Garderies à 10 $ un an plus tard : des services moins chers, mais débordés en Ontario

La C.-B. va offrir des bourses entre 4000 et 5000 dollars pour la formation des éducateurs en petite enfance.
Photo : iStock / Rawpixel
Des milliers de parents ontariens ont vu leur facture de garderie fondre de moitié cette année grâce à l’entente provinciale-fédérale signée il y a un an. Certains opérateurs peinent toutefois à répondre à la demande, ou même à garder la tête hors de l’eau.
L’an dernier, Cris Crimson payait quelque 1000 $ par mois pour envoyer son fils de 5 ans, Axel, à la garderie Rayon de soleil, à North York.
Je ne suis même pas sûr comment on a réussi à payer tout. On avait un budget assez strict
, raconte-t-il.
Maintenant, c’est 460 $ par mois. Le soulagement est d'ailleurs audible dans la voix du jeune père lorsqu’il en parle.
À lire et à écouter :
Ça aide vraiment, vraiment, beaucoup
, glisse-t-il.
Il a même pu inscrire Axel à des activités qui lui étaient hors de portée avant.
Cet hiver, il a joué au soccer à l’intérieur. L’année prochaine, il veut faire du patinage, comme tous les enfants ici
, explique Cris.
Le chemin vers 10 $ par jour bien entamé
Le 28 mars 2022, l’Ontario est devenue la dernière province canadienne à annoncer officiellement qu'elle avait conclu une entente avec le gouvernement fédéral pour faire chuter le prix moyen d’une place en garderie à 10 $ en 2026.
Selon le ministère de l’Éducation de l’Ontario, plus de 90 % des garderies agréées de la province ont adhéré au programme. Grâce à l’échéancier fixé dans l’accord, le coût d’une place y est déjà 50 % plus bas qu’en 2020.
Le gouvernement ontarien estime que les parents économiseront ainsi 1,9 milliard de dollars en frais de garde cette année.
Il n’y a aucun parent qui s’en est plaint
, lance la directrice de la garderie que fréquente Axel, Agnès Sesboüé, en riant.
Ses craintes initiales sur l’impact du programme sur les finances de la garderie Rayon de soleil se sont quelque peu apaisées.
On n’a pas encore fait le bilan de l’année, donc on va voir, mais a priori, on est correct
, dit-elle.
Elle remarque aussi que la demande a augmenté dès la baisse des coûts.
D’ailleurs l’établissement compte bientôt ouvrir un nouveau groupe, à condition de trouver le personnel nécessaire.
Des places plus abordables, mais trop rares
Or, Mme Sesboüé regrette que l’entente finance une augmentation salariale d’à peine 1 $ cette année pour les éducatrices qualifiées.
« Ils ont monté les salaires à 18 $ [l'heure], mais 18 $, ce n’est rien pour des éducatrices diplômées, qui ont de l’expérience. »
Nous, on est déjà au-dessus de ce prix, mais quand même, pour revaloriser les éducatrices, on s’attendait à ce qu’il y ait quelque chose de plus
, lance-t-elle.
Elle se demande entre autres pourquoi l’entente ne prévoit pas d’occasions de formation continue ou de préparation pour les éducatrices.
Il y a un certain porte-monnaie qui a été mis dans ce programme-là. Pourquoi ne pas inclure des journées pédagogiques? Peut-être pas autant qu’à l’école, mais au moins une ou deux par an, ça aiderait énormément
, estime la directrice de Rayon de soleil.
La directrice de l'Association francophone à l'éducation des services à l'enfance de l'Ontario (AFESEO), Martine St-Onge, voit mal comment le gouvernement remplira sa promesse de créer 71 000 places en garderie d’ici 2026.
Les conditions [de travail] sont meilleures dans des restaurants fast-food
, lance-t-elle.
Elle dit d’ailleurs qu’aucun des 21 centres de garde de l’AFESEO
n’est capable d’offrir autant de places que ce que le leur permet le ministère de l’Éducation.Les centres ont des listes d’attente partout. Ce n’est pas faute de places au permis, c’est faute d’avoir du personnel pour ces places-là.
Des établissements à bout de ressources
Elle ajoute que l’entente est venue avec des frais de gestion, une charge de travail administrative et des exigences accrues sur le plan de la qualification du personnel.
Tout cela associé au coût de la vie et à une faible croissance des revenus fait qu’elle voit même de nombreuses garderies réduire leur capacité.
« Il y a eu un vent d’espoir. Oui, au départ on se voyait dans un tunnel et on voyait une lumière arriver [...] Mais là on a l’impression que la lumière, c’est le train. C’est là où le secteur est rendu. »
Le secteur est épuisé, le secteur est découragé. Chaque semaine, on a des démissions. Chaque semaine, des centres nous disent qu’ils n’en peuvent plus, des superviseurs nous disent : "Je peux pas faire mon travail, je suis toujours sur le plancher"
, résume Martine St-Onge.
Elle s'inquiète de voir les finances de plusieurs établissements se détériorer.
En décembre, le gouvernement de l’Ontario disait avoir créé 18 000 des 71 000 places en garderie promises d’ici 2026.
Le ministère de l'Éducation n'avait pas répondu aux questions de suivi de Radio-Canada avant la publication de cet article.