Devant un comité des Communes, un gymnaste albertain détaille les abus qu’il aurait vécus
« Ce n'est pas le sport qui m'a brisé. J'ai été victime d'abus et brisé par le système en pratiquant ce sport. »

Un ex-gymnaste albertain a témoigné devant un comité fédéral sur la pratique sécuritaire du sport au Canada. Il a demandé l'ouverture d'une enquête publique sur les abus dans le sport.
Photo : Getty Images / Naomi Baker
Ryan Sheehan, un ex-gymnaste trampoliniste originaire d'Edmonton, a raconté en détail lundi les abus sexuels qui auraient été perpétrés contre lui, alors qu’il était mineur, par un ancien employé de Gymnastique Canada. Devant le Comité permanent du patrimoine de la Chambre des communes, à Ottawa, il a demandé la mise sur pied d’une enquête nationale sur les abus dans le sport.
Avertissement : Certains détails de ce texte peuvent choquer ou provoquer des traumatismes chez certains lecteurs. Si vous souffrez ou êtes témoin d’une situation d’abus dans la communauté sportive, vous pouvez contacter :
- pour le Canada, Sport sans abus : 1-888-837-7678;
- au Québec, Sport'Aide : 1-833-211-2433 (téléphone et SMS).
Témoignant devant une douzaine de députés fédéraux qui s’intéressent à la pratique sécuritaire du sport au Canada, l’athlète a raconté qu’entre 2008 et 2010, alors qu’il avait 15 et 16 ans, il a été agressé sexuellement par un thérapeute de l’équipe nationale.
Il a passé sa main sous ma combinaison de sport et mes sous-vêtements, et a saisi mes parties génitales à deux reprises
, a-t-il décrit.
Quelques années après les faits reprochés, Ryan Sheehan a dénoncé son agresseur à son entraîneur, qui a alors tenté de porter plainte auprès de Gymnastique Canada, selon l'ancien gymnaste. L'entraîneur se serait fait répondre que l’affaire n’était plus de leur ressort, parce que le thérapeute n’était plus employé par la fédération sportive.
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Gretchen Kerr, la responsable du bien-être des athlètes chez Gymnastique Canada à l’époque, lui aurait confié que quatre autres personnes s'étaient manifestées pour raconter leur expérience avec cet homme.
Malgré ces témoignages, elle n’aurait pas recommandé de sanction envers le thérapeute, selon Ryan Sheehan. Gymnastique Canada aurait plutôt demandé à Ryan Sheehan et aux autres plaignants de transférer l’affaire à un organisme qui régit la pratique des massothérapeutes.
Gretchen Kerr est maintenant professeure à l’Université de Toronto, spécialisée notamment dans la maltraitance des jeunes dans le sport. Elle n'a pas répondu à un courriel de La Presse canadienne lui demandant de commenter l’affaire.
Aujourd’hui, Ryan Sheehan dit être en contact avec 19 victimes présumées de ce thérapeute.
À l’été 2021, plus de 10 ans après les événements, Ryan Sheehan a raconté son expérience sur les réseaux sociaux (Nouvelle fenêtre). À ce moment, il a été contacté par Gretchen Kerr, affirme-t-il, qui lui aurait alors dit que puisqu’il n’avait jamais porté plainte officiellement, il n’avait aucune raison d’être contrarié envers Gymnastique Canada.
Aucune de ces allégations n'a été prouvée en cour.
Ryan Sheehan a témoigné qu’après cet appel avec la représentante de Gymnastique Canada, il a eu des pensées suicidaires. L'organisation à laquelle ma famille et moi-même avons confié mon bien-être physique et mental pendant deux décennies n'a même pas pu faire le strict minimum pour enquêter sur ma plainte, à moins d'y être contrainte, et elle a ensuite tenté de me réduire au silence
, a-t-il expliqué.
« Il y a eu de nombreuses nuits où je me suis senti irrémédiablement brisé. Ce n'est pas le sport qui m'a brisé. J'ai été victime d'abus et brisé par le système en pratiquant ce sport. »
Pour une enquête nationale sur les abus dans le sport
Depuis ces événements, Ryan Sheehan a cofondé l’organisme Gymnasts for Change Canada. Pour lui, l’abus dans le sport, ce n’est pas l’affaire de quelques pommes pourries, [...] c’est une crise systémique d’abus des droits de la personne
.
L’autre cofondatrice de Gymnasts for Change Canada, Kim Shore, une ancienne gymnaste qui a notamment siégé au conseil d’administration de Gymnastique Canada, a également témoigné devant le comité lundi. Elle a raconté avoir fait face à de la résistance et des insultes lorsqu’elle a tenté d’aborder la question des nombreux abus dans son sport. Elle affirme aussi qu’on l’a poussé vers la sortie.
Kim Shore a démissionné de son poste au conseil d’administration en 2021, après qu’un entraîneur qui avait déjà fait l’objet d’une plainte, selon elle, a été nommé sur l’équipe nationale. Pour elle, c’était la goutte de trop.
« C'est ainsi que fonctionne la gymnastique au Canada depuis des décennies. Ce n'est pas en mettant en place un nouveau PDG qu'on va changer les choses. C'est beaucoup plus important que la gymnastique, et que n'importe quel organisme national de sport. C'est un échec total. »
L'aveuglement volontaire, le déséquilibre de pouvoir et les conflits d'intérêts non déclarés doivent être mis au jour et résolus
, a-t-elle conclu, en réitérant elle aussi sa demande de création d’une enquête publique.
En octobre dernier, plus de 500 gymnastes avaient signé une lettre ouverte envoyée à la ministre fédérale du Sport, Pascale St-Onge. D’ici la fin de l’année, Ottawa veut mettre en place un mécanisme indépendant destiné à traiter les plaintes d’abus, de harcèlement et de violence dans le sport.
Avec des informations de La Presse canadienne