Procréation assistée : un couple homosexuel d’Ottawa se dit discriminé par son assureur
Greg Mountenay a décidé de déposer une plainte au Tribunal des droits de la personne de l'Ontario.
Photo : Radio-Canada / Joseph Tunney/CBC
Un homme d’Ottawa a déposé une plainte au Tribunal des droits de la personne de l'Ontario parce qu’il estime avoir été discriminé en raison de son orientation sexuelle par le Régime d'assurance des enseignants de l'Ontario (RAEO) et l'un de ses assureurs. Ces derniers refusent de rembourser les médicaments de la mère porteuse à qui il a fait appel.
Greg Mountenay, 33 ans, est professeur de français et il s'apprête à devenir papa pour la première fois en mai. Il accueillera une petite fille, près de trois ans après avoir entamé des démarches pour avoir recours à une mère porteuse.
C'est au début de 2022 qu'il a appris que les médicaments destinés aux mères porteuses n'étaient pas couverts par son régime d'assurance, car une mère porteuse ne répond pas à la définition d'une personne à charge
, selon ce qu’a écrit le responsable des avantages sociaux de son syndicat dans un courriel.
M. Mountenay a fait appel de la décision de son syndicat, du RAEO
et de Manuvie. Il a également déposé une plainte auprès du Tribunal des droits de la personne de l'Ontario.Il dénonce que son conjoint et lui ne pourront jamais toucher les 18 000 $ prévus par le RAEO
pour rembourser des médicaments de fertilité, puisqu’ils n’ont pas d’utérus.Ça me laisse un sentiment d'impuissance
, confie M. Mountenay.
Un rêve qui a un coût financier
Greg Mountenay a rencontré son conjoint en 2018. Dès leur premier rendez-vous, ils ont déterminé qu’ils voulaient des enfants.
J'ai toujours voulu deux choses : être un enseignant et être un père
, raconte M. Mountenay.
Il a commencé à se renseigner sur la procréation assistée et les démarches pour recourir à une mère porteuse à l'automne 2020.
Le couple a ensuite trouvé une donneuse d'ovules consentante, qui porterait également leur bébé, mais c’est seulement en février 2022 qu’il a appris que les mères porteuses n'étaient pas considérées comme des personnes à charge par son assureur.
La mère porteuse a tout de même accepté de faire prélever ses ovules, puisque le couple avait déjà déboursé des centaines de dollars pour les tests et les médicaments. Jusqu’à maintenant, ils ont dépensé 20 000 $ pour réaliser leur rêve de devenir pères.
Nous sommes maintenant à 32 semaines de grossesse. Le bébé a maintenant la taille d’un ananas. C'est très excitant
, lance M. Mountenay. J'ai senti le bébé donner quelques coups de pied
.
Dans une lettre envoyée le 1er avril 2022 par le comité d'appel du RAEOne réfute en aucun cas la nécessité
d’avoir recours à une mère porteuse. On rappelle simplement que les avantages sociaux sont limités aux personnes à charge.
C’est ce qui a poussé M. Mountenay à déposer une plainte pour discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, qui sont toutes deux protégées par le Code des droits de la personne de l'Ontario. Mais aucune date d’audience n'a encore été fixée.
M. Mountenay affirme que toutes ces procédures rendent plus difficile d’inculquer des valeurs d’égalité à ses élèves, puisqu’il estime lui-même avoir traité injustement.
Malgré tout, il n’a pas l’intention de laisser les coûts importants l’empêcher de réaliser son rêve de devenir père.
Un régime d’assurance qui varie selon le syndicat
Son syndicat, la Fédération des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO), est l'un des quatre syndicats d'enseignants qui gèrent le RAEO
.Chaque syndicat gère son propre fonds d'assurance-vie et d'assurance-maladie, ce qui fait en sorte que les règles de couverture varient.
Dans un courriel adressé à CBC News, le RAEO soutient qu'il agit simplement à titre d’administrateur des prestations, et que ces dernières sont négociées et déterminées par les syndicats.
De son côté, la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) affirme qu'elle ne peut pas faire de commentaires sur des cas précis comme celui de M. Mountenay.
Manuvie est la compagnie qui fournit la couverture médicale de M. Mountenay. Mais sa police d’assurance ne couvre que lui-même (le demandeur principal), son conjoint et ses enfants, ce qui exclut une mère porteuse.
Selon la Canadian Fertility Consulting, l’une des plus grandes agences de mères porteuses et de dons d’ovule au pays, la situation de M. Mountenay est très courante pour les couples formés par deux hommes.
Leur compagnie d'assurance se dit : ‘l’œstrogène et la progestérone ne sont pas des médicaments prescrits aux hommes’
, explique Leia Swanberg, la PDG de l’agence.
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De nouveaux régimes d’assurance
Manuvie propose certains régimes d’assurance qui couvrent les dépenses associées au recours à une mère porteuse, mais ils ne sont pas encore la norme. Les employeurs ou les promoteurs doivent choisir d'y adhérer. La situation est similaire chez Sun Life et d’autres compagnies d’assurance.
Dans les plans standards, les couples hétérosexuels qui font appel à une mère porteuse sont confrontés aux mêmes difficultés que les couples homosexuels.
Selon Kim MacFarlane, une porte-parole de Manuvie, on n’observe depuis peu une évolution dans la couverture offerte par les assureurs, même si le recours à une mère porteuse existe depuis un moment déjà.
De son côté, le ministère de la Santé de l'Ontario ne couvre qu’un seul cycle de traitement de fécondation in vitro, ce qui inclut le prélèvement d'ovules et le transfert d'embryons, dans une clinique subventionnée.
Ce programme provincial a permis à M. Mountenay et à son mari d'économiser plus de 3800 $, mais cela représente moins de 20 % de ce qu'ils ont déboursé jusqu'à présent.
Leia Swanberg encourage toutes les personnes qui se trouvent dans une situation similaire à avoir recours à un avocat en droits de la personne.
Nous avons vu de nombreux futurs parents se battre et gagner. Nous avons aussi vu des clients qui n'ont pas eu gain de cause
, nuance-t-elle toutefois.
Prati Sharma, une médecin de Toronto qui travaille dans un centre de fertilité, estime qu'un couple sur cinq qui franchit les portes de sa clinique est un couple de même sexe.
Les lacunes en matière de couverture sont complexes et coûteuses
, constate-t-elle.
Cette dernière observe une plus grande sensibilité de la part des assureurs, mais selon elle, ils peuvent faire mieux.
Nous devons vraiment améliorer les régimes d’assurance parce que les patients s'attendent à cela
, soutient Dre Sharma.
Avec les informations de Joseph Tunney, de CBC News