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Endettés et peu valorisés, les gyms lancent un S.O.S

« On a peur, on peut le dire, qu’on voit de plus en plus de fermetures. Ça va nuire autant à l'entrepreneuriat qu'à la santé des Québécois », croit Gabriel Hardy, propriétaire du gym Le Chalet.

Une femme qui marche sur un elliptique dans un centre d'entraînement.

Les salles d’entraînement deviennent généralement très populaires en janvier. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-François Fortier

Les gyms et salles de conditionnement tombent comme des mouches. Depuis la pandémie, plusieurs dizaines ont mis la clé sous la porte. Endettés et se trouvant peu valorisés par le gouvernement, plusieurs propriétaires pensent maintenant, eux aussi, fermer leur établissement.

On lance un cri du coeur, car notre industrie est essentielle, affirme Eveline Canape lors d’une entrevue avec Radio-Canada.

La dynamique vice-présidente du groupe Énergie Cardio nous accueille dans son établissement, rue Papineau, en plein cœur du Plateau Mont-Royal, mercredi après-midi. Environ une trentaine de membres suent et s’entraînent, notamment une dame de 69 ans, tout de noir vêtue, qui pédale en souriant.

Pour moi, c’est essentiel. C’est bon pour le corps et l’esprit. Surtout à l’arrivée de la retraite, on tombe dans un trou noir. Mais l’exercice physique et la socialisation, c’est gratifiant, lance Martine Huot qui ne tarit pas d’éloges envers son gym.

Des mots qui sonnent comme de la musique aux oreilles d’Eveline Canape qui se bat pour faire reconnaître les salles de sport comme un maillon essentiel dans le bien-être et la santé de la population.

« Donnez-nous un coup de main, encouragez les gens à s'entraîner, par la promotion, par l'activité physique avec des professionnels des gyms, vous allez sauver de l’argent et envoyer moins de gens vers les hôpitaux. »

— Une citation de  Eveline Canape
Elle sourit.

Eveline Canape est vice-présidente d'Énergie Cardio.

Photo : Énergie Cardio

Endettement et fermetures

Pour son groupe, Énergie Cardio, la situation est toutefois moins dramatique que pour plusieurs petits gyms qui sont tombés au combat ces derniers mois.

On a dû fermer un établissement à Joliette. Mais je pense aux autres propriétaires, ceux qui n’ont pas le soutien d’un réseau. La situation pourrait empirer et c’est ce qu’on veut éviter, dit-elle.

Mme Canape fait partie du Conseil de l’industrie canadienne de la condition physique (CCICP) qui représente 6000 établissements au pays. Elle s’inquiète des impacts de la pandémie sur les gyms et salles de conditionnement physique. Lors des derniers mois, environ le quart des établissements ont fermé au Québec.

Les propriétaires sont endettés. On parle d’environ 150 000 à 200 000 $. Parfois, cela atteint 300 000 $. C’est intenable pour plusieurs d’entre nous. Un quart des points de service n’existe plus. La population est privée de lieux de service, d'entraînement structuré et accompagné. C'est grave, dit-elle.

Les propriétaires ont pu compter sur l’aide gouvernementale pendant la pire période de leur histoire lorsque les commerces ont été fermés pendant 17 mois sur 22.

Deux programmes avaient été mis en place. Le programme d’aide d’urgence aux petites et moyennes entreprises (PAUPME) et le programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE) avec des prêts pouvant atteindre 150 000 $. Un autre programme, l’AERAM, permettait de convertir en pardon de prêt un maximum de 15 000 $ par mois.

L’heure est maintenant au remboursement, même si la clientèle n’est pas encore totalement revenue. L’industrie estime qu’elle a retrouvé de 75 à 80 % de ses membres.

Gabriel Hardy

Gabriel Hardy est le propriétaire du gym Le Chalet.

Photo : Facebook/Gabriel Hardy

Il y a beaucoup de propriétaires de gyms qui me disent : on vient de passer janvier et février, on va vers des mois plus creux. Je ne peux pas passer les 10 prochaines années à rembourser des dettes. C’est ce qu’on me dit, affirme le kinésiologue Gabriel Hardy, propriétaire du gym Le Chalet et directeur général pour le CCICP.

On a peur, on peut le dire, qu’on voit de plus en plus de fermetures. Ça va nuire autant à l'entrepreneuriat qu'à la santé des Québécois, poursuit-il, en entrevue avec Radio-Canada.

L’industrie aimerait une aide directe du gouvernement, comme on l’avait fait avec le secteur de l’hôtellerie pour éponger leurs dettes. Je fais souvent la comparaison avec les pharmacies. Si on avait perdu le quart des pharmacies durant la pandémie, est-ce qu’on aurait fait quelque chose? Je pense que oui, lance Mme Canape.

Un maillon essentiel de la santé?

Les deux intervenants veulent se battre contre une image souvent stéréotypée, celle que les salles de sport sont un repère pour gens superficiels et vaniteux, des culturistes ou des musclés qui font passer l’esthétique avant la santé.

Au contraire, soutiennent-ils, les gyms aident la population à être en bonne santé et proposent plus que jamais les services de professionnels comme des kinésiologues.

Selon une étude du CCICP effectuée en collaboration avec le Sport Industry Research Centre de l’Université Sheffield Hallam, la valeur totale des économies en santé générées par le sport et l’activité physique au Canada était de 23,4 milliards en 2019, dont la somme de 6,19 milliards attribuable seulement aux gyms.

La sédentarité est une pandémie mondiale qui mène à des maladies chroniques. Au Canada, les plus grands tueurs sont le cancer, les maladies pulmonaires et cardiovasculaires. L’activité physique peut aider à prévenir ces maladies, croit Gabriel Hardy.

Ce dernier signe d’ailleurs une lettre ouverte et demande aux paliers de gouvernement de valoriser leur industrie en mettant en place des exemptions fiscales pour les membres de salles de sport.

Nous demandons au gouvernement d’élargir l’accès à l’activité physique des Canadiens en leur permettant de réclamer un abonnement à un centre de conditionnement physique à titre de frais médicaux dans leurs relevés d’impôts, est-il écrit.

L’industrie se plaint aussi du peu de considération de la part du gouvernement et de la santé publique.

On cherche à devenir un partenaire avec le gouvernement, mais on n’a pas encore d’écoute notamment avec le Dr Horacio Arruda [ambassadeur pour la prévention en santé, NDLR], et on n’a pas de retour. Donc, on ne nous considère pas comme un partenaire, mais on cherche à le devenir, ajoute Gabriel Hardy.

Arruda va les rencontrer

Joint par Radio-Canada, le MSSS dit avoir mis en place une politique gouvernementale de prévention en santé et un plan d’action.

Le rôle de la santé publique est de promouvoir l’activité physique sous toutes ses formes, et non une forme d’entraînement ou un milieu d’entraînement en particulier. Toutefois, la santé publique reconnaît pleinement qu’une offre variée de centres d’entraînements et d’activités physiques diverses est bénéfique pour la population, a écrit le ministère par courriel.

Le Dr Arruda est assis à un bureau avec un drapeau du Québec derrière lui.

Horacio Arruda est maintenant ambassadeur en prévention de la santé.

Photo : Capture d'écran du point de presse virtuel

Pour ce qui est de M. Arruda, il rencontre actuellement plusieurs directions de santé publique. Mais à son retour, le MSSS assure qu’il rencontrera les intervenants.

Une rencontre pourra alors être convenue avec les gyms. Le Dr Arruda est tout à fait ouvert à les rencontrer et à discuter avec eux, nous a-t-on écrit.

Le cabinet de la ministre du Sport, du Loisir et du Plein Air, Isabelle Charest, soutient que plusieurs initiatives ont été mises en place pour faire bouger les Québécois et un montant de 800 millions a été investi lors du dernier mandat pour différents projets d’infrastructures. Il existe aussi une Table sur un mode de vie physiquement actif (TMVPA) présidé par la plongeuse Sylvie Bernier.

L’industrie dit voir grand et aimerait une vaste campagne de promotion d’habitudes et mettant en avant plan le sport.

Je pense qu’on doit valoriser l’activité physique. Il faut s’attaquer à la sédentarité comme on l’a fait avec le tabagisme. On a dit à quel point c’était dangereux, on a expliqué le lien direct avec les cancers, on a fait des efforts, conclut Gabriel Hardy.

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