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Un budget prudent à l’aube d’une possible récession

Ottawa veut contrer la hausse du coût de la vie et faire compétition aux États-Unis dans les investissements en énergie propre.

Une femme parle.

Chrystia Freeland, la vice-première ministre et la ministre des Finances du Canada, présente son budget à la Chambre des communes, le mardi 28 mars 2023.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Tandis que les Canadiens se serrent la ceinture face à la hausse importante du coût de la vie, Ottawa se voit lui aussi forcé de faire des choix difficiles. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a présenté son budget mardi qui propose quelques mesures phares mais, surtout, un plan ambitieux de transition vers l'énergie propre.

Avant même le dépôt du budget mardi, plusieurs économistes avertissaient le gouvernement fédéral qu’il doit ralentir le rythme de croissance de ses dépenses pour ne pas provoquer de nouvelles flambées inflationnistes et pousser l’économie canadienne vers une récession ou une stagflation.

Sans grande surprise, le budget présenté mardi comprend seulement quelques mesures ciblées.

Mme Freeland s’était engagée à faire preuve de modération budgétaire. Lors de son discours à la Chambre des communes mardi, elle a affirmé que les mesures annoncées aujourd’hui aideront les Canadiens, sans attiser l’inflation. « On a fait trois grands choix », a-t-elle indiqué en point de presse.

Aide aux Canadiens

Comme dévoilé lundi, les familles à faible revenu obtiendront un rabais pour l’épicerie afin de les aider à composer avec les coûts liés à l’inflation.

Ottawa budgète environ 2 milliards de dollars pour aider 11 millions de personnes et de familles à revenu faible ou modeste. Cette aide prendra la forme d'un paiement unique et permettra à une famille de quatre personnes de toucher jusqu'à 467 $. Pour les personnes seules, le montant s’élève à 234 $ et, pour les personnes âgées, à 225 $.

Il faut noter que ce rabais pour l’épicerie est en fait une prolongation du doublement du crédit pour la taxe sur les produits et services (CTPS), qui avait été mise en place l’an dernier, à la demande du Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD). Le chef Jagmeet Singh avait réclamé que ce paiement unique soit reconduit, demande à laquelle le gouvernement libéral a accédé.

Précisons qu’il ne sera pas nécessaire de faire la demande au gouvernement pour ce rabais et il ne sera pas obligatoire d’utiliser cet argent spécifiquement pour payer sa facture d’épicerie.

Le fiscaliste Luc Godbout rappelle que ce montant aide à compenser la hausse du coût de la vie, pas [à] payer de nouvelles dépenses. Le directeur du département de fiscalité à l'Université de Sherbrooke ajoute que cette aide est plus ciblée que les chèques offerts par le gouvernement du Québec pour faire face au coût de la vie.

Le CTPS est un montant non imposable versé quatre fois par année aux particuliers et aux familles à faible revenu pour compenser la taxe sur les produits et services qu’ils paient.

Déficit plus élevé que prévu, bonification du crédit d'impôt pour la TPS et des mesures pour stimuler les investissements dans les énergies vertes. Entrevue avec la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland.

Un tournant dans la transition énergétique

La récente adoption d’une loi aux États-Unis sur la réduction de l’inflation – Inflation Reduction Act, qui oblige les Américains à investir massivement dans les énergies propres et les industries zéro émission – a poussé le gouvernement du Canada à réagir afin d’être concurrentiel dans cette course à la construction d’une économie propre.

Le Canada se doit de suivre le rythme de [l’accélération de la transition vers la carboneutralité]. Il ne peut pas se permettre d’être à la traîne, peut-on lire dans le budget. 

L’inaction du Canada pourrait faire baisser le PIB du Canada d’environ 10 % en 2050, avertissent la Banque du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières.

Ottawa se lance donc dans la course à la construction d’une économie propre. Le budget prévoit des investissements de 80 milliards de dollars sur 10 ans et mise sur la création de trois crédits d’impôt pour attirer les investisseurs.

La ministre des Finances a annoncé la mise en place d’un crédit d’impôt de 15 % pour les investissements dans l’électricité propre. Ce crédit sera notamment offert aux sociétés d’État et aux services publics d’électricité, ce qui permettra de partager le fardeau de financement des grands projets dans ce créneau. Par exemple, Hydro-Québec et BC Hydro seraient admissibles. Ce crédit concerne autant les nouveaux projets que ceux de rénovation d'installations existantes.

Un deuxième crédit d’impôt remboursable, celui-ci de 30 %, sera offert pour amortir les coûts des investissements dans la fabrication de technologies propres et pour l’extraction, la transformation ou le recyclage de minéraux critiques utilisés notamment dans la production de batteries pour les véhicules électriques.

Ces crédits s’ajoutent au crédit d’impôt à l’investissement dans l’hydrogène propre annoncé à l’automne dernier.

Enfin, le gouvernement a annoncé dans le budget que la Banque de l’infrastructure du Canada investira au moins 10 milliards de dollars dans l’énergie propre et au moins 10 milliards de dollars dans les infrastructures vertes.

Le but de cette stratégie est d’attirer davantage d’investisseurs au Canada.

Nous ne pouvons pas parvenir à une économie propre seulement en imposant de nouvelles réglementations. Il faut attirer des investisseurs. C’est la clé, a indiqué un haut fonctionnaire lors de la présentation du budget. Il ajoute que le Canada devra attirer au moins 100 milliards de dollars en investissements pour arriver à faire compétition avec d’autres pays, ce qui est environ sept fois plus qu’en ce moment.

Le gouvernement libéral a promis lors des dernières élections que le Canada atteindrait la carboneutralité d’ici 2050.

Trois documents.

Le budget fédéral 2023 s'intitule : Une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère.

Photo : Radio-Canada

Plus de Canadiens auront accès à des soins dentaires

La ministre des Finances confirme par ailleurs que le Régime canadien des soins dentaires sera mis en œuvre cette année et qu’il sera bonifié.

Le régime, qui coûtera 13 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, couvrira les soins dentaires des personnes non assurées dont le revenu familial annuel est inférieur à 90 000 $, et toute personne ayant un revenu annuel inférieur à 70 000 $ n’aura pas à payer de quote-part.

Le gouvernement propose également de dépenser 250 millions de dollars sur trois ans pour créer un Fonds d’accès à la santé buccodentaire, qui soutiendra notamment les populations vulnérables vivant dans les communautés rurales et éloignées.

Le régime des soins dentaires coûtera énormément d’argent, convient la ministre Freeland, qui affirme toutefois que c’est la bonne chose à faire.

Une grande proportion du budget alloué à la santé ira au financement des accords de financement des soins de santé avec les provinces et les territoires.

Ottawa avait annoncé le 7 février qu'il dépenserait 198,6 milliards de dollars sur 10 ans, dont 46,2 milliards de dollars en nouveau financement, pour améliorer les services de soins de santé partout au Canada. Cela inclut un complément immédiat de 2 milliards de dollars au Transfert canadien en matière de santé.

Le gouvernement a de nouveau lancé un avertissement aux provinces : cet argent ne doit pas remplacer leurs propres investissements prévus en santé. De plus, Ottawa exige que les provinces et territoires améliorent leur cueillette des données sur le système de santé.

Parmi d’autres mesures, on note également le renouvellement de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances (359,2 millions de dollars sur cinq ans) et le lancement d’un service d’aide téléphonique 988 pour la prévention du suicide d’ici la fin de novembre 2023 (158,4 millions de dollars).

Des mois d’incertitude économique à venir

Dans l’énoncé économique de novembre dernier, la ministre des Finances Chrystia Freeland mentionnait pour la première fois une possible récession dans le document.

Le gouvernement canadien a indiqué mardi qu’il s’attend désormais à un ralentissement économique plus prononcé que ce qui avait été annoncé lors de l’Énoncé économique à l’automne dernier et que le Canada risque de subir une récession modérée.

La croissance du PIB devrait ralentir, passant de 3,4 % en 2022 à 0,2 % en 2023, avant de remonter lentement à 1,5 % en 2024.

Le taux de chômage, qui est présentement à 5 %, après avoir atteint près de 14 % durant la pandémie, devrait remonter à 6,3 % d’ici la fin de l’année.

L’indice des prix à la consommation (IPC), à 5,2 % en janvier, devrait redescendre à 3 % d’ici la fin de l’année et à environ 2 % d’ici la fin de 2024. Si l’IPC dans son ensemble commence à diminuer, ce n’est pas le cas pour les prix liés à l’alimentation.

Le ministère des Finances abandonne par ailleurs son objectif de revenir à l’équilibre budgétaire en 2027-2028. On prévoit plutôt un déficit de 14 milliards en 2027-2028.

On ne tient pas mordicus à revenir à l’équilibre, explique Luc Godbout, en précisant que l’amplification des déficits s’explique en grande partie par l’ajout des crédits d’impôt pour une énergie verte et le régime de soins dentaires, qui coûte beaucoup plus cher que prévu. C’est un choix pour entreprendre un virage vers la carboneutralité.

D’ailleurs, les dépenses du gouvernement augmenteront significativement dans les années à venir, passant de 493 milliards de dollars en 2021-2022 à 555 milliards de dollars en 2027-2028.

Même son de cloche pour Stéphane Leblanc, associé en fiscalité chez EY, qui croit que les mesures sont très ciblées dans un contexte économique incertain. C’est le consensus des économistes. C’est prudent d’avoir fait ce budget sur cette base [de risque de récession].

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