Budget provincial : le milieu culturel partagé entre crainte et déception

Le Théâtre français de Toronto participe activement à la création ontarienne. Ici, une représentation de « Dire de Di», de Michel Ouellette.
Photo : Marc Lemyre
La rumeur a grondé ces dernières semaines dans le monde culturel ontarien. On a vu naître sur les réseaux sociaux un appel à signatures relayé par de nombreux organismes, car le bruit courait que le Conseil des arts de l'Ontario (CAO) allait voir son budget réduit de 65 à 55 millions de dollars. Force est de constater que la catastrophe n'a pas eu lieu et que, du point de vue culturel, il n'y a pas eu de grandes annonces budgétaires.
Les mots culture
et arts
ne figurent aucunement dans les 186 pages du budget de l'Ontario.
Ghislain Caron, directeur administratif du Théâtre français de Toronto, n'est pas surpris. On ne s'attendait pas à autre chose venant d'un gouvernement conservateur
, affirme-t-il.
Il note que la situation diffère au Québec. Il y a deux fois moins d'habitants au Québec par rapport à l'Ontario et, pourtant, l'investissement du gouvernement est trois fois supérieur
, constate Ghislain Caron.
Le financement provincial reste capital pour maintenir la vitalité de la création ontarienne. Sur un budget annuel de 65 millions de dollars géré par le CAO
, seules cinq compagnies ont touché une aide supérieure à 1 million de dollars en 2022, dont le Ballet national du Canada, la Canadian Opera Company et le Festival de Stratford.Ghislain Caron rappelle l'importance de telles subventions pour les compagnies plus petites et ajoute qu'elles sont indispensables à notre survie
.
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Par ailleurs, la province a supprimé les aides qui ont compensé les pertes de revenus des établissements dans le cadre des mesures prises pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Le directeur administratif du Théâtre français de Toronto aurait voulu que l'Ontario procède par palier, comme l'a fait le Québec.
Faire revenir le public en salle prend du temps, il faut mettre plus d'argent dans le marketing et pour convaincre chaque spectateur
, croit-il. On aurait eu besoin du soutien du gouvernement pour cela. Le retour en salle n'est pas magique.
Le milieu du livre oublié?
Les seuls éléments du budget qui touchent l'industrie culturelle ne sont pas nouveaux et concernent l'industrie cinématographique. Ainsi, l'Ontario veut améliorer les dispositifs de crédits fiscaux visant les productions destinées à sortir directement sur les plateformes de diffusion en ligne, comme Netflix et Disney+, ainsi que la création d'effets spéciaux dans la province.
Aucune autre mesure ne vient en aide aux autres branches de l'industrie créative.
Le milieu du livre se sent particulièrement oublié. Yves Turbide, le directeur général de l'Association des auteures et auteurs de l'Ontario français (AAAOFpour venir en aide aux libraires.
) déplore le manque de soutien du gouvernementUne école de Québec ne peut pas acheter de livres à Montréal. En Ontario, on n'a pas de mesure comme celles-là
, note Yves Turbide.
Il ne reste aujourd'hui que quatre librairies francophones en Ontario, et des mesures obligeant les écoles à acheter localement seraient d'une grande aide pour l'économie locale.
Nathalie Vincke, propriétaire de la librairie Il était une fois, à Oakville, ne nourrit plus aucune illusion.
Je mène ce combat au quotidien depuis des années, j'essaie de réveiller les instances publiques, mais tout le monde fait l'autruche
, affirme-t-elle. Nathalie Vincke ajoute que, sans politique volontariste, les librairies indépendantes, qu'elles soient francophones ou anglophones, vont finir par toutes disparaître
.