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Droits de la personne : Amnistie internationale dénonce « l’hypocrisie » de l’Occident

Dans son rapport annuel, l'ONG écorche les pays occidentaux pour leur inaction face aux violations commises par des pays alliés, ce qui contraste avec leur réaction vis-à-vis de Moscou concernant sa guerre contre l'Ukraine. Le Canada a lui aussi été épinglé pour son bilan en matière de droits des Premières Nations et de justice climatique.

Une femme noire pleure sur le bord d'une plage.

Une migrante clandestine originaire du Congo éclate en sanglots après le sauvetage de son embarcation au large de la Grèce.

Photo : Getty Images / AFP/ARIS MESSINIS

Amnistie internationale dénonce le « deux poids, deux mesures » des pays occidentaux en matière de droits de la personne. Dans son rapport annuel pour 2022, l’organisation pour la défense des droits de la personne affirme que l’invasion russe de l’Ukraine a « dévoilé au grand jour l’hypocrisie » de ces pays qui ont condamné les agissements de Moscou tout en « fermant les yeux » sur des violations commises par leurs alliés, dont l’Arabie saoudite, l’Égypte et Israël.

Tout en saluant la réaction ferme et rapide des pays occidentaux face à la guerre en Ukraine, Amnistie constate qu’elle contraste fortement avec le manque de réactions relativement à d’autres conflits, comme en Éthiopie et au Myanmar. L’ONG souligne également un contraste avec les précédentes réactions de l’Occident à l'égard d’autres violations massives commises par la Russie dans d’autres pays, comme en Tchétchénie ou en Syrie.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un exemple glaçant de ce qui peut se produire quand des États pensent pouvoir faire fi du droit international et violer les droits humains en toute impunité, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnistie internationale.

Si le système avait fonctionné et demandé des comptes à la Russie pour ses crimes avérés en Tchétchénie et en Syrie, des milliers de vies auraient pu être sauvées à l’époque et aujourd’hui, en Ukraine et ailleurs. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec encore plus de souffrance et de dévastation, a déclaré Mme Callamard.

Des hommes et des femmes s'activent dans un entrepôt, au milieu de centaines de boîtes entassées.

Dans un entrepôt de Lviv, des bénévoles s'affairent à trier de la nourriture et des vêtements donnés au profit des Ukrainiens qui ont fui leur domicile en raison de l'offensive russe. Selon l'ONU, 11,5 millions d'Ukrainiens sont dans cette situation, qu'ils aient quitté le pays ou non.

Photo : Getty Images / AFP/YURIY DYACHYSHYN

Selon Amnistie, cette pratique de deux poids, deux mesures et les réponses insuffisantes aux atteintes aux droits humains commises aux quatre coins de la planète ont alimenté l’impunité et l’instabilité. L’ONG cite notamment en guise d'exemple le silence assourdissant sur le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits fondamentaux, la passivité à propos de l’Égypte et le refus d’affronter le système d’apartheid mis en place par Israël contre les Palestiniens.

Des politiques migratoires inégales

En plus de la guerre russe en Ukraine, le monde a été marqué par plusieurs conflits meurtriers en 2022, recense Amnistie, dont les violences en Éthiopie, qui ont fait des centaines de milliers de morts au Tigré occidental.

L’ONG rappelle également que le conflit israélo-palestinien a connu l’une des années les plus sanglantes en 2022 avec au moins 151 Palestiniens tués en Cisjordanie occupée, dont plusieurs dizaines d’enfants lors de raids militaires israéliens.

Au lieu d’exiger la fin du système d’apartheid mis en place par Israël, nombre de gouvernements occidentaux ont préféré s’en prendre à celles et ceux qui le dénonçaient, indique le rapport.

Trois enfants palestiniennes devant les ruines d'une maison détruite par l'armée israélienne dans Jérusalem-Est.

Trois enfants palestiniennes se réunissent devant une maison de Jérusalem-Est détruite par les bulldozers israéliens, le 29 janvier 2023.

Photo : Getty Images / AFP / Ahmad Gharabli

« S’il veut gagner [la] guerre [en Ukraine], le monde occidental ne peut pas dans le même temps tolérer des actes d’agressions similaires dans d’autres pays uniquement parce que ses intérêts sont en jeu. »

— Une citation de  Extrait du rapport annuel d’Amnistie internationale

L’ONG s’en prend également aux politiques migratoires des pays européens et nord-américains, les accusant d’avoir fermé leurs portes aux réfugiés fuyant les violences en Syrie et en Afghanistan alors qu’elles étaient grandes ouvertes pour les Ukrainiens qui voulaient échapper à la guerre.

Les États-Unis, qui ont accueilli des dizaines de milliers d'Ukrainiens, ont entre septembre 2021 et mai 2022 expulsé plus de 25 000 Haïtiens, souvent après les avoir placés en détention et soumis nombre d'entre eux à la torture, s'est indignée Mme Callamard.

Les droits « au cas par cas »

Dans son rapport, Amnistie dénonce aussi le manque d’actions des Occidentaux face aux violations perpétrées par la Chine à l’encontre de la minorité musulmane des Ouïgours. La Chine a échappé à toute condamnation internationale de la part de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui a décidé par un vote de ne pas enquêter davantage sur les crimes ayant pu être commis dans le Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine.

Le Xinjiang, longtemps frappé par des attentats attribués à des séparatistes et des islamistes ouïgours, fait l'objet depuis quelques années d'une répression menée au nom de l'antiterrorisme. Pékin est accusé d'y avoir interné au moins un million de Ouïgours et de membres d'autres minorités musulmanes dans des camps de rééducation, voire d'imposer du travail forcé et des stérilisations forcées.

Une femme tient une affiche dénonçant le « génocide des Ouïgours ».

Des manifestations ont régulièrement lieu un peu partout dans le monde, comme celle-ci à Istanbul, pour dénoncer le traitement réservé à la minorité ouïgoure par la Chine.

Photo : afp via getty images / Ozan Kose

Les pays ont appliqué le droit relatif aux droits humains au cas par cas, faisant preuve au fil du temps d’une hypocrisie flagrante et de deux poids, deux mesures. [...] C’est un comportement inadmissible, qui affaiblit la trame même des droits fondamentaux universels, a déclaré Agnès Callamard.

« Nous avons besoin de moins d’hypocrisie, de moins de cynisme et de plus d’action cohérente, fondée sur des principes et ambitieuse de la part de tous les États pour promouvoir et protéger l’ensemble des droits. »

— Une citation de  Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnistie internationale

Dans son document de plus de 500 pages, Amnistie passe en revue des séries de violations répertoriées dans 156 pays à travers le monde : violences, répression, restrictions du droit à l’avortement, discrimination, accroissement des inégalités…

L’ONG évoque notamment les conflits au Myanmar, en Haïti, au Mali, au Venezuela et au Yémen, entre autres, et déplore les atteintes aux droits des femmes en Iran et en Afghanistan.

Amnistie salue d’ailleurs le courage des femmes afghanes qui ont manifesté contre le régime ultraconservateur des talibans, ainsi que celui des Iraniennes qui protestent contre le port obligatoire du voile. Le fait que, face à la répression, des milliers de gens se soient néanmoins unis pour écrire, signer des pétitions ou descendre dans la rue est en soi rassurant, souligne le rapport.

Plusieurs femmes voilées portant des affiches contre la décision des talibans de les bannir des écoles et des universités.

Des Afghanes manifestent à Kaboul en mars 2022 pour la levée des restrictions imposées aux femmes par les talibans.

Photo : Getty Images / AFP/AHMAD SAHEL ARMAN

L’organisation pour la défense des droits de la personne évoque enfin l’inaction de la communauté internationale relativement à l’urgence climatique.

Alors que l’année 2022 a été marquée par des épisodes de sécheresse, des inondations et des incendies, les dirigeants qui étaient réunis à la COP27 en Égypte ne sont pas parvenus à prendre les mesures nécessaires pour maintenir la hausse moyenne des températures à la surface du globe sous le seuil de 1,5 degré Celsius, dénonce le rapport.

Les États ont refusé de s’attaquer au premier facteur responsable du réchauffement climatique : la production et l’utilisation des carburants fossiles, indique le document.

Le Canada épinglé

Le Canada a d’ailleurs été écorché par Amnistie pour son bilan en matière de droits des Premières Nations et de justice climatique.

D’une part, l’ONG accuse le gouvernement fédéral d’avoir manqué de répondre à ses obligations de protéger les terres et les cours d’eau des peuples autochtones. D’une autre part, elle critique Ottawa pour son approche face aux changements climatiques qui ne reflète pas le niveau de responsabilité du Canada en tant qu’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre par habitant au monde, ni sa capacité d’action.

Des manifestants qui dénoncent le pipeline Trans Mountain sont rassemblés devant le Musée des beaux-arts de Vancouver.

Des manifestants qui dénoncent le pipeline Trans Mountain sont rassemblés devant le Musée des beaux-arts de Vancouver en avril 2022.

Photo : Fournie par Climate Convergence

« Le bilan du Canada en ce qui concerne les droits des peuples autochtones est désastreux. Rien n’a été fait pour régler les problèmes de fond et pour redonner aux peuples autochtones le contrôle de leur territoire. Enfin, respecter le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones est impératif. »

— Une citation de  France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone

Une action concrète des gouvernements du Canada est indispensable, d’autant plus que la crise climatique exacerbe les risques de disparition des cultures autochtones, un patrimoine et un savoir-faire ancestral qu’il serait dramatique de voir s'éteindre, a affirmé Mme Langlois dans un communiqué.

Amnistie dénonce par ailleurs la décision du gouvernement de Justin Trudeau de soutenir l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain, violant ainsi les droits de la Première Nation Tsleil-Waututh.

Le Canada s’est engagé à mettre en œuvre la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, pourtant, les membres de notre Nation Tsleil-Waututh ont été harcelés et criminalisés pour s’être opposés pacifiquement au projet de l’oléoduc Trans Mountain, indique Charlene Aleck, membre du Conseil de la Nation Tsleil-Waututh, dans un communiqué conjoint avec Amnistie Canada.

Une personne est traînée par quatre policiers.

Une personne est retirée de force par la GRC d'un chantier situé sur le territoire non cédé de la Première Nation Secwepemc à Kamloops, en Colombie-Britannique.

Photo : Gracieuseté du conseil du feu de la femme sacrée Secwepemc

Le pipeline et le pétrole qu’il transporte constituent de graves menaces pour Burrard Inlet – lieu de naissance de nos ancêtres. Nous avons refusé notre consentement préalable, libre et éclairé pour ce projet, pourtant, le Canada va de l’avant avec la construction. Il n’y aura pas de réconciliation possible si le consentement n’est pas respecté.

L’ONG déplore enfin une trentaine d'avis à long terme sur l'eau potable au sein des Premières Nations, ainsi que la pollution au mercure qui continue d'empoisonner la vie de la Première Nation Grassy Narrows, l’exploitation forestière, en plus de la stérilisation forcée des femmes autochtones.

La situation des droits des peuples autochtones au Canada est une honte nationale, a dit pour sa part Ketty Nivyabandi, secrétaire générale de la section anglophone d’Amnistie internationale Canada. Malgré les nombreuses promesses de s’attaquer à ces injustices récurrentes, les différents niveaux de gouvernement canadien n’ont pas réussi à respecter les droits des peuples autochtones ni à protéger leurs terres et leurs ressources. La crise climatique exacerbe ces injustices et nécessite des mesures urgentes et décisives de la part du gouvernement.

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