Faillites bancaires depuis 2001 : États-Unis 563, Canada 0
Le Canada est-il invulnérable aux faillites bancaires?

Face à la crise qui secoue le système bancaire américain, les institutions financières au Canada sont plus résilientes et moins vulnérables que celles aux États-Unis, selon des experts. (Photo d'archives)
Photo : (Michael Probst/The Associated Press)
Après l'effondrement de la Silicon Valley Bank, de la Banque Signature et de Crédit Suisse, entre autres, faut-il craindre un effet de contagion? Si une faillite bancaire se produisait au Canada, qu’arriverait-il à votre argent?
Ces questions semblent être sur toutes les lèvres dernièrement. Les recherches Google au sujet des faillites bancaires ont explosé ces dernières semaines.
Plusieurs Canadiens sont en quête de réponses en ligne et dans leurs succursales bancaires pour savoir comment protéger leur argent. C’est le cas de Juan Pinilla, qui détient un compte d’épargne et des investissements chez deux grandes banques canadiennes.
Je me suis souvent demandé : est-ce que mes dépôts et mes placements survivront à toute cette tourmente?
Le pilote d’avion, qui habite à Toronto et à Thunder Bay, dans le nord-ouest de l’Ontario, craint que les turbulences du secteur bancaire américain se répercutent de ce côté-ci de la frontière.
C'est inquiétant pour nous, Canadiens, parce que ce qui se passe aux États-Unis affecte toute la planète
, dit-il.

Juan Pinilla a récemment cherché à mieux comprendre si l'argent dans ses comptes bancaires est protégé, dans la foulée de la crise chez Silicon Valley Bank et quelques autres institutions financières.
Photo : Radio-Canada / Keith Burgess
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Quand la panique menace la solvabilité d’une banque
Bien des gens craignent effectivement un effet domino, comme celui qui a conduit à la crise financière de 2008.
Si les déposants paniquent et se dépêchent de retirer leur argent parce qu'ils craignent une éventuelle faillite de leur banque, cette ruée peut mettre l'institution financière dans une bien mauvaise posture.
Si tout le monde se présente à la banque, tout d'un coup, pour retirer leurs dépôts, la banque, elle, n'a pas nécessairement le cash ou les fonds liquides dans son tiroir
, explique l’économiste Steve Ambler, chercheur en politique monétaire à l'Institut C.D. Howe.
C’est ce qui s’est produit dans le cas de la Silicon Valley Bank : ses clients, surtout de jeunes pousses technologiques et des firmes de capital-risque, ont réclamé en grand nombre leur argent, que la banque avait investi dans des obligations à long terme.

Est-ce que les faillites bancaires aux États-Unis ressemblent à la situation de 2008? Et d'autres faillites sont-elles à prévoir? Entrevue avec les économistes Clément Gignac et Sébastien McMahon.
Avec la flambée des taux d’intérêt au cours de la dernière année, la valeur de ces obligations a chuté, explique M. Ambler. Pour obtenir des liquidités, l’institution a dû vendre ces obligations, cristallisant ainsi les fortes pertes de valeur sur ces titres.
Le problème, c'est que la panique peut s'étendre aussi à d'autres banques.
Pour l'instant, c'est relativement contenu aux États-Unis. Jusqu'à maintenant, au Canada, ça n’a pas posé problème
, affirme l’économiste.

La Silicon Valley Bank a déclaré faillite plus tôt ce mois-ci, après avoir vendu des obligations à forte perte afin de répondre à la demande des retraits des déposants.
Photo : Reuters / Jaffrey Dastin
Une faillite bancaire est-elle possible au Canada?
Au Canada, le système bancaire est encadré par des normes strictes. Votre banque doit notamment s'assurer d'avoir suffisamment de liquidités dans ses coffres pour combler les besoins de ses clients.
Dans le cas très peu probable où votre banque devienne insolvable, vous ne risquez fort probablement pas de perdre votre argent. La Société d’assurance-dépôts du Canada protège votre épargne jusqu'à hauteur de 100 000 $ par institution membre et par catégorie d’assurance-dépôts.
Ce montant, qui a été établi en 2005, devrait être revu à la hausse pour tenir compte de l'inflation, selon des économistes.
Ces 100 000 $, ce n'est pas vraiment grand-chose pour beaucoup de monde au Canada. Bien des gens ont déposé des sommes qui dépassent ce plafond dans une seule banque
, affirme Brett House, professeur d’économie à la Columbia Business School, à New York.
Catégories d’assurance-dépôts :
Dépôts au nom d’une seule personne
Dépôts conjoints
Dépôts dans un régime enregistré d’épargne-retraite (REER)
Dépôts dans un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR)
Dépôts dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI)
Dépôts dans un régime enregistré d’épargne-études (REEE)
Dépôts dans un régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI)
Dépôts en fiducie
Dépôts dans un CELI pour l’achat d’une première propriété (à compter du 1er avril 2023)
L’ancien économiste de la Banque Scotia soutient cependant que toutes les mesures mises en place au Canada semblent porter fruit. Depuis 2001, il n'y a eu aucune faillite bancaire au Canada, contre 563 aux États-Unis.
La ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, abonde dans le même sens. Nous avons un système financier qui a prouvé sa résilience à maintes reprises
, a-t-elle lancé lors d’un point de presse à Oshawa, en Ontario, la semaine dernière.
Elle ajoute que nos institutions financières sont prudentes dans leur gestion du risque et qu'elles ont le capital nécessaire pour traverser cette tempête.

La Société fédérale d'assurance-dépôts des États-Unis recense 563 faillites bancaires dans ce pays au cours des deux dernières décennies, alors qu'il y en a eu aucune au Canada.
Photo : Radio-Canada / Camile Gauthier
Secteur plus concentré, clientèle plus diversifiée
L’économiste Brett House ajoute que le système bancaire canadien est plus concentré avec six grandes banques – la Banque Royale, la Banque TD, la Banque de Montréal, la Banque Scotia, la Banque Nationale et la CIBC – qui détiennent 85 % des quelque 4000 milliards de dollars d’actifs au pays.
Ces institutions interviennent dans de nombreux secteurs différents, y compris les services de courtage hypothécaire, la gestion de patrimoine, les assurances, les dépôts et les prêts, ainsi que les services bancaires courants.
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L’une des choses qui rendent le système bancaire au Canada plus solide qu'aux États-Unis, c'est le fait que les six grandes institutions bancaires au Canada ont un bassin de déposants beaucoup plus diversifié
, explique M. House.
La clientèle de la Silicon Valley Bank, par contre, était beaucoup plus homogène, soit concentrée dans les secteurs de la technologie, des sciences de la vie et du capital-risque, des secteurs qui battent de l’aile après avoir connu une forte croissance pandémique.

Brett House, ancien économiste en chef adjoint à la Banque Scotia, estime que le système bancaire canadien a les reins plus solides que celui des États-Unis.
Photo : Banque Scotia
Ces clients ont donc eu besoin de liquidité, en même temps, ce qui a contribué à cette ruée bancaire un peu autoréalisatrice
, affirme l’économiste.
C'est improbable au Canada de voir la même situation
, estime-t-il.