Santé Québec : le projet de loi du ministre Dubé suscite crainte et espoir
Les sentiments sont partagés en vue du dépôt cette semaine d'une pièce législative fort attendue.

La CAQ entreprend à son tour de revoir la structure du système de santé québécois.
Photo : getty images/istockphoto
Le réseau de la santé se prépare en vue d'une énième réforme visant à le rendre plus efficace et dont les détails seront connus dans les prochains jours, lorsque le ministre Christian Dubé déposera devant l'Assemblée nationale son projet de loi pour créer Santé Québec.
Selon des informations d'abord rapportées par La Presse et confirmées par Radio-Canada, la pièce législative s'attaquera notamment au « carcan syndical » afin de forcer la fusion des listes d'ancienneté des syndicats dans le but de favoriser la mobilité de la main-d'œuvre entre les établissements.
Ainsi, une infirmière d'expérience pourra par exemple changer d'établissement ou de région sans pour autant craindre de se retrouver au bas de la liste
.
Si la plupart des centrales ont préféré attendre de voir le projet de loi avant de le commenter, la CSNle jeu [en valait] la chandelle
.
Ce n'est pas facile de travailler dans le secteur de la santé, et une des choses qui fait en sorte que les gens restent, c'est un fort sentiment d'appartenance au lieu où ils travaillent et aux gens avec qui ils travaillent
, a expliqué sa présidente, Caroline Senneville, en entrevue à Radio-Canada.
« Est-ce que le fait d'avoir une ancienneté nationale, ça va venir briser ce sentiment d'appartenance là? Moi, je vous dirais que, s'il y a [bien] quelque chose qu'on ne peut pas se payer comme système de santé, c'est d'amoindrir ce [sentiment-là], parce qu'il ne restera plus grand-chose pour inciter les gens à travailler en santé. »
Le projet de loi qui sera déposé dans les prochains jours par le ministre Dubé aura également pour effet de forcer les médecins spécialistes à travailler dans certaines régions moins bien desservies ou sur des quarts moins populaires (soir, nuit, week-end).
Une telle mesure risque d'être difficile
à implanter, notamment en raison de la résistance
prévisible de la FMSQ , prévoit l'ex-PDG de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal David Levine. Mais elle n'en est pas moins absolument nécessaire
, a-t-il confié à ICI RDI, lundi matin.
Actuellement, de nombreux patients admis à l'urgence en soirée doivent attendre le lendemain matin pour voir un médecin spécialiste, précise M. Levine. Le projet de loi qui sera déposé dans les prochains jours, espère-t-il, permettra d'accélérer le rythme des consultations et, plus largement, de désengorger le système
.
Pas le temps
de mettre le feu aux poudres
, selon QS
Le cabinet de Christian Dubé, lui, n'a pas voulu donner de détails sur la pièce législative tant attendue. Dans une déclaration transmise par courriel à Radio-Canada, l'attaché de presse Antoine de la Durantaye s'est contenté de répéter qu'il fallait rendre le réseau de la santé plus efficace, pour le bénéfice des Québécois
.
Québec solidaire (QS) estime pour sa part que le gouvernement Legault fait fausse route avec une telle réforme, qui rendra l'agence Santé Québec responsable de coordonner les opérations du réseau, alors que le ministère se contentera de déterminer des orientations.
Le porte-parole solidaire en matière de santé, Vincent Marissal, craint que le gouvernement se déresponsabilise en créant une nouvelle superstructure
qui n'aurait plus à rendre compte sur le plan politique.
Une telle organisation, selon lui, dispenserait le gouvernement et le ministre d'être responsables, par exemple, si une région [venait à manquer] cruellement de médecins ou si les gens [venaient à ne pas être vus] dans les délais normaux
.
Le réseau de la santé est déjà très, très fragile
, a rappelé le député de Rosemont, lundi, en entrevue à Radio-Canada. Ce n'est pas le temps, justement, de mettre le feu aux poudres encore une fois avec de nouvelles structures et de nouvelles confrontations.
La Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault a promis la création de l'agence Santé Québec lors des plus récentes élections générales, qu'elle a remportées haut la main.
Dans une déclaration fort médiatisée, le ministre Dubé a par la suite précisé que son projet de loi était susceptible d'ébranler (shaker
) les colonnes du temple.
Depuis, M. Dubé a rencontré une cinquantaine de gens d'affaires pour diriger Santé Québec, qu'il a qualifiés de top guns
du secteur privé.
S'il n'affectionne pas particulièrement l'expression, l'ex-ministre péquiste Michel Clair, qui préconisait déjà la création d'une telle agence en 2001, croit lui aussi que le réseau de la santé a besoin d'un apport extérieur pour trouver un nouveau souffle.
Si on crée l'agence Santé Québec pour juste transplanter la moitié du ministère à côté, avec les mêmes personnes qui pensent de la même manière depuis les 30 dernières années, je pense qu'on n'aura pas fait œuvre aussi utile qu'on pourrait le faire
, a-t-il indiqué lundi à l'émission Midi info, sur ICI Première.
Avec les informations d'Alexandre Duval, de Véronique Prince et de La Presse canadienne