Une table ronde ayant pour thème Imaginer Hochelaga et rassemblant Joannie Lafrenière, Benoit Bordeleau et Caroline Breault, des artistes vivant dans Hochelaga, est aussi à l’horaire mercredi 19 avril à 19 h.

Les curieux et curieuses pourront également visiter le quartier en compagnie de la photographe les 4 et 10 juin, tandis qu’une projection de certains de ses courts et moyens métrages est prévue le 1er septembre dans le stationnement du Dairy Queen du 4545, rue Sainte-Catherine Est.

Avec sa série Montréal en mutation, imaginée en 2018, le Musée McCord Stewart a l’ambition de documenter en images la transformation sociale et infrastructurelle des quartiers montréalais, qui sont sous la pression du développement immobilier.

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