Le budget fédéral 2023 accueilli tièdement en Estrie
Le premier ministre Justin Trudeau accompagnait la ministre des Finances, Chrystia Freeland, avant la présentation de son budget à la Chambre des communes.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
« Rabais pour l’épicerie » au bénéfice des foyers à revenus modestes, soins dentaires élargis à plus de Canadiens, plan ambitieux pour développer les énergies propres… Ottawa a présenté son budget 2023 ce mardi après-midi. Un budget qui est accueilli plutôt tièdement en Estrie. Certains regrettent notamment le manque d’argent frais pour le logement.
Rabais pour l’épicerie
Comme dévoilé lundi, les familles à faible revenu obtiendront un rabais pour l’épicerie
afin de les aider à composer avec les coûts liés à l’inflation.
Ottawa budgète environ 2 milliards de dollars pour aider 11 millions de personnes et de familles à revenu faible ou modeste. Cette aide prendra la forme d'un paiement unique et permettra à une famille de quatre personnes de toucher jusqu'à 467 $. Pour les personnes seules, le montant s’élève à 234 $ et, pour les personnes âgées, à 225 $.
Un choix politique
qui est accueilli plutôt tièdement par l’organisme Moisson Estrie. Les montants globaux sont toujours très importants, très imposants, mais dans la réalité, quand on [divise] ce montant par individu, on se rend compte finalement que c'est une mesure qui va avoir un effet très limité
, fait savoir Christian Bibeau, directeur général de Moisson Estrie.
« L'épicerie, ça coûte très cher. Pour une personne seule, on parle d’une mesure de plus ou moins 20 $ par mois. Est-ce que ça peut vraiment faire une différence dans un budget mensuel? »
Ce dernier reconnaît que cette aide du fédéral sera néanmoins la bienvenue pour les franges les moins fortunées de la population. Une position que partage Sylvie Bonin, coordonnatrice de l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF) Estrie, pour qui cette aide du fédéral est la bienvenue. C’est mieux que le provincial qui a décidé de lancer la serviette.
« Par rapport aux hausses d’épicerie qui sont d’environ 10 % en février, ça ne sera peut-être pas suffisant. On voudrait que ça se poursuive tous les trimestres, voire tous les six mois. Mais c’est mieux que rien. »
Plus de Canadiens auront accès à des soins dentaires
La ministre des Finances confirme par ailleurs que le Régime canadien des soins dentaires sera mis en œuvre cette année et qu’il sera bonifié.
Le régime, qui coûtera 13 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, couvrira les soins dentaires des personnes non assurées dont le revenu familial annuel est inférieur à 90 000 $, et toute personne ayant un revenu annuel inférieur à 70 000 $ n’aura pas à payer de quote-part.
Cette annonce est bien accueillie par Sylvie Bonin. Ça avait été annoncé l’année dernière, mais ça avait été mis en place seulement pour les enfants de 12 ans et moins. Ici au Québec, ce n’était pas un gros gain. Les soins dentaires sont un problème majeur. Ce sont 27 % des adultes québécois qui sont exclus des soins dentaires. Certains se privent de réparations de plombage
, fait-elle savoir.
Plan ambitieux pour l’énergie verte
Le budget fédéral propose d’ailleurs un plan ambitieux de transition vers l'énergie propre. Ottawa se lance donc dans la course à la construction d’une économie propre. Le budget prévoit des investissements de 80 milliards de dollars sur 10 ans et mise sur la création de trois crédits d’impôt pour attirer les investisseurs.
Pascal Florant, co-coordonnateur, Solidarité populaire Estrie (SPE), se dit déçu de ce plan pour développer les énergies vertes. Quand on parle d’économie verte, on parle d’économie. On ne parle pas de justice climatique, on ne parle pas d’environnement. C’est important de le dire, et c’est un peu décevant. Surtout avec une petite alliance avec le NPD, on s’attendait peut-être à des mesures un peu plus sociales, un peu plus environnementales. Je crois qu’on a un peu manqué notre cible
, s'exclame-t-il en entrevue.
Plusieurs ministères seront amputés de 7 milliards $. Des compressions importantes et inquiétantes, selon Denis Poudrier, coordonnateur du Mouvement des chômeurs et chômeuses de l’Estrie. Nous, ce qu’on voit, c’est que ça va être encore plus long d’avoir des décisions, les délais vont se prolonger
, s'insurge-t-il.
Un budget de dépenses
, regrette Luc Berthold
Luc Berthold, député de Mégantic-L'Érable et leader parlementaire adjoint de l’opposition officielle pour le Parti conservateur du Canada, dénonce un budget de dépenses
. C'est difficile d'applaudir un budget qui présente encore une fois un budget de dépenses. C'est la continuité libérale en matière de dépenses. On parle de 67 milliards de nouvelles dépenses qui sont aujourd'hui présentées par la ministre des Finances
, explique-t-il.
« On parle d'une dette qui va continuer d'augmenter. Et c'est assez surprenant de voir à quel point ce gouvernement est incapable de respecter ses propres prévisions quand vient le temps de parler de finances publiques. »
Voie de contournement : Ottawa persiste et signe
Dans son budget, Ottawa s’engage à construire la voie de contournement de Lac-Mégantic. L’achèvement du projet de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic demeure une priorité du gouvernement fédéral, tandis que la communauté continue de se remettre de cette tragédie
, indique-t-on.
Luc Berthold salue la décision du gouvernement d’aller de l’avant avec le projet de la voie de contournement. On ne sait pas encore les coûts. On ne sait pas d'où va provenir l'argent. Il y a très peu de détails dans le budget. [...] Il y a quand même des questions importantes qui restent à [résoudre]
, nuance-t-il.
Le projet de voie de contournement continue par ailleurs de susciter l’opposition de nombreux citoyens. Vendredi dernier, les avocats qui représentent des propriétaires touchés par le processus d'expropriation se sont rendus à Montréal pour déposer plus de 1400 contestations contre l’avis d’intention publié il y a quelques semaines au bureau de Services publics et Approvisionnement Canada, duquel relève le processus d’expropriation.
Pas d’annonces sur le logement social, regrette Sylvie Bonin
Sylvie Bonin regrette le manque d’annonces sur le logement. C’est un problème majeur. Les hausses moyennes des coûts des logements sont autour de 9 à 10 %. [...] La crise du logement est majeure. On reçoit beaucoup d’appels de gens paniqués qui ne trouvent pas de logements selon leur budget. Il n’y a pas de nouvelles [sommes] pour le logement social. Il n’y en avait pas au provincial. Là, c’est la même chose au fédéral.
« La stratégie nationale pour le logement social donne des résultats mitigés. Il y a des besoins et on ne semble pas voir la gravité de la situation. »
De son côté, la députée fédérale de Sherbrooke, Élisabeth Brière, souligne que les logements abordables font partie des priorités du gouvernement. Ça fait plusieurs mois, voire années, qu'on parle d'accélérer, de faciliter la construction de logements abordables. Il y a encore des mesures dans le budget 2023 qui sont présentes. Avec la Stratégie nationale sur le logement qui avait été mise en place, on espère qu’il va y avoir des projets concrets qui vont se réaliser sur le territoire.
Autre oubli de taille, selon Sylvie Bonin, les aînés. On n’augmente pas le montant du revenu minimum garanti. Pas de crédit d’impôt pour les travailleurs d’expérience non plus. C’est assez décevant de ce côté-là.