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Des victimes du tabac sont contre une nouvelle demande de sursis de l’industrie

Les trois compagnies canadiennes ont obtenu la protection des tribunaux contre leurs créanciers en mars 2019.

Des paquets de cigarettes.

JTI-Macdonald Corp, Rothmans, Benson & Hedges et Imperial Tobacco Canada Ltd se sont placées sous la protection de la loi fédérale sur les arrangements avec les créanciers après leur défaite devant la Cour d'appel du Québec en mars 2019.

Photo : Radio-Canada

Les grandes compagnies de tabac canadiennes ont à nouveau demandé mardi à un juge ontarien de prolonger de 6 mois la protection qu'elles ont obtenue des tribunaux en 2019 pendant qu'elles continuent de négocier une solution avec leurs créanciers. Le magistrat a mis sa décision en délibéré après des désaccords entre les parties, qui ne sont prêtes à donner à l'industrie qu'un délai de trois mois.

C'est la première fois que les avocats des recours collectifs au Québec et en Colombie-Britannique s'opposent avec autant d'énergie à ce que la Cour supérieure de l'Ontario accorde un autre sursis aux géants JTI-Macdonald Corp, Rothmans, Benson & Hedges et Imperial Tobacco Canada Ltd.

Les entreprises sont en difficultés financières depuis que la Cour d'appel du Québec les a forcées en 2019 à indemniser, à hauteur de près de 15 milliards de dollars, 100 000 victimes du tabagisme dans cette province.

L'impatience et l'exaspération de l'avocat des victimes inscrites au recours collectif au Québec étaient palpables lors de l'audience virtuelle à Toronto.

Des cigarettes empilées.

Les compagnies JTI-Macdonald Corp, Rothmans, Benson & Hedges et Imperial Tobacco Canada Ltd ont obtenu de nombreux sursis. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Michaela Rehle

Position des victimes

Le Conseil québécois sur le tabac et la santé, qui représente les victimes québécoises, affirme qu'un sursis de trois mois serait suffisant, parce qu'il est temps de voir la lumière au bout du tunnel dans ce long processus de restructuration.

Son avocat, Bruce Johnston, pense qu'il s'agit d'un abus de procédures. Un délai plus court permettra de maintenir la dynamique dans les négociations et d'aboutir à une solution, a-t-il dit.

Il fait remarquer que les progrès réalisés depuis la fin septembre 2022 n'ont en fait été enregistrés que dans les dernières semaines précédant l'audience de ce matin et non au cours des six derniers mois.

Cela prouve, selon lui, que les parties sont capables d'obtenir des gains en très peu de temps. Un sursis de trois mois permettrait de dégager les priorités, a-t-il ajouté.

L'avocat souligne par ailleurs que le processus est injuste pour ses clients, puisque les négociations sont confidentielles et qu'il est impossible de les tenir informés de la teneur et de la rapidité des pourparlers.

Le secret entourant les négociations nous oblige à travailler à l'aveuglette, a-t-il précisé en dénonçant un manque de transparence.

Témoignage d'un mourant

Me Johnston a présenté à la cour le témoignage émouvant d'Émile Rioux, un membre du recours collectif aujourd'hui décédé.

Je sais, le tabac m'a rendu malade au point de me tuer, j'ai sollicité l'aide médicale à mourir dans un hôpital de Laval pour mettre fin à mes souffrances, être auprès des miens et vivre en paix avec moi-même, a-t-il lu à voix haute.

Que voudriez-vous que je dise à sa veuve maintenant?, a demandé Me Johnston au magistrat en expliquant que les victimes sont nombreuses aujourd'hui à avoir perdu confiance dans le système judiciaire. Une justice différée équivaut à une justice refusée, a-t-il déclaré.

Une cigarette entre les doigts.

Le litige entourant la faillite des compagnies de tabac du Canada dure maintenant depuis trois ans et demi devant la Cour supérieure de l'Ontario.

Photo : La Presse canadienne / Pawel Dwulit

Assez, c'est assez, conclut-il en ajoutant que les délais interminables ne font que prolonger les souffrances des malades et de leurs familles.

L'avocate du recours collectif des victimes du tabac de la Colombie-Britannique, Nicola Hartigan, qui parle au nom de Kenneth Knight, a également présenté la même position que celle de Me Johnston.

D'autres victimes ailleurs au pays ont elles aussi entamé des recours en justice, mais contrairement à celles du Québec et de la Colombie-Britannique, leurs procédures n'ont pas encore reçu la certification des tribunaux.

Réplique des cigarettiers

Les avocats des trois entreprises de tabac ont expliqué au juge McEwen que leurs clients avaient besoin de six mois supplémentaires pour poursuivre leur restructuration. Ils ont précisé que les trois compagnies avaient assez de liquidités d'ici là pour continuer leurs opérations.

Leurs avocats assurent que les pourparlers sont compliqués, mais qu'ils se déroulent bien et que toutes les parties négocient de bonne foi.

Des mégots de cigarette.

Les compagnies de tabac continuent toujours à vendre leurs produits depuis qu'elles tentent d'éviter la faillite.

Photo : Radio-Canada / CBC / Robert Short

L'avocate Rebecca Kennedy, qui représente JTI-Macdonald Corp, dit compatir avec les victimes du tabac, mais affirme qu'un délai de trois mois serait trop court pour arriver à une solution qui satisfasse tout le monde.

Il s'agit de la dixième demande de sursis concernant l'ordonnance qui a permis de suspendre en 2019 les procédures judiciaires entamées contre les trois entreprises.

De nombreux sursis leur ont été accordés depuis le jugement historique de la Cour d'appel du Québec du 1er mars 2019.

Historique de la cause

À l'époque, les entreprises s'étaient placées sous la protection de la loi fédérale sur les arrangements avec les créanciers des compagnies après avoir perdu un appel contre un recours collectif de 100 000 Québécois atteints de dépendance à la nicotine ou d'une maladie liée au tabac.

La Cour d'appel du Québec avait confirmé le jugement d'un tribunal inférieur qui avait ordonné aux compagnies de débourser près de 15 milliards de dollars en dommages-intérêts aux fumeurs de cette province.

Elle avait conclu que les fabricants de cigarettes avaient agi de concert et qu'ils avaient manqué à leur devoir d'informer leurs clients des dangers du tabac.

Un homme qui fume une cigarette

Les victimes québécoises du recours souffrent le plus souvent d’emphysème ou d'un cancer du poumon ou de la gorge.

Photo : Getty Images / Yasser Al-Zayyat

Après leur défaite historique au Québec, un premier juge ontarien avait accordé aux trois fabricants la protection des tribunaux.

Le juge Glenn Hainey, de la Cour supérieure de l'Ontario, avait suspendu le jugement de la Cour d'appel du Québec et, dans le même temps, toutes les poursuites judiciaires entamées contre les entreprises de tabac au Canada.

Les gouvernements des provinces tentent de récupérer les sommes d'argent qu'ils ont dépensées durant des décennies dans les soins aux malades du tabagisme.

La Société canadienne du cancer chiffre ce montant à plus de 500 milliards de dollars.

Délibérations du magistrat

Selon le juge McEwen, il s'agit du plus long et du plus compliqué processus de restructuration financière dans les annales judiciaires du Canada.

Incapable d'ailleurs de rendre sa décision sur le banc comme il en a l'habitude, le magistrat a cette fois mis sa décision en délibéré pour quelques jours avant l'expiration de la protection des tribunaux, vendredi.

Il a néanmoins encouragé toutes les parties à renouveler leurs efforts pour mettre fin à leurs négociations de façon positive.

L'avocate de la province de l'Ontario, Jacqueline Wall, a soutenu la position de l'industrie, tandis que ceux de l'Alberta, de la Saskatchewan et des provinces maritimes n'ont opté pour aucune position, favorable ou défavorable.

L'avocat du Québec, Brett Harrison, a appuyé en revanche la requête du Conseil québécois sur le tabac et la santé, tout comme celle de la Société canadienne du cancer.

En 1998, des victimes d'actes répréhensibles de l'industrie du tabac déposaient un recours collectif au Québec. 25 ans plus tard, soit un quart de siècle, c'est très, très long... il est devenu primordial d'accélérer le processus de restructuration, écrit l'avocat de la Société, Rob Cunningham, dans un courriel.

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