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Des migrants tentent de contourner le chemin Roxham depuis sa fermeture

Des demandeurs d'asile.

L'accord conclu entre Ottawa et Washington est entré en vigueur à minuit dans la nuit de vendredi à samedi.

Photo : Radio-Canada / Xavier Savard-Fournier

Radio-Canada

Une quinzaine de demandeurs d'asile se sont vu refuser l'accès au Canada par le chemin Roxham depuis sa fermeture, entrée en vigueur vendredi à minuit, selon les dernières données fournies par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Pendant ce temps, des voisins disent voir des migrants contourner la zone de passage habituelle.

En date de lundi midi, 33 demandes avaient été traitées, selon l'ASFC. De ce nombre, 18 personnes ont été jugées admissibles à poursuivre leur demande de protection au Canada, tandis que 15 autres ont été renvoyées aux États-Unis sur la base du Protocole additionnel de l'Entente sur les tiers pays sûrs.

Aux premières loges, des résidents de Saint-Bernard-de-Lacolle ont rapporté à leur mairesse, Estelle Muzzi, qu'ils avaient vu des demandeurs d’asile entrer au Canada ailleurs que par le chemin Roxham.

Du côté américain, William Wimble, qui vit sur le chemin Roxham, voit régulièrement passer des migrants derrière sa maison.

Des migrants sont encore conduits jusqu’au chemin Roxham; 10 sont arrivés samedi soir. Je crois que la fermeture va empirer les choses; c’est comme ça, a dit M. Wimble.

Interrogé à propos des affirmations de la mairesse de la municipalité, le ministre du Patrimoine canadien et lieutenant du Québec, Pablo Rodriguez, s’est montré circonspect.

Je ne peux pas commenter sur ce qu’elle pense avoir vu ou non. Je ne sais pas, il est possible que des gens essaient de passer à travers, a dit M. Rodriguez à l'émission Tout un matin.

Laisser les migrants passer ailleurs que par un poste-frontière doit être évité à tout moment, a-t-il dit. Mais en raison de la longue frontière entre le Canada et les États-Unis, il n’y a pas de façon parfaite d’éviter tout ça.

« Quelqu’un qui essaie de passer par le bois peut peut-être réussir et c’est ce qu’on essaie d’éviter : [il ne faut] pas mettre en danger la vie des gens et de leurs familles. »

— Une citation de  Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien et lieutenant du Québec

Questionné sur les manières dont le Canada empêche les migrants de traverser la frontière, le ministre Rodriguez s'est contenté d'évoquer le rôle des ambassades et la publicité à l'étranger au sujet des processus d'immigration en bonne et due forme.

Un migrant debout près de l'autobus qui l'a transporté jusqu'au chemin Roxham.

À compter de 2017, un réseau de passeurs s'était organisé aux États-Unis pour conduire les migrants jusqu'au chemin Roxham.

Photo : (Carlos Osorio/Reuters)

De son côté, la ministre québécoise de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, a rappelé que la gestion des frontières est une compétence fédérale. Il va certainement y avoir quelques tentatives pour recréer des lieux de passage. […] Ce sera au fédéral de surveiller quels autres lieux de passage les personnes pourraient tenter d'utiliser.

Par rapport au risque que des migrants décident de contourner le chemin Roxham et de devenir des sans-papiers, la ministre s'est contentée de répondre que, comme gouvernement, on préfère grandement que les gens entrent de manière régulière sur le territoire québécois.

Toutefois, pour Mme Fréchette, la fermeture du chemin Roxham répond à la crise la plus urgente : On était arrivés à une situation où on avait deux fois plus d’entrées de demandeurs d’asile de manière irrégulière que de façon régulière; c’était une anomalie et il fallait corriger le tir.

Pour la suite, Mme Fréchette soutient que le Québec a déjà reçu plus que sa part et demande à ce que les autres provinces accueillent des migrants à leur tour. La ministre souhaite aussi que les personnes qui sont déjà arrivées au Québec puissent bénéficier de services de base, par exemple un logement abordable et des soins.

15 000 demandeurs d’asile de plus au Canada

La fermeture du chemin Roxham est survenue après de longues négociations avec la Maison-Blanche, qui a accepté de moderniser l’entente à la frontière à condition que le Canada accepte 15 000 demandeurs d’asile de plus au cours des 12 prochains mois. Peu de détails sont connus concernant ce programme, qui est encore en cours d’élaboration.

Cependant, cette entente ne concerne pas vraiment les migrants qui continuent de se rendre au chemin Roxham, a confirmé en entrevue M. Rodriguez. Les 15 000, on ne parle pas des gens qui sont déjà arrivés au Canada [...]; on parle ici de gens qui sont généralement dans leur pays.

Il peut aussi s’agir de personnes déplacées, comme un réfugié vénézuélien qui se trouverait en Colombie et qui demanderait l’asile au Canada par des voies officielles, a donné le ministre en exemple.

Toutefois, des personnes qui répondent à certaines conditions pourront continuer à passer au chemin Roxham, a rappelé M. Rodriguez. C’est le cas des mineurs non accompagnés ou encore des demandeurs qui ont des membres de leur famille au Canada.

Migrants coincés aux États-Unis

Si le chemin Roxham n’est plus une option pour les demandeurs d’asile, que deviendront ceux et celles qui continuent de s’y rendre?

Après avoir été refoulé aux États-Unis, un migrant a parlé de sa situation à notre envoyée spéciale. Je n’ai plus le choix d’être ici, mais être ici sans être heureux, ça sert à quoi? Il n’y a plus d’espoir, a-t-il dit. Il cherche maintenant à retrouver sa copine restée chez lui.

Cet homme a demandé l'anonymat puisqu'il craint les répercussions qu’il pourrait y avoir dans son pays d'origine si les États-Unis lui disent à leur tour qu’il ne peut pas rester.

« Je ne peux pas rentrer chez moi, mais qu’est-ce que je fais ici? Je ne sais pas. »

— Une citation de  Témoignage d'un migrant coincé aux États-Unis

À Champlain, une petite ville frontalière du côté des États-Unis, il n'y a ni refuge ni aide alimentaire. Un seul organisme aide les migrants, mais il dispose de ressources financières limitées.

Il n’y a rien qui existe ici pour aider les personnes [...] : pas de services, pas de centre d’abri, il n’y a rien, a souligné la mairesse de Champlain, Janet McFetridge.

Ça m’étonne que ça se soit passé si vite; si on nous avait donné deux semaines pour faire des préparations, ça aurait pu nous aider, a déploré Mme McFetridge, qui est également bénévole.

À une cinquantaine de kilomètres du chemin Roxham, des résidents de Plattsburgh s’inquiètent aussi des conséquences du resserrement des conditions d’entrée à ce passage.

Ils sont coincés aux États-Unis depuis la fermeture du chemin Roxham. Ces migrants qui viennent de loin se retrouvent seuls. Si aucune aide n'est pour l'instant organisée, des citoyens américains s'activent pour les soutenir. De leur côté, des résidents tout près du chemin Roxham, appréhendent les conséquences de sa fermeture. Un reportage de Marie-Isabelle Rochon.

Ils craignent que les ressources soient insuffisantes pour recevoir les migrants qui pourraient être refoulés dans cette ville de l’État de New York. Je me sens mal dans les circonstances, mais ils doivent trouver une autre solution, a dit une résidente.

Une autre fait valoir que sans logement adéquat, les conditions de vie sont difficiles en raison du climat froid l'hiver. Plattsburgh a déjà connu un scénario semblable en 1987, lorsque le Canada avait refoulé de nombreux migrants aux États-Unis. Une église presbytérienne avait alors hébergé des familles de passage durant une période de cinq ans.

Je pense que si des réfugiés viennent vers nous, cette communauté répondra d’une manière ou d’une autre pour fournir un logement, un abri, tout ce qui est nécessaire pour les personnes qui passent, a souligné Stuart Voss, un membre de cette église.

Des conditions reconnues à l’ONU, dit Rodriguez

Interrogé sur le sort de migrants coincés aux États-Unis, le ministre Rodriguez affirme que l’Entente sur les tiers pays sûrs suit les principes énoncés à l’ONU.

« Il n’y a personne au monde qui veut refuser quelqu’un [...], mais il y a des règles à respecter, puis on respecte ce que les Nations unies nous demandent de faire. »

— Une citation de  Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien et lieutenant du Québec

En 2022, près de 40 000 demandeurs d’asile ont franchi la frontière par le chemin Roxham, selon les données fédérales.

Avec les informations de Marie-Isabelle Rochon

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