Ottawa incapable de mesurer l’impact de sa politique d’aide internationale féministe

L'Éthiopie est un des pays qui bénéficient le plus de l'aide internationale accordée par le Canada.
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Affaires mondiales Canada n'a pas réussi à convaincre le Bureau du vérificateur général (BVG) que les 3,5 milliards de dollars (G$ CA) accordés chaque année sous forme d'aide bilatérale au développement profitent réellement aux femmes et aux filles à qui le gouvernement Trudeau souhaite prêter assistance.
Le Ministère n’est pas parvenu à démontrer comment la mise en œuvre de la Politique d’aide internationale féministe du Canada a contribué à améliorer l’égalité des genres dans les pays à revenu faible et intermédiaire
, conclut le BVG dans un rapport déposé à la Chambre des communes lundi avant-midi.
Le document de 25 pages jette un regard critique sur la gestion des 3,5 milliards de dollars qu'a consacrés annuellement Affaires mondiales Canada à l'aide bilatérale au développement dans ces pays entre le 1er avril 2017 et le 31 mars 2022.
D'importantes lacunes
dans les pratiques de gestion de l'information du Ministère ont notamment été décelées, ce qui a donné lieu à des dossiers de projet incomplets ou manquants
.
De plus, les rapports annuels au Parlement sur l’aide internationale faisaient état des résultats seulement pour environ la moitié des projets financés par Affaires mondiales Canada, ce qui était insuffisant pour refléter les résultats de façon exacte
, note le BVG .
Les auteurs du rapport reprochent en outre au Ministère de ne pas avoir systématiquement procédé, pour chacun des projets financés, à l'analyse des facteurs identitaires liés à l’intersectionnalité
autre que l'âge.
Sans intégrer des facteurs comme le lieu géographique ou la situation de famille dans les évaluations relatives à l’égalité des genres, il était difficile de savoir comment le Ministère estimait dans quelle mesure les projets étaient destinés à mettre en œuvre des programmes inclusifs
, écrivent-ils.
Enfin, le BVG
constate qu’Affaires mondiales Canada n'a pas atteint deux de ses trois engagements en matière de dépenses en vertu de la Politique d’aide internationale féministe du Canada.Alors que 50 % des fonds auraient dû être investis dans les pays de l'Afrique subsaharienne, ce taux n'a jamais été atteint. Tout au plus est-il passé de 35 % à 49 %, un sommet, de 2016-2017 à 2017-2018.
Pour toutes ces raisons, le BVG
affirme qu'Ottawa doit se ressaisir rapidement.« Il est impératif qu’Affaires mondiales Canada prenne immédiatement des mesures [...] afin de montrer que les femmes et les filles profitent des programmes financés par le Canada et que les investissements canadiens sont utiles. »
La Politique d'aide internationale féministe du Canada a été lancée en 2017 sous le premier gouvernement de Justin Trudeau. À ce jour, aucun autre pays ne s'est doté d'une telle politique, souligne le BVG .
Selon le rapport déposé lundi, l'Afghanistan, le Bangladesh et l'Éthiopie sont les pays qui ont le plus bénéficié de l'aide bilatérale au développement accordée par le Canada entre 2017-2018 et 2021-2022. Plus de 500 millions $ CA ont été dépensés dans chacun de ces trois États.
Depuis 2017, Ottawa a déboursé en moyenne 5,2 milliards $ CA par année à l'aide internationale. De ce montant, les deux tiers environ – 3,5 milliards $ CA – ont été accordés sous forme d'aide bilatérale à des organisations individuelles à l’appui de projets particuliers. Le reste a servi par exemple à l'aide humanitaire en cas d'urgence.
L'audit du BVGl'aide internationale pour appuyer l’égalité des genres
a été déposé lundi aux Communes en même temps que trois autres rapports portant sur le transport accessible aux personnes handicapées, sur la connectivité dans les régions rurales et éloignées et sur la réhabilitation du Parlement.