Un restaurant sans serveur pour contrer la pénurie de main-d’œuvre
Amir Rahim, propriétaire du restaurant Grounded Kitchen, à Ottawa
Photo : Gracieuseté : Amir Rahim
Un restaurateur d’Ottawa a trouvé une manière inusitée de faire face à la pénurie de main-d’œuvre : l’automatisation.
C’est un projet qu’Amir Rahim caressait depuis un moment et qu’il a décidé de mettre à exécution lorsqu’il a ouvert la seconde succursale de son restaurant Grounded Kitchen.
Pour M. Rahim, l’automatisation est une manière de remédier au manque de personnel, un problème qui touche le secteur de la restauration depuis des années et qui s’est aggravé pendant la pandémie.
Tout ce qui peut être automatisé sans compromettre la qualité, le service et l’ambiance, je pense que c’est quelque chose que nous devrions envisager. Nous vivons à une époque où l'automatisation est désormais accessible et réaliste
, explique M. Rahim.
Ce restaurateur précise que l’automatisation de son second restaurant a coûté entre 10 000 et 20 000 $, ce qui permet à ses clients de commander et de récupérer leur repas en quelques clics seulement.
Les clients commandent leurs repas ou leurs boissons en ligne et reçoivent un message lorsque le personnel a fini de préparer le tout. Ils peuvent ensuite passer chercher leur commande dans un casier automatisé situé dans le restaurant et la consommer sur place.
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Même si ce système n'existe que depuis quelques mois, M. Rahim estime qu'il s'agit d'une solution que d'autres entreprises pourraient mettre en œuvre, ce qui aiderait également à améliorer l’expérience client, selon lui.
Il affirme que les réactions des clients ont été somme toute positives, même si certains ont encore des réserves.
Beaucoup de consommateurs pensent que l’automatisation va supprimer des emplois. Mais encore faut-il qu’ils veuillent de ces emplois [qui seront supprimés]
, pense M. Rahim.
Il ajoute que peu de gens veulent postuler comme caissier ou comme serveur.
Une solution, mais pas pour tous les entrepreneurs
Pour le vice-président des affaires nationales de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), Jasmin Guénette, l’automatisation est une des solutions pour pallier le manque de personnel, au même titre que le fait d'aménager des horaires flexibles et d’avoir recours à des travailleurs étrangers temporaires.
La FCEI
fait actuellement des démarches auprès des gouvernements pour qu'ils créent davantage de programmes et de crédits d’impôt afin d’aider les entreprises à automatiser leurs activités.M. Guénette croit également que cela peut donner plus de temps aux entrepreneurs pour planifier leurs projets à long terme dans un contexte où l'automatisation ne signifie pas nécessairement qu'il faille investir dans un équipement ou dans une machine très coûteuse. Ça peut par exemple être l’implantation d'un nouveau logiciel
, illustre-t-il.
Il croit toutefois que ce n’est pas une panacée.
Tous les types d'entreprises ne peuvent pas se tourner vers l'automatisation
, soutient-il.
Une nécessité
dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre
De son côté, l’économiste Armine Yalnizyan rappelle que l’automatisation a remplacé une partie des effectifs depuis maintenant plusieurs décennies.
Lorsque les restaurants commencent à l'utiliser, ça libère du temps pour les travailleurs et c'est une très bonne chose, car nous connaissons actuellement des sommets en matière d’emplois vacants
, indique-t-elle.
Selon Mme Yalnizyan, la pénurie de main-d’œuvre risque de durer encore 10 ou 20 ans en raison des changements démographiques qu’on observe sur le marché du travail.
Toutefois, l'essor de la technologie et de l'automatisation commence à toucher un tout nouveau groupe de travailleurs, dit-elle.
Auparavant, ça touchait les cols bleus et les agriculteurs, mais aujourd'hui, ça concerne de plus en plus des emplois moins physiques
, explique Mme Yalnizyan. Elle cite l'exemple de secteurs comme la traduction, la comptabilité, la finance et l’informatique.
Elle estime qu'il est encore trop tôt pour dire si le passage vers l’automatisation est une bonne chose, mais elle croit que c’est nécessaire
à une époque marquée par la pénurie de main-d'œuvre.
L'automatisation n'est ni une bénédiction ni quelque chose de terrible. Tout dépend de la personne qui l'utilise et de la manière dont c’est fait
, conclut Mme Yalnizyan.
Selon la FCEI
, 77 % des petites entreprises canadiennes sont touchées par la pénurie de main-d'œuvre. Les secteurs de l'hôtellerie, de la construction et des transports sont les plus durement touchés.Avec les informations de Safiyah Marhnouj, de CBC News