La « loterie » des soins palliatifs à domicile
Les Québécois ne sont pas tous égaux quand vient le temps d'obtenir des soins palliatifs à domicile. En Montérégie-Est, l’absence de médecin désigné dans certains CLSC complique l’organisation des soins.

Robert Corbeil souhaite obtenir des soins palliatifs complets à son domicile de Sainte-Julie.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Au cours des prochaines semaines, Robert Corbeil pourrait avoir besoin d’une nouvelle injection d’un diurétique pour évacuer l’eau qui s’accumule dans ses poumons.
Engagé sur le chemin des soins palliatifs, ce résident de Sainte-Julie souffre notamment d’une insuffisance cardiaque aiguë et de diabète.
M. Corbeil a reçu à quelques reprises le diurétique Lasix ces derniers mois lors de séjours à l’hôpital. Une injection faite par un médecin à son domicile lui permettrait d’éviter des retours à l’urgence et, possiblement, une nouvelle hospitalisation.
Le hic, c’est que ni l’infirmière en soins palliatifs du CLSC
des Seigneuries, dans l’est de la Montérégie, ni le médecin de famille de la résidence privée pour aînés où il habite ne sont en mesure de lui faire cette injection.L’infirmière du CLSC
lui aurait notamment suggéré de déménager à Longueuil, où le CLSC local dispose d’une équipe médicale complète, ou d’envisager d'accepter une place dans une maison de soins palliatifs à Boucherville.J'ai eu le feu au cul, j'ai dit : "Ben voyons donc, c'est quoi, la joke?" Ils nous demandent à pleine télévision d'essayer de demeurer le plus possible à domicile tant qu'on est capables. […] Je suis capable
, lance-t-il.
Maintenant veuf, M. Corbeil a le privilège d’être accompagné par deux amis de longue date, Michel Therrien et Renée Savignac.
C’est moi qui doit, avec les intervenants à ma disposition, essayer de trouver un médecin pour qu’il puisse recevoir le fameux Lasix à la maison et je n’en ai plus moi de solutions !
constate Mme Savignac.
L’ex-gestionnaire semble choquée par la complexité des démarches à faire pour permettre à son ami Robert de finir ses jours à la maison.
« Je suis conscient que je vais disparaître. Je vais-tu me rendre à ma fête, à Noël ou à la Saint-Valentin de l’année prochaine? Je ne le sais pas […], mais je souhaite rester ici. »
Selon les données les plus récentes, 44 % des 58 800 usagers qui ont reçu des soins palliatifs et de fin de vie l’an dernier les ont reçus à domicile.

Les Québécois ne sont pas tous égaux quand vient le temps d'obtenir des soins palliatifs. En Montérégie, par exemple, des CLSC n'ont pas de médecin pour offrir des soins de fin de vie à domicile, alors que celui du territoire d'à côté en a un. Des inégalités, parfois à quelques kilomètres de distance. Un problème qu'on retrouve un peu partout dans la province. Un reportage de Davide Gentile.
Au CISSSdes partenariats et des mesures sont en place afin d’assurer les soins palliatifs qui requièrent un suivi médical
, nous écrit la porte-parole Caroline Doucet. Des médecins se rendraient disponible au besoin.
Le CISSS est en constant effort de recrutement
, précise Mme Doucet. Toutefois, ces dernières années, avec la promotion accrue de la prise en charge en première ligne (GAMF, GAP, réorientation P4-P5) à la suite des orientations ministérielles, les médecins de famille, en pratique ou nouveaux diplômés, qui ont répondu à l'appel ont également réduit leur disponibilité dans les autres secteurs d'activité.
Disparités régionales
Pour la présidente de la Société québécoise en soins palliatifs, la Dre Olivia Nguyen, il manque de médecins en soins palliatifs un peu partout au Québec.
« Malheureusement, la réalité, c'est qu'il y a toujours une sorte de loterie du code postal et, dépendamment du territoire où on habite, les soins palliatifs qu'on aimerait recevoir ne sont pas équivalents. Donc, il y a une grande inégalité en fonction des CLSC [près desquels] on réside. »
Pour la vétéran en soins palliatifs au Québec, la Dre Geneviève Dechêne, il est regrettable que des patients comme M. Corbeil doivent engorger les hôpitaux
pour recevoir certains soins.
Tous les jours, on a des patients suivis par le CLSC de Verdun [à Montréal] qui ont besoin de diurétiques intraveineux […]. Une infirmière ne peut pas le donner si elle n'a pas un médecin appelable en tout temps qui fait des visites à domicile
, explique-t-elle.
L’organisation des soins palliatifs du CLSC
de Verdun permet à la majorité des patients de terminer leurs jours à domicile.À l’échelle canadienne, le Québec demeure la province où le pourcentage de décès ailleurs qu’en milieu hospitalier est le plus faible à 23 % par rapport à 45 % en moyenne au Canada.