•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Prix sur le carbone : Ottawa prépare une « assurance Poilievre » dans son budget

Les libéraux fédéraux veulent pérenniser leur prix sur le carbone dans leur budget de mardi.

Une usine émet un nuage de pollution.

Le gouvernement Trudeau veut obliger les prochains gouvernements qui voudraient abolir ou modifier la tarification du carbone à indemniser les entreprises.

Photo : iStock

Le gouvernement Trudeau veut lier les mains des prochains gouvernements qui seraient tentés d’éliminer ou de réduire la tarification sur le carbone.

Selon des informations obtenues par Radio-Canada, les libéraux s’apprêtent à dévoiler un mécanisme surnommé à l’interne l’assurance Poilievre qui obligerait le gouvernement fédéral à indemniser les entreprises si le prix sur le carbone devait être réduit ou abandonné.

Le gouvernement Trudeau travaille à mettre au point des contrats sur la différence carbone (contracts for carbon differences). La ministre Chrystia Freeland en fera l’annonce dans son budget mardi.

À l’aide de ces ententes, Ottawa garantirait la trajectoire du prix sur le carbone pour une longue période. Il s'engagerait à verser des indemnisations financières substantielles aux entreprises qui font des investissements pour réduire leurs émissions dans l'éventualité où le prix sur le carbone serait revu à la baisse ou éliminé.

Cela permettrait de mettre fin à l’incertitude politique sur l’avenir de la tarification carbone. Une garantie gouvernementale à long terme pourrait inciter davantage d'entreprises à investir dans leur décarbonation.

Assurance Poilievre

Pierre Poilievre.

Pierre Poilievre a fait campagne au sein de son parti en promettant qu'il se débarrasserait de la taxe sur le carbone s'il devenait premier ministre.

Photo : CBC/Matt Duguid

La promesse du chef conservateur d’éliminer la tarification sur le carbone s’il est élu suscite beaucoup d’hésitation dans la communauté d’affaires quand vient le moment d’investir pour réduire les émissions.

Le gouvernement veut éliminer le risque politique pour les entreprises, a expliqué une source sous le couvert de l’anonymat.

Le gouvernement Trudeau a annoncé que le tarif atteindra 170 $ la tonne de carbone en 2030, ce qui devrait normalement stimuler les investissements dans les technologies vertes.

Parmi les risques pour les entreprises, il y a celui que les politiques changent, que l’augmentation soit moins élevée que prévu ou que la tarification carbone soit complètement annulée. Pourquoi une entreprise investirait-elle pour réduire ses émissions si le prix sur le carbone était appelé à être abandonné?

L’idée, c’est d’assurer une prévisibilité du marché, selon Caroline Brouillette, directrice intérimaire du Réseau Action Climat.

Voyant la hausse à venir du prix du carbone, une entreprise voudra peut-être investir dans l’électrification de ses activités. Toutefois, si un futur gouvernement venait à retirer cette tarification, ces investissements deviendraient moins compétitifs, explique-t-elle.

Ces contrats sur la différence carbone faciliteraient aussi la tâche des entreprises quand le temps est venu d’obtenir du financement auprès des banques, et ce, en leur offrant des garanties gouvernementales en cas de perte liée à un changement de politique carbone.

Ces contrats viseraient, pour l’instant, des projets de décarbonation de grande taille, qui nécessitent des investissements majeurs. On peut penser aux secteurs du pétrole et du ciment, cite notre source à titre d'exemple.

Une réflexion est en cours afin d'établir un mécanisme semblable pour des projets de plus petite taille.

Outil politique

Cette mesure remplit aussi un objectif politique. Elle permettrait à Justin Trudeau de garantir son héritage politique autour de la tarification sur le carbone. C’est aussi une manière d’embêter les conservateurs.

La promesse des conservateurs d’éliminer le prix sur le carbone viendrait alors avec un coût considérable.

En entrevue à l’émission Power & Politics de CBC, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, n’a pas caché les intentions politiques du gouvernement libéral. Écoutez, il faut regarder en avant. Si M. Poilievre veut regarder en arrière, c’est son affaire, a-t-il lancé. Mais le monde avance dans une direction, c’est assez clair. Vous avez vu le Inflation Reduction Act [la loi anti-inflation], par exemple, aux États-Unis. Cela génère des investissements significatifs en Amérique du Nord.

« Je dirais que les Canadiens nous font confiance pour dire : écoutez, on doit regarder vers le futur. On doit investir et avoir la structure pour garantir ces investissements. »

— Une citation de  François-Philippe Champagne, ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, en entrevue à Power & Politics

Si le mécanisme est adopté, il forcerait les conservateurs à chiffrer dans leurs prochaines plateformes électorales le coût de ces indemnisations aux entreprises, ce qui pourrait s’élever à plusieurs milliards de dollars.

Un employé marche vers des installations industrielles.

Des installations de capture du carbone de la pétrolière Shell, à Fort Saskatchewan, en Alberta.

Photo : Reuters / TODD KOROL

L'idée, dit Caroline Brouillette, c'est de dépolitiser la question de la tarification carbone fédérale et d’en faire une question économique. Si un futur gouvernement venait à la retirer, il devrait alors payer cette police d’assurance.

Cependant, la directrice intérimaire du Réseau Action Climat insiste pour dire que la tarification carbone n’est pas la panacée dans la lutte contre les changements climatiques.

Le gouvernement Trudeau a investi énormément d’énergie dans son prix sur le carbone, mais ce n’est qu’un seul outil dans la boîte à outils pour faire face à la crise climatique, estime Caroline Brouillette.

Le Réseau Action Climat réclame des investissements gouvernementaux équivalents à 2 % du PIB en actions climatiques, qui sont réellement des solutions et qui ne sont pas au final des subventions aux énergies fossiles, explique Caroline Brouillette.

Les contrats sur la différence carbone pourraient-ils être considérés comme des subventions déguisées aux énergies fossiles? La question se pose, estime-t-elle.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...