Le maire de Québec s’inspire de la Finlande pour la lutte contre l’itinérance

Six complexes d’hébergement accueillent les personnes itinérantes selon la politique du « logement d’abord » à Helsinki.
Photo : Radio-Canada
De passage à Helsinki, le maire Bruno Marchand se dit convaincu que le modèle finlandais de lutte contre l'itinérance peut donner des résultats à Québec. Le gouvernement finlandais et la Ville d’Helsinki investissent massivement et l’approche basée sur l’accès au logement semble donner des résultats.
La délégation québécoise a visité, mardi, un des six complexes d’hébergement de la capitale finlandaise qui accueillent les personnes itinérantes selon la politique du logement d’abord
.
Le complexe compte des studios d’une chambre, des appartements de deux chambres et aussi des unités adaptées à une clientèle handicapée ou ayant des problèmes de mobilité. Au total, 116 appartements sont répartis dans plusieurs immeubles sur le site.
Une vingtaine de personnes travaillent auprès de la clientèle et une présence est assurée 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Des intervenants offrent notamment des soins de santé, de l’aide pour vaincre les dépendances et traiter la santé mentale.
Itinérance en baisse
Est-ce que le modèle ici est parfait? Évidemment pas. Cependant, ils sont partis en 1987 avec 17 000 itinérants, selon les chiffres de la Ville. En 2021, ils étaient autour de 4000. Il en reste encore, mais c’est une baisse significative
, affirme Bruno Marchand.
Le budget annuel du complexe atteint 1,2 million d’euros. Au total, les gouvernements fédéral et municipal ont investi 74 millions d’euros en 2022 dans la lutte contre l’itinérance.
Projet à Québec
La Ville de Québec a elle aussi un projet similaire de lutte contre l’itinérance. Le projet Porte-Clés, financé par le gouvernement fédéral, offre aux personnes sans domicile fixe un appartement à 25 % du prix coûtant.
Pour avoir accès au service, la personne doit signer un bail d'au moins un an et accepter de rencontrer un intervenant au moins une fois par semaine. Le maire de Québec estime que c’est un bon début, mais il réclame davantage de ressources afin d'étendre le projet et ajouter des intervenants.
Manque de ressources
À Québec, près de la moitié des itinérants sont en attente d’un logement par le truchement du programme Porte-Clés.
Quand une personne a envie de changer, de se prendre en main, puis qu’on n’est pas capable au moment où elle est disponible à changer d’offrir les ressources, il y a quelque chose qui ne marche pas. C’est scandaleux, on doit se remettre en question comme société
, affirme Bruno Marchand.
Le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Daniel Côté, croit lui aussi que les villes doivent obtenir de nouvelles sources de revenus. Il rappelle que l'ordre de gouvernement le plus près des citoyens a de plus en plus de responsabilités, comme la lutte contre l’itinérance.
Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Si les revenus de l’État croissent de façon monumentale et qu’au lieu d’assumer les responsabilités qui viennent avec, on envoie ça dans la cour des villes, il faut redescendre le cash aussi dans les villes
, soutient Daniel Côté.
Le premier magistrat de Québec affirmait pourtant, en juillet dernier, que la Ville de Québec et ses partenaires disposaient des moyens et de l’expertise nécessaires pour venir à bout de l’itinérance.
Le maire, qui vise l’itinérance zéro, mentionnait que c’est la volonté de rassembler ces différentes ressources qui a fait défaut jusqu’ici.
Données insuffisantes
Il y aurait environ 600 personnes en situation d’itinérance à Québec, selon les données les plus récentes, celles de 2018.
La situation a possiblement beaucoup changé depuis. Le maire réclame aussi une collecte plus régulière des données afin de mesurer la portée des actions entreprises.
« Helsinki, ils expriment une volonté. Ils y vont aussi par de la mesure, de la donnée. Ils ont des données année par année. On n’a pas ça, nous, au Québec. »
Ils comptent les personnes en fonction du type d’hébergement dans lequel ils sont. Ils comptent même les personnes qui sont en institution, ce qu’on ne fait pas
, ajoute le maire.
Les données pour Québec ne tiennent pas compte, selon le maire, des 2000 jeunes de la DPJ qui sortent chaque année. Le tiers va vivre un épisode d’itinérance d’au moins une semaine avant l’âge de 21 ans.
On sait les risques de judiciarisation, on sait les risques d’être agressé, de prendre de la drogue de mauvaise qualité qui va avoir des effets à long terme. Il faut agir
, souligne Bruno Marchand.
Le comité des maires de l’UMQ responsable de la lutte contre l’itinérance doit rencontrer le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, la semaine prochaine pour présenter des demandes et des pistes de solution. Un grand sommet sur l’itinérance doit avoir lieu aussi l'automne prochain.
On va lui présenter la réalité dans toutes les villes. C’est un projet de société. Quand on ne met pas les ressources, il ne faut pas oublier que ce sont des gens qu’on laisse à la rue, dans des conditions inhumaines, mais en plus, ce sont aussi des quartiers dans lesquels la cohabitation est difficile
, résume Bruno Marchand.
Avec la collaboration d’Olivier Lemieux