Joe Biden : le bon voisin
On était loin des insultes comme avec Donald Trump. Ce n’était pas complètement la « bromance » comme avec Barack Obama. La connexion de Justin Trudeau avec Joe Biden s’insère plutôt dans la catégorie « relation chaleureuse entre bons amis ».

Le premier ministre Justin Trudeau et le président américain Joe Biden partagent un rire après le discours de M. Biden à la Chambre des communes à Ottawa, le vendredi 24 mars 2023.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
C’est comme du bon voisinage.
Un Bonjour
en français reçu par une ovation aux Communes. Une blague sur les Maples Leafs que tout le monde déteste
, même Joe Biden. Un coup de pouce pour réparer la clôture et colmater la brèche du chemin Roxham. Un désir de verdir son jardin commun en environnement. Une promesse de travailler ensemble pour alimenter sa voiture électrique.
Du bon voisinage.
Mais ça ne veut pas dire que la visite de 27 heures de Joe Biden a permis de résoudre tous les irritants. Et ça ne veut pas dire que la bonne volonté qui était à l’avant-plan ces derniers jours mènera assurément à des résultats concrets.
Des irritants
Le protectionnisme américain n'a pas disparu. Il a en ce moment un visage plus souriant.
Les États-Unis se préparent à investir des milliards de dollars dans ses infrastructures (ponts, routes, autoroutes, éoliennes).
Des contrats publics construits avec de l’acier américain et du fer américain
tonnait le président dans son discours sur l’état de l’Union le mois dernier. Son discours aux Communes semblait plus ouvert à la collaboration. L’audience était manifestement différente.
Les entreprises canadiennes craignent d’être exclues de ces contrats. La rencontre avec Justin Trudeau a peut-être réussi à faire avancer ce dossier en coulisses. Mais, pour le moment, à part de bons mots, aucun geste concret ne s’est manifesté en public.
Dans le dossier d’Haïti, Ottawa résiste toujours aux pressions des États-Unis, qui veulent que le Canada dirige une force d’intervention rapide, afin de s’attaquer aux gangs de rue qui contrôlent le pays. Joe Biden dit qu’il n’est pas déçu, mais il ne lâche pas le morceau non plus.
Les discussions avec le Canada sont un work in progress
(un projet en cours) et la décision d’impliquer une force militaire n’est pas exclue pour le moment
, dit-il, mais devra se faire en consultation avec l’ONU et le gouvernement haïtien.
Et Joe Biden continue de talonner Ottawa sur la modernisation du NORADil faut travailler ensemble pour protéger nos arrières
, insiste le président. C’est dit gentiment, mais on sent quand même l’insistance. Comme un bon voisin qui veut que vous fassiez votre part dans l’association de surveillance du quartier.
Voisins, amis, partenaires, alliés
Le Canada et les États-Unis continuent d’être des voisins géographiques, des amis historiques et des partenaires économiques, comme le disait John F. Kennedy dans un discours à Ottawa en 1961.
Mais ce qui sous-tendait toutes les paroles de Joe Biden et de Justin Trudeau cette semaine touche surtout la fin de cette citation du défunt président américain : la nécessité a fait de nous des alliés
.
Le monde géopolitique change. La Chine se rapproche de la Russie au niveau économique et politique. De nouvelles allégeances se forment autour cette alliance.
Le continent européen a soif de nouvelles sources d’énergie, verte si possible, pour réduire sa dépendance à la Russie.
Le Canada et les États-Unis voient donc la nécessité de créer un pôle dans l'hémisphère occidental afin de contrebalancer le pôle russo-chinois en formation. Des alliés démocratiques, disent-ils, afin de se tenir debout devant la menace autoritaire
.
Symbole de tout ça, deux invités d’honneur étaient présents pour le discours aux Communes et le souper officiel avec Joe Biden : Michael Spavor et Michal Kovrig, les deux Canadiens emprisonnés en Chine durant 1019 jours, en représailles à l’arrestation de Meng Wanzhou, la numéro deux de Huawei.
Les deux hommes ont finalement été libérés par Pékin grâce à une intervention diplomatique et juridique de l’administration Biden.
Un symbole donc, que le Canada et les États-Unis se sont tenus debout ensemble devant la Chine, et qu’ils ont l’intention de continuer de le faire.
Un message aussi que les décisions de partenariats économiques prises entre le Canada et les États-Unis sont aussi un peu guidées par des considérations stratégiques.